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EAN : 9782368688038
90 pages
Stellamaris (31/12/2022)
5/5   4 notes
Résumé :
"Fragments du miel sauvage" est composé de poèmes et d’une nouvelle en vers libre. Chacun de ces textes reflète notre vertige devant le fracas du monde, notre déchirement sur les chemins à parcourir, entre douceur et douleur, innocence et violence.

EXTRAIT 
Sommeil agité de l’enfant
Qui a frôlé
Le gouffre

Après avoir compris
Presque tout compris

Sans que rien
Ne soit clair

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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Salutaire retour en enfance avec « l'audace des papillons » (p. 18) pour retrouver « un coeur nouveau » (p. 57) au goût « doux et délicat » du miel sauvage. Magnifique première rencontre avec Aurélien Clappe, dont c'est le premier recueil de poésie et aussi découverte de Lewis Wickes Hine, grâce à la couverture, en grande adéquation avec le livre.

Un court détour donc d'abord par le net et des informations sur le photographe :

« Certains se battent avec leur plume, Hine, avec son appareil. Les visages désolés imprimés sur sa pellicule, les membres absents des nombreux « accidentés » du travail retournent à l'Amérique l'envers de sa prospérité. Missionné par le puissant National Child Labour Committee qui a compris que la photographie peut faire exister une réalité refoulée par l'inconscient national, il traverse l'Amérique et enregistre la vie de la classe laborieuse sous toutes ses coutures. Un vrai travail de sociologue : il prend en note l'âge des enfants, leur taille et leurs conditions de travail.[...] « L'impact de son travail est certain dans la lutte pour l'abolition du travail des enfants », explique Agnès Sire. »

Retour à l'enfance en couleur, parfois en douleur des poèmes d'Aurélien Clappe. Au début, plusieurs prières discrètement dissimulées dans des vers sobres, telles que celles-ci :

« Mes mains forment deux oiseaux
Agités qui veulent désirent
Rejoindre le ciel »
(p. 22)
*
« Tes bras majestueux
Qui aspirent
Vers davantage de ciel »
(p. 47)

Puis, une déclaration candide, qui est, à mon sens, plutôt celle de l'être mature faite à l'enfant de jadis, ou d'amour parental, alors que certains y verront peut-être un simple, mais néanmoins très beau poème d'amour :

« Je veux juste
Que tu comprennes
Qu'en te demandant
Si ça va
Je dis seulement
Je t'aime »
(p. 24)

Le livre se présente donc, par une subtile mise en abyme, comme :

« Une boîte remplie de rêves
Inaccomplis »
(p. 40)

Soudain, l'eau bienfaitrice de la pluie ne lave plus celui qui ne peut compter que sur lui-même (p. 44). Comme dans Ostinato de Louis-René des Forêts tout comprendre est le privilège de l'enfant (p. 46) et nous sommes exhortés à prendre exemple sur la liberté de mouvement, sur la foi en la vie de l'enfant qui joue, sans être contraint au dur labeur. le poème de la page 49 est un de mes préférés. En voici la dernière strophe :

« Regarde l'enfant jouer
Invitation
À laisser derrière toi
Les peaux mortes de ta destinée »

Le tableau s'assombrit ensuite de nouveau, dans ce parcours initiatique et spirituel (« ciel », « foi » et « paradis » nous mettent sur la piste) :

« Mais la douleur revient
Car je ne saurais jamais aujourd'hui du moins
Si les fleurs les oiseaux les hommes
Sont destinés au paradis »
(p. 52)
*
« Blessures d'enfance
Plaies exsangues béantes »
(p. 55)

La première partie, intitulée « Presque immortels » et suivie d'une « nouvelle en vers libres » : « Jardin en automne ». Ici, « vieux » rime simplement avec « frileux » (tandis que le « feu » et le « coeur » vont ensemble, comme à la page 76). L'amour de la femme pour l'homme est palpable et louable. En 17 tableaux numérotés en chiffres arabes, l'histoire originale d'un homme qui sort prendre l'air dans son jardin est tissée avec raffinement et habile concision. Bel hommage aussi aux « films italiens des années cinquante (« Quand les pauvres étaient filmés comme des princes… ») » (p. 77).

J'ai pris vraiment beaucoup de plaisir à lire ce recueil.
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Une langue aussi belle que le titre le laisse présager. Il est parfois difficile d'entrer dans la poésie d'un autre. C'est un terrain privé où peut guetter l'hermétisme ou la gratuité.
Rien de tout cela dans ces fragments qui vous accueillent à bras ouverts, à mots ouverts et généreux, gorgés de sens et d'images accessibles.
Il y a l'idée d'un cheminement, de pèlerins, de doutes, il y a des sons, des couleurs, des éléments, des rythmes, la musique de l'auteur qui vous prend dès l'entrée : "Presque Immortels.
Je connais des routes... souillées de brouillards Immenses opaques où la pluie vous griffe et ne vous lave pas."
Comme un Bernanos moderne, Aurélien Clappe est habité par la problématique de la foi et des doutes qui la traversent, mais on ne saurait réduire l'ouvrage à ce point de vue, tant la langue et les idées embrassent large. On peut avoir une lecture du livre parfaitement athée. Un athéisme spirituel où plane l'ombre de grands anciens méditatifs et critiques (Mauriac, Gide... Claudel ?) ; leurs colères aussi, qui peuvent être celles de l'auteur, l'enfance meurtrie (pages 30, 31, le père qui doute de l'usage d'un couteau).
Il y a de forts instantanés qui s'imposent, des images puissantes qui nous saisissent dans leurs réalités aux réminiscences rimbaldiennes. ”Enfant il pesait déjà ses mots...” page 33.

”Esprit étouffé terrifié par la nuit opaque...” page 34. Comment ne pas penser à Sous le soleil de Satan, version Pialat cette fois, avec ces marches désespérées de Depardieu dans la campagne ?
Il y a un aspect de poésie très moderne, tels ces haïkus qui parsèment l'ouvrage, ces mots décalés dans la typographie, et dans le même temps un classicisme presque bienveillant qui prend soin du lecteur et de sa quête de compréhension.

Il y a - on pouvait s'en douter - une forte présence des animaux, des choses, des objets, tous animés de vie, de souvenirs, parfois de pensées. Il y a les enfants qui "reniflent et nos espérances qui refluent", il y a les petits qui témoignent sans le vouloir, et l'auteur qui capte.

Plus on avance dans cette lecture panthéiste, plus de prestigieux poètes se rappellent à nous dans leur magnificence : Verlaine, Baudelaire (page 42 ”Le Soleil s'efface...”) leur célébration de la langue et de la vie, chaleureuse amère ou cruelle, plus l'évidence de cette écriture au présent (qui ne rivalise pas, n'est pas en concurrence mais tient largement la route) nous saisit, plus il convient de lui donner place.

Les enfants jouent ici le rôle de catalyseur d'intuition (pages 46, 47 ”Ces marques inconnues rapides Que l'on t'inflige "). Il y a une colère contre le monde tel qu'il va et une volonté de consolation ou de rédemption vers ces "bras majestueux qui aspirent vers davantage de ciel ".
Fragments à relire sans crainte de se lasser comme on plonge dans une eau bénéfique pour quelques brasses coulées.
Le livre se clôt par un long poème épique consacré à la guerre : un homme se rend dans son jardin ravagé par un récent bombardement. En dix-sept tableaux, l'auteur peint un conflit qu'on imagine actuel, là, vivant, au centre de l'Europe.
Une poésie du quotidien dans une langue recherchée qui parle immédiatement au coeur et s'achève en apnée magnifique : " Il prononce ces mots pour lui seul mais espère de toute son âme être entendu quelque part."
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La première partie de ce recueil au titre original semble centrée sur l'enfance et son univers (pas toujours à l'abri de la cruauté). Dans « Presque immortels » il y a divers cheminements dans le passé tandis que l'enfance du poète « s'estompe » (p. 19). Elle forge des caractères et créé des souvenirs encrés vigoureusement dans l'âge adulte.

Comment « Effacer les empreintes/du chaos » ? C'est la question que se pose le protagoniste de la nouvelle versifiée intitulée « Jardin en automne » (en seconde partie). J'y ai vu une parabole de la déperdition dans un monde qui étouffe. Toute une vie symbolisée par le « curriculum vitae » (« Toute une vie (réduite)/dans une poche de pantalon »). Une grande puissance évocatrice dans cette narration poétique au rythme alerte et à l'issue tragique, mais où l'amour est bien présent.
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Je ne suis pas une grande lectrice de poésie, mais j'étais curieuse de découvrir cette première incursion d'Aurélien Clappe dans ce genre après avoir lu ses quatre précédents ouvrages (trois romans et un essai).

Sans surprise, c'est sa nouvelle en vers libres qui m'a le plus touchée. J'ai beaucoup aimé la manière dont l'auteur lie ses deux personnages. On sent la vie partagée, la tendresse qui les unis par des petits riens d'une journée hors du temps. Un peu de douceur dans un contexte terrible.
Le fond et la forme s'accordent parfaitement, puisque les phrases morcelées font écho à la catastrophe dont ils sont spectateurs.

On retrouve ce style "fragmenté" dans les poèmes, plutôt sombres mais accessibles. Enfance, tristesse latente, mais aussi quelques éclats lumineux bienvenus.

Ce recueil ne m'aura pas conquise au genre, mais j'ai aimé découvrir ces textes entre innocence et violence. Merci à Aurélien Clappe pour sa confiance.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
En traversant l’hiver
Je perdais la foi

En goûtant l’été
Je perdais la tête

Mais toujours
Se tenait
À mes côtés
La présence ambrée
Du baiser
Que tu me volerais

(p. 28)
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Tu vois ce couteau
Oui papa
Avec ça dans ta main tu peux accomplir deux choses
Je t'écoute papa
Couper du pain pour le partager
Et
Le planter dans le dos de quelqu'un
Comment ça pour le planter
Eh bien pour garder le pain
Ah d'accord papa
Et le feu dans ton cœur c'est pareil
Explique-moi papa
Il y a le feu qui réchauffe
Et
Le feu qui dévore
J'ai compris papa
C'est bien mon garçon
Mais papa que fais-tu avec le couteau

(p.20)
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Nous étions les rois
Les conseillers et les traîtres

Nous dévalions la colline
En évitant les ceps

Parfois nous tombions
Dans la terre pierreuse
Une mort factice nous surprenait
Mais jamais très longtemps

Nous étions jeunes rapides
Presque immortels

Nous rentrions à la maison
Les genoux écorchés
Parfois le sang coulait encore
Et nos mères s'inquiétaient

Aujourd'hui j'ai si mal au dos
Que j'ai oublié
Ce que grandir veut dire

Sur mon corps de pâles cicatrices
S'effacent à l'unisson
De mes tendres souvenirs

(p.16)
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Enfant il pesait déjà
Ses mots
Laissant trop de place
À l'indifférence de son père
À la sensibilité de sa mère

Aujourd'hui il ne parle
Presque plus
Et se laisse effacer

Par son propre silence

(p.33)
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Un murmure de félicité
Te laisse transi
Au moment où ta garde
Se baisse enfin

Communion inattendue
Tout respire en toi
Tout respire à travers toi

Nuages vent soleil
Réconciliés

Présence qui palpite
Inexplicable jubilation
Qui irrigue
Ce que tu n'espérais plus

Un cœur nouveau

(page 57)
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Videos de Aurélien Clappe (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Aurélien Clappe
Interview à propos de l'essai "U2 Psaumes électriques" réalisée par Jean-Luc Gadreau pour l'émission Solae (France Culture) en décembre 2021.
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