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EAN : 9782915831764
128 pages
De Corlevour Editions (14/03/2013)
2/5   2 notes
Résumé :
Pratiquant une poésie visionnaire – comme le montrent ses recueils précédents, Psaume et Trois saisons poétiques – Magda Carneci propose dans ce nouveau recueil d’explorer deux pôles extrêmes du discours poétique : d’une part, l’élément « chaotique », désordonné, fragmentaire et prosaïque de la réalité perçue, et, d’autre part, la dimension « cosmologique » de l’ordre, de la géométrie et de l’intégration, à travers l’esprit, de l’être et du monde dans une nouvelle c... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Malgré un superbe objet matériel, quelle déception ! Quelle terrible déception !! J'ai acheté ce recueil pour retrouver notamment les poèmes « Haosmos » (p. 38 dans l'original) et « Un Arcimboldo de adrenalină », dédié à Mircea Cartarescu (pp. 36-37 dans l'original).

Or, comment dire ? L'original, publié en 1992 à Bucarest, en format A5, fait 88 pages, tandis que la prétendue traduction ne compte que 68 d'un format inférieur ! Vous avez tout compris plus vite que moi ! Il manque des poèmes. Pire encore, alors que l'original comporte une épigraphe de Roland Barthes, le présent recueil en comporte trois, de Aldoux Huxley, Georges Perros et Jean Cocteau. La seule excuse valable c'est que l'original annonce des poèmes de la période 1985-1989, tandis que la traduction, uniquement « poèmes ».

La traduction est de bonne facture, signée de Linda Maria Baros avec l'auteur. En effet, Magda Cârneci est elle-même traductrice du français vers le roumain, et cela se ressent dans une sorte de travail de réécriture.

Ce livre a le mérite de faire découvrir la poésie de Magda Cârneci, mais le titre est trompeur, et il est à déplorer qu'aucune mention n'ait été faite pour expliquer la démarche exacte de l'auteur, de l'éditeur, ou des deux.

Je me console comme je peux, en refermant le livre après avoir jeté un dernier coup d'oeil aux mots de Georges Perros, dans « Papiers collés » : « écrire est un acte religieux, hors de toute religion ; […] c'est être certain d'une chose indicible, qui fait corps avec notre fragilité essentielle. »

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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Quasi sonnet
Pourquoi, à chaque fois que je le vois devant moi dans la rue ou qu'il me semble percevoir son dos dans la foule parmi les épaules, les sacs à main et les vitrines un effroi atroce m'envahit une chaleur étrange, une nausée et contre mon gré je traverse la rue comme un éclair ?

Lès sphères de mes yeux s'assombrissent ; les pupilles tremblent et s'éteignent ; un tunnel froid ouvre en moi son entonnoir qui mène au chaos. Comme si l'approche de son visage, tellement désirée signifiait la fin, la destruction.

Qui a peur de toi en moi ? Et de quoi aurait-il peur au juste ? Et pourquoi, s'il a peur, te désire-t-il si fort ?

Mes pupilles s'assombrissent ; un chaos froid m'absorbe ; une sorte de vide ; un tourbillon brûlant fait fondre ma chair et mes habits ; et soudain, contre mon désir, je traverse la rue.

Comme si l'approche de mon corps, tant rêvée était semblable à la chute du petit électron dans son noyau ou à la chute d'une planète trop lourde sur son astre brusquement avalée par une immense obscurité.

De quelle antimatière est fait ton regard ? Et quel signe à moi opposé portent tes mains ? Quelle négation vibrante ressent la négation que je suis ?

Comme si en nous touchant j'arrivais au bout de mon évolution. Comme si en nous unissant l'univers s'arrêta brusquement en sa lente défiguration ; son orchidée éparpillée se résorberait instantanément en un point le point mourait tout heureux.

Mes yeux les sphères pensives s'assombrissent ; un chaos lumineux m'absorbe une sorte de vide et je traverse la rue.

Qui veut se détruire à travers toi en moi ? Qui veut s'unir à qui et à quoi ? Et qui de nous deux voudrait faire irruption dans ce monde ?

Orchidée destructrice désintégration qui réintègre. Annihilation douce dont j'ai peur tellement je la désire. La seule qui en me tuant pourrait peut-être me ressusciter.

(pp. 39-41)
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À travers le corps

À travers le corps j’aurais voulu inspirer le monde entier les couches acides du soleil les métropoles électrisées la neige celui qui est mort dans le val les aurores flottantes le bruit des rues au matin et les migrations la multiplication frénétique des règnes petits et abstraits. Que tout l’essaim du monde rentre en moi à travers la peau, à travers les ongles, le sang qu’il me remplisse, qu’il me détruise, qu’il me dissolve. Que je reste sous sa cascade énorme et lourde comme une menue pierre, annihilée et heureuse que je sois comme un point surplombé par la mer.

En regardant vers le haut je verrais son tréfonds translucide fourmilière phosphorescente les poissons-éclairs, les couleurs abyssales de la mer entière se rompait comme un immense sac plastique rempli d’eau salée un gigantesque placenta s’écroulerait sur moi couche après couche, torrent après torrent et ne me tuerait pas, mais elle m’envelopperait instantanément coulerait dans mon sang, dans mes artères, mes veines comme la houle comme une foudre aveuglante à travers la pointe d’une aiguille.

Quelqu’un ou quelque chose de gélatineux, de vaste, de ténébreux descendrait dans le clair-obscur à travers les ongles, à travers la peau pour prendre forme pour naître. Et ne me désintégrerait pas. Et je ne mourais toujours pas. Seul le monde entier me comblerait. Que j’absorbe à travers le corps. Que je sois le monde. Le monde. Il est la drogue ultime, la plus forte finale qui me satisferait, me rassasierait.

Et encore.

(pp. 11-12, « À travers le corps »)
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Un lecteur me lira un jour,

mais non pas un de mes semblables, un frère, égaré parmi les majuscules, les tirés, les trémas, un hypocrite excédé par les phonèmes et les axes paradigmatiques, un nostalgique désespérément à la recherche de voyelles colorées et de rimes parfaites

l’œil collé aux images, comme à sa photographie de nourrisson, rose et nu sur une couverture fleurie, la fierté de sa mère, sur laquelle il voudrait que l’on voit aussi les galons, les propriétés, les titres, toute la splendeur mûrie de sa docte maturité

fouillant afin de trouver les tropes, l’oxymore, la synecdoque, mais surtout la métonymie en vogue, la précieuse ridicule, tout comme l’index fourré dans la brioche maison aux raisins secs et aux grains de pavot, tout comme l’astronome amateur qui recherche à l’aide d’une lunette sa petite étoile dans la nuée lactée de la nuit

mesurant avec des lentilles psychanalytiques, structuralistes, sociologiques, symboliques, les ondes radiophoniques infrarouges et ineffables de tas immenses de papier, sainte maculature, drogue aseptique, stérile, démocratique, qui comble des millions de cerveaux et de labyrinthes bibliophiles

établissant l’éternité des mots à l’aide de la forme des grains de sable, la structure des cristaux, grâce à la couleur du pollen et aux champs électromagnétiques pétrifiés dans le kaolin, grâce au carbone 14 et au cernes des arbres, grâce à la forme des squelettes et à la richesse des phosphates des déjections, toutes ces choses devenant phosphorescentes sous le rayon oblique de la lampe de Wood.

(pp. 65 -66, début de « Post-manifeste : Un vaste lecteur »)
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Un lecteur nous lira un jour,
Mais non pas un de nos semblables, un frère, mais un lecteur plus vaste, plus lointain, qui feuillettera nos vies comme des pages volantes, noircies par de menues lettres illisibles, librement entremêlées par le vent ; et nous enchaînera en propositions et en phrases, en événements et en peuples que lui seul comprendra clairement, comme en un collier de perles naturelles et fausses autour du cou tordu de l’éternité ; il déchiffrera avec précision, comme un laser, tous les textes, les livres, l’histoire entière, ainsi que les morts, les résurrections, les naissances, et il savourera leur goutte de miel pur ou trouble, doux-amer sur sa langue rugueuse et impossible dans un silence assourdissant, semblable au vent terrestre qui engloutit les déserts et les idiomes, les métropoles chamboulées, au vent cosmique qui éteint des nébuleuses imaginaires et des galaxies en expansion ; avec un murmure sec, apocalyptique, tout comme le souffle sec des narines de l’homme ultime, contemplant la jachère et la parabole du monde, ou le souffle humide de la bouche du premier homme inspirant goulûment la naissance de la terre, l’arche aurorale , la première voyelle qui vient de renaître

il englobera dans l’immense cristal bleu de son œil, et les cheveux que la femme amoureuse recueillit avec une pince sur le foulard perdu par son bien-aimé, et le cerveau hyperbolique des savants et les systèmes poétiques de la nature, la démiurgie frénétique des tyrans et des commerçants, les inventions des mystiques et des révolutionnaires, il englobera dans le cristallin aveuglant de son œil et le grain de moutarde et les points sur les i et la planète

(pp. 66- 68, extrait du « Post-manifeste : Un vaste lecteur »)
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Prier dans cet univers sans prières je n'ai personne à qui adresser ma prière qui alors me pardonnera ? Quelle est le nom de cette faute illimitée et parfaite ? Demander pardon : si vous ne m'accueillez pas qui supportera la honte l'épouvantail énorme, tordu qui portera cet incendie en lui-même ? Si vous m'accueillez alors autre chose de bien plus grand que vous autre chose de bien plus grand me pardonne : un homme immense, ondoyant bruissant d'une myriade de cellules chuchotantes un homme vaste, translucide à la forme parfaite du monde.

(p. 56, extrait du poème « Psaume »)
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