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Citations à l'affiche
Serena Caudill entendit des pas dehors, puis le grincement de la porte de la maison, et elle comprit que John était rentré. Elle continua à attiser le feu dans la cheminée, dans laquelle dorait une poule.

-Où est Boone ?

-Dans les parages, je suppose.

Levant la tête, elle le vit fermer la porte à cause de la pluie, sans se retourner, ses yeux embrassant la cuisine sombre. Il boita jusqu’au mur en produisant un bruit sourd irrégulier sur les lattes épaisses du plancher, commença à accrocher son manteau à la patère, puis se ravisa et le reposa sur ses épaules. Dans la chaleur de la pièce, il émanait de lui des odeurs de vache, de sueur, d’alcool et de laine mouillée.

-On peut savoir quand il pleut rien qu’en écoutant le bruit de tes pas, dit-elle en le suivant du regard.

-Tu dis tout le temps ça.

Il se planta devant la fenêtre, comme s’il pouvait voir à travers le papier huilé qui servait de carreau, et ajouta :

-Tu changerais de refrain si tu avais reçu une balle dans la jambe.

-Je dis pas que c’est rien, répliqua-t-elle, et elle examina la cuisson de la poule avec une fourchette.

Elle le revoyait encore le jour où il était rentré de Tippecanoe avec une balle dans la cuisse et la peau ensanglantée d’un Indien dans son havresac. Il avait gardé le scalp et tanné la peau pour s’en faire un cuir à rasoir. C’était il y a longtemps déjà, trop longtemps pour continuer à souffrir d’une blessure.



(Incipit)
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- Merde, qu'est-ce que t'as ce matin ?

Qu'est-ce qu'il avait ? Gaston Groult se sentit pris de vertige. C'était donc ça, son monde ? Cette boue, cet égout à ciel ouvert ! Ces hardes imprégnées d'huile et de cambouis, cette crasse, ces haleines fétides, ce noir... C'était ce Rital vicelard à la peau vérolée, cette femme immonde aux mamelles violacées, ce gros porc de Massard... et tous les autres, toutes ces épaves qui allaient s'enivrer, se battre, rouler sur les pavés du quai. Il les entendait rire et crier, entendait leurs insanités. C'était un festival de gargouilles grimaçantes, de bouches édentées, de masques noircis par le charbon. Le charbon, si on le laissait faire, il rampait sur vous, s'incrustait partout, grignotait votre corps. Le charbon vous étouffait, vous pénétrait, jusque dans la gorge, jusque dans la bouche. Quand il mangeait, Gaston sentait la poussière qui se mêlait aux aliments, craquait sous la dent. Chaque soir, il se déshabillait dans la cuisine, se lavait comme un forcené. Mais cela ne suffisait jamais. Cette saloperie collait à la peau, qui sait même si elle ne se glissait pas sous l'épiderme, si elle ne le rongeait pas, ne lui pompait pas le sang ?
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Le sommet de la montagne, séparé par un nuage

Ou par du vide, repose sur la volonté de l'artiste

Et sur son pouvoir de créer l'illusion.



Le cône plane heureux dans le haut de la soie.



Dans cet espace, nous qui regardons, qu'allons-nous mettre ?

Le néant de nos esprits géométriques,

Ou le rêve riche et confus de nos imaginations.



Avril 1946
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La révolte contre Ruskin fut une révolte contre lui-même que Proust mena à fond, avec une sorte de nihilisme féroce. Il avait cru dans la beauté du monde extérieur, aussi bien dans les natures mortes de Chardin que dans le charme des lilas, des aubépines et des roses, ou dans les grandes cathédrales-livres. Il se disait maintenant, comme Emerson, que les choses ne sont belles que de cette part de "beauté infinie" que notre esprit amasse autour d'elles. Il avait cru dans la littérature, pensant comme Descartes qu'elle était "une conversation" avec les grands écrivains des siècles passés, et en avait éprouvé sur lui-même toutes les vertus curatives, imaginant que les livres répondaient à toutes nos questions. Il découvrait maintenant que la lecture "est au seuil de la vie spirituelle ; elle peut nous y introduire ; elle ne la constitue pas". Il n'est rien de pire que la passivité à laquelle elle nous invite, que cette vie en surface, dans un total oubli de notre moi profond : l'on imagine la vérité comme une chose matérielle, "déposée entre les feuillets des livres comme un miel tout préparé par les autres".
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Le soir, assis sur la véranda coloniale,

Auprès de la douceur amère de mon coeur,

Je surveillais la baie sous les ombres du ciel

Où vieillissaient déjà les étoiles nouvelles,



Tandis que les requins chassaient au crépuscule.
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- Avec toi, déclara Isis, ma pensée s’épanouit, elle est heureuse, délirante… Elle ne connaît pas de frontières. Avec tous les autres, je me refroidis, je m’endors, j’ai la migraine, ou je suis comme un lion en cage.

Maximilien ouvrit grand les yeux en entendant cela : elle ne se rendait pas compte de ce qu’elle disait ?! Mais il savait que les propos d’Isis ne valaient qu’à l’instant même. C’était une sorte d’impressionnisme des sentiments. Un mur blanc paraît bleu dans une certaine lumière, et à une certaine heure du soir : tout est question de mobilité et de subjectivité…
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Il est rare que nous fassions état de ce qui nous est le plus sensible: rare aussi que nous ayons auprès de nous un être auquel nous puissions nous montrer jusque dans cet extrême retrait de nous-même.
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VALDIMAR TÓMASSON



Pourquoi le parfum de tes mots

s'est-il affaibli.



Et ta présence

devenue une branche nue.



Et mon espoir nuit d'hiver.



La nuit était telle sans couleur

ou rouge feu ?



Une étoile veille

sur le ciel d' hiver.



Les fleurs de givre scintillent

blanc ressac et pures.



L' été s'enfuit dans la mer

et l'automne approche des terres.



Les yeux vifs

de l' étendue de glace rayonnent.



Le soleil miroite dans les déserts

de l'espérance.



Je reste

dans la nuit étoilée.



Mais au-dessus s'étend

l' édredon bleu.



Et la terre est couverte de silence.







Vetrarland, JPV, Reykjavik, 2018
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Cri n°94

Un résistant de l'an deux mille :

Mon père n'avait pas de téléphone. Ni mon grand-père. Ni mon arrière-grand-père. Ni aucun de mes ancêtres. Je n'aurai pas de téléphone.



Mais monsieur, puisqu'on vous l'offre !... C'est gratuit !



Je n'en veux pas.
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Une phrase me revînt en mémoire, quelque chose que Hannah Arendt avait dit un jour à propos du poète Auden: la vie avait gravé les fureurs invisibles de son cœur sur son visage.
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Or il y avait cette essence que chacun oublie quand un amour s'éloigne dans le passé - comment c'était, quel effet cela faisait et quel goût cela avait d'être ensemble seconde après seconde, heure après heure, jour après jour, avant que tout ce qui allait de soi n'ait été rejeté, puis recouvert par la réécriture du dénouement, et ensuite par les défaillances mortifiantes de la mémoire.
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Ramon Tio Bellido
[Kandinsky] devient réellement peintre à quarante ans accomplis. Sa personnalité discrète s’accommode mal des mondanités et de la publicité. Ses confessions ou ses allusions à sa vie privée, lorsqu’il y consent, sont toujours d’un laconisme imperturbable. Kandinsky n’est pas un personnage public, son allure même — cette élégance vestimentaire et son côté « dandy tranquille » — a pour effet d’en irriter plus d’un. On le trouve froid, distant, voire hautain.

Son histoire personnelle est, somme toute, peu spectaculaire. Le biographe manque de branches où se raccrocher face à une vie exempte de manifestations tumultueuses, de crises, de scandales. Toutes choses qui alimentent la chronique et remplissent si bien les portraits /poncifs de l’artiste non conformiste, révolté et iconoclaste, dans la vision convenue et complaisante du rapin et du bohème. Pour les partisans du sens commun comme pour ceux de l’exceptionnel, Kandinsky fait presque figure d’instrus : anachronique et contradictoire, son image ne « colle » pas.
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Même si nous avons chacun nos rêves, le voyage est plus savoureux quand il est partagé.
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Nous aiment-ils, ceux qui nous aiment sans comprendre ce qui nous est nécessaire?
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Quand je raconte cette histoire, tout le monde pense que la naissance du bébé est le miracle auquel je fais allusion en cette lointaine journée de blizzard. C'était époustouflant, certes. Mais j'ai assisté ce jour-là à une chose encore plus merveilleuse. Pendant que Christina me tenait la main et que Mme Mina serrait celle de maman, il y a eu un moment – un souffle, un battement de cœur – où toutes les différences d'éducation, de niveau social et de couleur de peau se sont évaporées, tels des mirages dans le désert. Un moment où nous étions tous égaux et où il n'y avait plus qu'une femme qui en aidait une autre.

Ce miracle-là, cela fait trente-neuf ans que j'attends qu'il se reproduise.
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Le vent est froid, le soleil tiède. Le chant hypnotique du bruant est reparti jusqu'à l'automne. Les juncos charbonneux volettent de branche en branche, avançant vers l'Arctique par sauts de 15 centimètres. Les mouettes se disputent les carcasses de poissons dégorgées par la glace. Jour et nuit, les oies passent en altitude. À 24 ans, Matthew Callwood s'étonne que les saisons se succèdent si vite, que le balancier migratoire marche aussi frénétiquement. Il n'y a donc rien, sur cette planète, qui se repose vraiment ? La vie lui file entre les doigts et il n'a encore rien fait.
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LA LUNE



La silencieuse amitié de la lune

(je cite mal Virgile) t'accompagne

depuis cette -engloutie aujourd'hui dans le temps-

nuit ou soirée, où tes yeux

distraits la déchiffrèrent pour toujours

dans un jardin ou un patio qui sont poussière.

Pour toujours? Je sais que quelqu'un, un jour

pourra te dire en toute vérité:

"Tu ne reverras pas la brillante lune,

tu as épuisé la somme prédéterminée

des occasions que t'accorde le destin.

Inutile d'ouvrir toutes les fenêtres

du monde. C'est trop tard. Tu ne la trouveras pas."

Notre vie durant, nous découvrons et oublions

Cette douceur accoutumée de la nuit.

Certes la lune est encore au ciel.

Il faut la regarder bien. Elle est peut-être la dernière.
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Trouillette a essayé de sortir. Impossible : c'était bloqué de l'intérieur.

Berk a tenté de la rassurer :

— Pas de panique, Trouillette, restons calmes !

— AU SECOURS !!! a hurlé Trouillette. On ne pourra plus jamais sortir, on va finir écrasés sous des tas de lettres !
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Buck, vaincu, venait d'apprendre une leçon qu'il n'oublierait de sa vie : c'est qu'il ne pouvait rien contre un être humain armé d'une massue. Se trouvant pour la première fois face à face avec la loi primitive, envisageant les conditions nouvelles et impitoyables de son existence, il perdit la mémoire de la douceur des jours écoulés et se résolut à souffrir l'Inévitable.
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Serge Bonnery
il pourrait ici régner

paix et silence mais

l’étole qui repose dans les tiroirs du ciel retombe

derrière le mur émietté du monde
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