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Expert littérature française

Cet insigne distingue les amoureux de la langue de Molière, les inconditionnels de l'écriture à la française.
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Heimaey

Heimaey est le nom d'une petite île (13,4 km², 4000 habitants) située au sud de l'Islande, où se déroule la scène finale d'un thriller.



C'est le premier épisode d'une nouvelle série qui met en scène un policier atypique, Kornelius Jakobsson, un colosse plein de gentillesse qui chante dans une chorale de femmes une mélopée destinée principalement à des corbeaux.



En lisant le dernier ouvrage publié par l'auteur, je n'avais pas capté qu'il s'agissait du troisième épisode d'une série. J'ai donc décidé de revenir à sa source.



Je suis partagée : si vous avez l'intention de visiter l'Irlande, vous pouvez – ou pas – outre un sérieux guide touristique, vous munir de ce roman. Vous y trouverez les beautés époustouflantes de l'île décrites avec le talent évident d'un amoureux de la nature, ses mythes et ses traditions y compris culinaires, et aussi ses milliers de tremblements de terre, éruptions volcaniques, déserts de cendres, falaises de glace qui s'écroulent dans la mer déchaînée … et ses oiseaux de mer rancuniers et agressifs.



L'histoire est foisonnante. Elle commence avec un Français proche de la soixantaine, qui se souvient d'un séjour de jeunesse endeuillé par une mort violente, et qui souhaite revenir avec sa fille, post-ado un peu déjantée, dont il s'est éloigné. Il imagine que ce voyage longuement planifié, va leur permettre de se retrouver … Mais tout se ligue pour faire de leur séjour un enfer.



Sur cette île magnifique et terrifiante, les intrigues s'entremêlent. Trafic de drogue, mafia lituanienne, vengeance réactivée après plus de quarante ans, persécution anonyme, danger des réseaux sociaux, traditions sanglantes … On s'y perd un peu, il faudrait prendre des notes.



On finit par imaginer le Français comme un peu l'alter ego psychologique de l'auteur et le flic, taciturne et – c'est la loi du genre – souvent en dehors des clous de la procédure, qui finit naturellement par dénouer tous les fils de cette trame embrouillée, tour à tour glaçante et explosive.
Lien : http://bigmammy.canalblog.co..
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Et chaque fois, mourir un peu, tome 1 : Blast

Les derniers romans de Karine Giebel montrent, contrairement à l'image qu'elle a pu avoir avec des romans comme par exemple "Purgatoire des innocents", une grande sensibilité et un intérêt incontesté pour la cause humanitaire.

Dans "Et chaque fois mourir un peu", on y voit toute l'horreur des guerres, la violence, l'absurdité des hommes et donc il y a aussi une réflexion politique et un engagement qui me plaît beaucoup.

Comme il ne s'agit pas d'un reportage journalistique et que Karine Gibel est une romancière, nous suivons quelques personnages dont Grégory infirmier et Paul médecin engagés tous deux dans la Croix-Rouge internationale. Deux hommes complètement au service et dévoués aux blessés mais qui, on le sent bien vont finir par se perdre dans toutes ces abominables tragédies humaines.

L'horreur, la peur sont bien présentes dans ce roman mais pas en tant que thriller, ici, Karine Giebel relate malheureusement la vraie vie, elle met en exergue le vrai caractère abjecte de l'homme à travers les conflits armés que ce soit en ex Yougoslavie, en RDC, en Colombie, au Rwanda, en Afghanistan.

La fin qui n'en n'est pas véritablement une puisqu'il va y avoir une suite, présage de bien tristes moments à venir.

Il va falloir patienter jusqu'en automne pour avoir la suite mais au moins l'arrivée de l'automne aura un petit goût de plaisir, ce qui n'est pas toujours le cas !



Si Karine Gibel change un peu de registre elle reste pour moi une valeur sûre.





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Cinq cartes brûlées

Le roman ouvre sur une scène de meurtre sanglante et anonyme, mais c'est réellement avec la naissance de Laurence que débute l'intrigue. Elle est accueillie dans la famille Graissac par ses parents et son frère Thierry, 3 ans, qui la voit comme "celle qui brisait sa vie". Un "Attila en bermuda", il lui en fera voir de toutes les couleurs, la martyrisant et l'humiliant toute sa vie. Son père, lui, vient la réveiller la nuit et "sa main caresse [son] dos, comme une petite bête qui monte et qui descend." Sa mère, enfin, "dépressive et perturbée", perd tout contrôle lorsqu'elle découvre l'infidélité de son mari.

Comment se construire dans un environnement aussi dysfonctionnel?

C'est que l'autrice décrit avec brio dans ce roman : de métier en métier, de rencontres en séparations, c'est un destin sombre, plein d'ondes négatives, comme celle du transformateur grésillant en face du pavillon familial.

Une excellente lecture!
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La Moïra, tome 3 : La nuit de la louve

J’ai eu en main par hasard ce troisième volume de la trilogie « la Moira » sans avoir lu les deux premiers .C’est de la fantasy très classique sur une base celtique avec magie druidique ,prophétie , nain barde , etc .La situation politique est complexe , digne de GOT avec en plus un conflit religieux , Et cette apparente montagne de faits accouche d’une souris. Les personnages sont superficiels voire évanescents , les péripéties extrêmement convenues . La situation se dénoue avec une facilité déconcertante . le Grand méchant (qui est un copié-collé du roi sorcier de Warhammer ou de Sauron …dans le look mais pas dans la puissance) se vaporise gentiment , les autres adversaires s’entretuent… On peu difficilement avoir moins le sens de l’épique . Je n’ai pas non plus saisi l’intérêt des épisodes lupins … Bref, je ne lirai pas les deux premiers tomes , c’est ,à la rigueur, de la fantasy pour débutant (accessoirement je me demande comment on peut replanter un chêne coupé …même pour des druides c’est coton ,non ?).
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Le lys rouge

Déception! Pourtant Anatole France me semblait être une valeur sûre, un auteur rencontré dans mes livres de classes de l'école primaire et aussi dans des dictées à la même époque. Bien sûr l'écriture est belle dans son classicisme, mais je me suis ennuyée avec ce verbiage qui ne m'a pas semblé digne d'intérêt, avec ces questions existentielles, ce mysticisme, cette société oisive paradant entre châteaux, salons, spectacles, promenades, intrigues politiques, saisons de chasse ou champs de course, et pour certains aventures extra-conjugales. J'ai peiné à lire ce roman de près de 400 pages traitant de la jalousie... Ton trop larmoyant à mon goût, un livre qui aura mal vieilli, je suis restée insensible à ces tourments de coeurs, Je ne ressens aucune empathie pour les protagonistes. Rencontre manquée avec ce livre.
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Vallée du silicium

Un début de lecture un peu difficile, je ne suis pas une lectrice assidue de Damasio et j’ai eu parfois la sensation qu’il se faisait plaisir à parler (écrire) en oubliant un peu ses lecteurs sur le côté de la route ! Puis petit à petit, j’ai eu la sensation qu’il voulait partager son engouement pour cette résidence à San Francisco et ces visites au coeur de la Silicon Valley et j’ai eu l’impression de le voir exulter d’être où il se trouvait !



7 chroniques pour 7 thèmes, même si finalement ils n’en forment qu’un seul mais cela a permis à l’auteur de traiter les sujets en profondeur et à donner libre cours à ses idées et ses extrapolations !



Dans un langage soutenu et adapté à ce qu’il découvre, voire créé pour coller aux avancées technologiques, il analyse et extrapole vers une dystopie qui me semble déjà bien plus proche d’année en année ! Il y a beaucoup d’humour et de dérision dans ses propos et j’ai ri quelques fois !



Sa relation du passage en douane et des voitures autonomes sont, pour moi, des grands moments de littérature sarcastique ! Grâce à lui, j’ai appris ou compris ou mieux cerné des choses qui sont allées très vite dans le temps et si pour certains c’est intellectuellement fascinant, pour d’autres c’est manifestement une recherche de pouvoir et d’argent.



Encore plus qu’ailleurs où tout ce qui va devenir “demain”, la Silicon Valley est un milieu très fermé, replié sur lui-même et cela m’a fait songer plus d’une fois à une secte qui ne s’intéresse qu’à ceux qui lui apporteront le plus mais jamais à ceux dans le besoin le plus élémentaire !



La nouvelle de science-fiction qui clôture ce livre est tout à fait adaptée à ce qui commence à émerger dans la population qui se veut “à la pointe de...” !



Je reconnais qu’avec quelques années de moins j’aurais vraiment aimé travailler à développer toutes ces techniques et technologies pour aider à vivre mieux, tout en sachant que les inventions gardent rarement leur usage premier ! Et puis il y a beaucoup trop de choses que j’aime du monde vivant, celui où l’on marche, où l’on hume les odeurs, où l’on parle avec un autre être humain pour me laisser aller à être imprégnée de cette culture et dépasser le stade de la geekette !



Merci à Alain Damasio de remettre les choses à leur juste place et avec leur juste valeur ; je pense que ce livre peut aider à se faire une opinion et peut-être décider de la manière dont la technologie va nous aider à mieux vivre.



#massecritiquebabelio #valleedusilicium



Challenge Gourmand 2023/2024

Masse Critique mars 2024
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L'Origine des larmes



Quel prologue, époustouflant, qui place le lecteur dans l’intensité d’une tragédie antique ! Paul Sorensen, la cinquantaine, vient d’être arrêté pour avoir abattu son père post-mortem dans une morgue. Il présente son destin comme marqué par la mort, né d’une mère décédée en couches en même temps que son frère jumeau.



« Chacun de mes anniversaires commémore la mort de Marta et de mon frère. L'origine des larmes se trouve là, au fond du ventre de ma mère. Ce ventre dont je n'aurais jamais dû sortir. Ce ventre qui aurait dû m'ensevelir au côté de mon frère. Ce ventre qui m'a expulsé au dernier moment vers la vie sans que je ne demande rien ni que je sache pourquoi. De l'air est entré dans mes poumons pour la première fois au moment même où leurs cœurs ont arrêté de battre. »



Suite à son procès pour atteinte à l'intégrité d'un cadavre, il écope d'une année de prison avec sursis et d'une prise en charge médico-psychologique obligatoire pendant un an : une séance par mois, un sujet par mois.



Au départ, l’intérêt est happé par le personnage du père. On attend avec impatience le réquisitoire de Paul pour comprendre son geste inouï. Jean-Paul Dubois évacue rapidement cette attente car on comprend vite que le père incarne toute la sauvagerie et la violence du monde. Ce personnage est tellement outré, monstrueux dans ses actes et paroles, totalement impardonnable, qu'il en devient presque irréel, mais sa présence hante tout le récit par l'impact qu'il a eu sur la vie Paul.



La construction narrative est faussement simple. Douze chapitres, un par mois, un par séance, un sujet par séance, pour savoir si Paul va réussir à se décharger du fardeau de son existence et sortir du trou noir de la haine que lui inspire son père. Ce qui a aimanté ma lecture, c’est le portrait désespéré de Paul, un homme profondément seul, raconté par moultes digressions brillantes qui dessinent la réalité d’une vie fracassée et inconsolée ( « cet homme est entré dans ma tête, il y vit en ne laissant que désordre derrière lui. Il entre, sort, fait ce qu'il veut, n'importe quand, n'importe où. Même quand il n'était pas là, on l'avait en nous, comme une amibe, un parasite mental. »



La maitrise narrative de cette introspection labyrinthique est admirable, des détails inattendus venant faire écho à d’autres, de façon encore plus inattendue, autant de contre-poisons au venin paternel : le peintre coréen Kim Tschang-yeul, l’ancien secrétaire général de Nations Unies Dag Hammarskjöld, le moine néerlandais Thomas a Kempis entre autres. En filigrane, une réflexion bouleversante sur la mémoire se déploie, sur les mécanismes des souvenirs et de la perte. On n’échappe pas à sa mémoire.



C’est sans doute le roman le plus sombre de Jean-Paul Dubois, baigné dans une pluie perpétuelle quasi dystopique ( nous sommes en 2031 ) et pourtant, il y a bien une juste dose d’humanité qui vient, malgré tout, éclairer le noir de l’ensemble, accompagnée d’une tendresse parfois teintée de burlesque : le logiciel d’I.A. avec lequel discute Paul, si civilisé et courtois ; l’amour d’une mère adoptive ( inoubliable scène des jouets pris en photo ) ; la relation avec le génial psychiatre ( il souffre d’une maladie de l'œil provocant un larmoiement continu qui l’oblige à sortir de son cabinet pour se mettre du collyre, de peur que ses patients pensent qu’il pleure à cause de ce qu’ils lui racontent ) et ses compagnons chiens.



« Wats avait la particularité, quand il était sec, d'avoir un pelage qui gonflait et magnifiait une stature. En revanche, une fois mouillée, sa toison s'effilochait misérablement, lui donnant l'apparence d'un gros rat. Il avait aussi de tout petits os, des pattes effilées comme des talons hauts et un museau aussi pointu qu'un pic à glace. J'avais donc deux chiens. L'un, sec, une vraie merveille. L'autre, mouillé, une totale affliction. Wats avait aussi cet étrange besoin, en voiture, de mettre son museau à la portière et de demeurer dans cette position, sans broncher, même au-delà des cent trente kilomètres-heures réglementaires. Le vent plaquant les poils sur son museau, déformait ses babines, lui donnant un visage effrayant, à tel point que j’avais honte de doubler un véhicule. »



Dubois est un des rares auteurs français à savoir manier avec autant d’élégance et d’intelligence tragédie et comédie. Il compose ici un roman d’une noirceur drolatique qui émeut autant qu’il désole.
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Mauvaise mer

Concarneau, 2016. Simone, libraire, 40 ans , est revenue vivre avec sa mère, Elizabeth, 70 ans, car elle est inquiète pour sa santé et trouve son comportement bizarre. Depuis 35 ans, elle attend son mari, Robert, disparu en mer le 11 mai 1981, alors que sa fille avait cinq ans. Tous les jours, elle s'assied face à la mer et lui parle. La cohabitation entre les deux femmes est particulièrement difficile, toute communication semblant impossible.

J'ai été attirée par ce livre pour quatre raisons:

* la très belle couverture qui est une belle image évocatrice de la région où je vis, là où fleurissent les cirés jaunes

* le lieu où se déroule le roman, dans le Finistère, la partie la plus sauvage de la Bretagne, que je trouve la plus belle (pardon pour les autres départements bretons =:) )

* le titre qui fait immanquablement penser à mauvaise "mère", ce qui était très probablement l'objectif de l'auteur

* le thème de l'attente, celle des femmes et des mères de marins pêcheurs, partis en mer et dont certains ne reviennent pas ; les romans qui en traitent m'ont toujours beaucoup touchée; je citerais "Une longue impatience" de Gaëlle Josse (2018) et "Mes sœurs, n'aimez pas les marins" de Grégory Nicolas (2023).

J'ai retrouvé tout cela dans le livre et bien plus car nous assistons à la confrontation, au face à face hargneux entre deux femmes : une mère, aigrie, acariâtre, mauvaise, dont le cœur est tellement desséché par la disparition de son mari, qu'elle n'a pu donner de l'amour à sa fille qu'elle a rejetée et méprisée et une fille, qui revient officiellement pour venir en aide à sa mère mais aussi probablement avec l'espoir ténu de recevoir un signe d'amour qui lui permettrait d'avancer enfin dans la vie, de trouver sa place. Bien qu'absolument détestable, je n'ai pu m'empêcher de ressentir une pointe de pitié pour cette femme qui a attendu un disparu pendant 35 ans, qui a mis sa vie de femme et de mère entre parenthèses.

Un beau roman sur l'absence, l'attente.

#Mauvaisemer #NetGalleyFrance
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Les enfants sont rois

En soi, le récit, l’intrigue romanesque, ne sont pas d’un grand intérêt. On ne sent pas forcément une grande tension, le côté thriller n’est que peu marqué. C’est que l’intrigue policière n’est qu’un prétexte, qu’un arrière-plan au véritable sujet : les enfants exposés sur les réseaux par leurs parents au point de devenir des travailleurs numériques, voire des esclaves. C’est cet aspect documentaire qui est passionnant, j’ai découvert un monde dont je n’avais aucune idée : celui des influenceurs enfants sur les réseaux. Un écosystème avec ses propres règles et ses lois de l’évolution, où seuls les plus créatifs gagnent des abonnés, où chacun interpelle ses « chéris d’amour » en leur faisant des « bisous d’étoile » mais est prêt à dévorer le concurrent, où les parents sont des « mamans poule » pour leurs « petits cœurs » mais prêts à la maltraitance infantile ; un monde où la famille est remplacée par la « communauté » des abonnés, les marques d’amour à l’intérieur d’une famille par des « smileys-bisous-coeur ». Un écosystème donc où les réseaux viennent combler la solitude et l’ennui d’une femme au foyer.

La réussite de l’écriture, outre cet aspect documentaire, cette analyse sociologique, est le personnage de la mère. Car, en tant que lectrice, j’ai alterné dans les sentiments que je lui portais, allant jusqu’à la prendre en pitié : on la perçoit d’abord comme une écervelée déformée par le visionnage de la télé-réalité, une femme fragile qui a un besoin de reconnaissance et d’affection, une mère qui croit faire le bien de ses enfants, une marâtre maltraitante… D’un point de vue romanesque en revanche, le personnage de la policière est caricatural – la femme-enquêtrice qui vit seule, sans amour, qui refuse de laisser des traces numériques. De même, j’ai trouvé que la dernière partie – lorsque les enfants sont devenus adultes – n’apportait rien : elle n’est pas assez éloignée dans le futur pour être de la science-fiction
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Gabriële

Claire et Anne Berest ont découvert assez tard qu'elles étaient les arrière petites-filles de Francis Picabia et de son épouse Gabriële Buffet, à la vie tellement libre pour une femme née à la fin du XIXème siècle ! 



Gabriële Buffet a fait des études de musique souhaitant devenir non pas interprète, ce qui était déjà osé, mais compositrice, de musique 'moderne' qui plus est. 



Souhaitant étudier à Berlin, contre l'avis de ses parents, elle travaille un été pour réunir les fonds nécessaires et y part pour étudier seule femme compositrice dans une assemblée de jeunes hommes tous férus de modernité, assonances et dissonances, nouveautés ... jouant le soir dans des orchestres, et nouant de solides amitiés



De retour à Paris pour les vacances d'été, elle rencontre un ami de son frère Jean : Francis Picabia, peintre à la mode impressionniste qui vit très bien de son art au point de s'acheter régulièrement de nouvelles automobiles rutilantes. 



Et justement il enlève son ami et sa sœur, part avec eux sillonner la France ... 



Gabriële ne retournera pas à Berlin, elle aidera Picabia à accouche de nouveaux styles, sera à ses côtés - ou le fuira - lorsqu'il sombrera dans l'opium et ses dérivés, l'accompagnera à New York pendant la première guerre mondiale, alors que leur ami Apollinaire s'engage dans l'armée. 



Ils formeront un ménage à trois avec le jeune Marcel Duchamp, que Gabriële aidera aussi à oser son art. 



 Gabriële et Picabia auront quatre enfants, qui n'intéresseront jamais leur père et que Gabriële confiera à sa mère ou à des internats quand elle devra être aux côtés de son 'seul' enfant : Francis Picabia ! 



Le quatrième de ces enfants se suicidera très jeune, c'est le grand père des autrices. 



Comme dans La carte postale, les autrices dépassent la chronique familiale pour offrir un regard inédit sur la vie culturelle du début du XXème siècle: celui d'une femme libre, indépendante ... et pourtant tellement au service de son homme ... ou plutôt de son art ! 
Lien : http://les-lectures-de-bill-..
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Regrets sur ma vieille robe de chambre

Petit texte où Denis Diderot qui vient de recevoir d'une admiratrice une somptueuse robe de chambre écarlate, s'interroge sur l'envie de nouveautés, de changements, sur l'obsolescence des choses avant l'heure. 



Cette robe de chambre nécessaire en ces temps où les appartements ne disposaient pour chauffage que de minuscules cheminées, cette vieille robe de chambre, usée, au tissu élimé à certains endroits, tachée d'encre là où il nettoyait ou taillait ses plumes mais si confortable, si assujettie à son corps, qu'elle réchauffait. 



Pourquoi avoir envie d'un secrétaire à la mode, là où sa vieille table bancale faisait ce bon usage de supporter lettres et papiers en instance. 



Pourquoi ce goût de la nouveauté ? du luxe ? 



Bref des interrogations toujours autant d'actualité, deux siècles et demi plus tard ! 



Petits textes, mais profonde réflexion ... 
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Les eaux du Danube

Au travers du destin d'un homme sans histoire ni passion, Jean Mattern poursuit son délicat questionnement des apparences, dans une nouvelle exploration des non-dits autour des origines et de la filiation.





« J'ai passé ma vie à éviter les sensations fortes. Question d'éducation. Pas d'alcool, pas de sauts en parachute, pas de voitures de course. Pas d'aventures non plus. Même le sexe m'ennuie parfois. Tout m'ennuie d'ailleurs, je crois. J'attends que ça passe. » Ainsi fait-on, dès l'incipit, la connaissance de Clément Bontemps, anti-héros absolu issu de la bourgeoisie lyonnaise et menant à Sète une existence réglée comme du papier à musique, entre son épouse Madeleine, son fils Matias et sa pharmacie. Ayant décidé une fois pour toutes d'éviter les vagues et les drames, « gérant sa vie comme un financier ses actions », il traverse le temps comme sous anesthésie, les yeux soigneusement fermés sur tout ce qui pourrait briser la perfection des apparences. Comme la mélancolie de Marguerite lors de leurs épousailles, la naissance prématurée de Matias et leurs si grandes dissemblances, et, de temps à autre, les absences « vitales » de sa femme, « pour aller à l'Opéra de Paris ou ailleurs »...





Mais voilà qu'un coup de téléphone vient soudain égratigner la bulle ouatinée de sa sérénité. Georges Almassy, le professeur de philosophie de Matias, veut lui parler de son fils. « Il craint de vous faire certains… aveux. De vous dire certaines choses, si vous préférez. » En ces années 1980 où, tout juste dépénalisée, l'homosexualité est toujours perçue comme une maladie, l'enseignant multiplie les allusions sans que le père muré dans les convenances ne s'autorise à comprendre. Sa gêne, notre homme l'attribue plutôt à une coïncidence troublante : le nom Almassy le renvoie à ses origines hongroises par sa mère et au silence familial qui les a reléguées dans l'oubli, Mme Bontemps mère s'étant « fondue dans le décor comme une plante verte qui reprend le motif du papier peint sur le mur » pour ne plus jamais évoquer d'autrefois qu'un prénom, József, répété en boucle sur son lit de mort.





Alors, perturbé par le rappel de cette fêlure d'un passé qu'une fois veuf, son père a définitivement bouclé d'un « Chacun emporte sa part de mystère en quittant ce monde », ce n'est pas en songeant à son fils mais à sa mère que le narrateur recontacte l'enseignant. Lui qui aux eaux de la Méditerranée a toujours préféré la sécurité sans surprise de la piscine, va se retrouver plongé dans celles, ensanglantées par l'Histoire, du Danube. Découvrant alors les frappantes répétitions d'un destin familial qui l'aura influencé à son insu, trouvera-t-il la force de briser la carapace et d'enfin s'autoriser à vivre ? S'ouvrira-t-il enfin aux émotions de ses proches, son épouse qui laisse traîner les poèmes de Paul Valéry – « le vent se lève !… Il faut tenter de vivre » –, et son fils qui se désespère de parvenir à lui parler de qui il est ?





Ciselant son texte en mille détails signifiants, Jean Mattern réussit encore une fois, en un roman aussi bref qu'intense, une brillante auscultation des thèmes qui lui sont chers : les pouvoirs dévastateurs du non-dit, la transmission, et enfin, l'acceptation de soi. Un livre délicat et délicieux.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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La maison de jeu

Cette fiction aux allures d'allégorie fait immédiatement penser à L'homme-dé de Luke Rhinehardt, roman auquel il est fait allusion au cours du récit.



Charles Roux charge son personnage d'un bât d'addictions et l'homme, emprisonné par les mécanismes de son fonctionnement neurologique tente d'assouvir ses désirs en alimentant son circuit de la récompense. Malheureusement, l'addiction satisfaite s'auto-alimente dans un cercle infernal incontrôlable. du jeu à l'alcool, en passant par le sexe, l'homme tente de s'échapper pour mieux retomber.



Le jardin des délices côtoie l'enfer, sans issue possible.



Avec une écriture flamboyante, Charles Roux confirme son talent d'écrivain, dans un univers très personnel qu'il avait déjà bien campé dans Les monstres. le flux des mots construit un monde unique, très original, où transparait la nature humaine dans ce qu'elle a de plus complexe.



Beaucoup plus court, mais aussi plus concentré que le roman précédent, La maison de jeu se dévore avec une réelle addiction !



A suivre …sans modération !



176 pages Payot et rivages 3 avril 2024
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Dubalu

Tu l’as lu Dubalu ?



Il y a des rééditions plus heureuses que d’autres, mais La Grange Batelière a eu le nez fin avec ce Dubalu, petit bonbon littéraire de Bernard Waller.



Derrière Dubalu, voyageur de commerce chez Breganti jusque-là cantonné à Paris mais enfin défrayé pour aller faire une première tournée en province, c’est la France des trente glorieuses dans toute son insouciance qui est mise en scène.



Du p’tit blanc du matin au rade avant d’aller bosser, au spectacle partagé collectivement de l’unique programme télé d’après-dîner, on y voit surtout défiler un autre rapport au temps : le temps où on avait le temps ; le temps où on prenait le temps.



Et ce temps, Dubalu est bien décidé à en profiter. Ce n’est plus une première escapade hors-les murs de Paris, c’est une parenthèse enchantée, un tournant de vie, une révélation !



Entre deux livres plus exigeants, prenez vous aussi le temps d’une parenthèse littéraire : c’est court, c’est fin, c’est nostalgique juste ce qu’il faut : c’est Dubalu !

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Peines perdues

Créer, ne pas se répéter, oser. Nicolas Lebel inscrit ses envies dans ses Peines perdues. Elles sont le sel qui donne du goût, le piment qui relève les histoires. Rien que pour cette prise de risque, il mérite toute ma considération.



Ce roman s’éloigne sensiblement de ses précédents écrits, par le ton et le fond. Il a mis son humour singulier entre parenthèses pour plonger dans un récit noir qui prend place dans le milieu carcéral.



C’est une tragédie, dans la forme comme dans son contenu. L’écrivain développe son intrigue en 5 actes, en s’amusant avec la veine des tragédies classiques, jouée dans un contexte contemporain.



Le jeu, certes terrible, reste bien présent. Jouer avec la langue, noyer des alexandrins dans le texte (c’est loin d’être sa première fois) et les confronter avec le parlé d’aujourd’hui. En soignant tout particulièrement son écriture, exigence toujours. Rien que pour la plume, cette lecture vaut le détour.



Elle est heureusement là au service de l’intrigue et pour donner des couleurs aux personnages. Tous des taulards, autant dire pas des enfants de cœur, pour la plupart.



Théo Pereira est enfermé pour homicide involontaire, un accident sous l’emprise de l’alcool. Un homme qui sait magner les mots, allant même jusqu’à donner des cours de lecture aux quelques prisonniers consentants. Pas vraiment le profil du gars qui arrive à s’imposer face à la brutalité de l’entre quatre murs.



Le récit est dur, les relations interpersonnelles basées sur la violence, et il y est également question de vengeance. Le tout à travers une peinture sans concession de la prison actuelle, brutale, surchargée et y compris gangrenée par l’extrémisme.



Avec, je tiens à insister, un Lebel qui ose. Qui se permet de ne pas reproduire des schémas trop habituels, et surtout de ne ménager personne, ni personnage ni lecteur. Quitte à couper la respiration par des retournements de situation que certains n’oseraient même pas imaginer.



Le livre est relativement court, 250 pages, de quoi s’y laisser enfermer. De quoi s’y laisser malmener. La forme assez classique, le thème traité maintes fois, s’en voient mis en valeur par le soin apporté à la prose (et les rimes), et cette application à développer de vraies interactions (pour mieux les broyer ensuite).



Peines perdues est sans aucun doute le roman le plus noir de Nicolas Lebel. Avec cette ambition dans l’écriture autant que dans l’histoire qui rendent cette lecture poignante ; théâtre de toutes les tragédies humaines.
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