Chère
Déborah Levy,
J'espère que la peur va me quitter, le temps de vous écrire cette lettre. Parce qu'il ne faudrait pas que l'engourdissement s'installe dans le corps ou l'esprit, je laisse remonter à la surface, les petites mesures de bonheurs pour que ça pétille audacieusement, sur la toile…
Donc, voilà, j'en suis là, entre hésitation et exaltation, à laisser glisser le stylo, le regard perdu en inspiration, le coeur au palpitant. Avec vos livres, vous m'apprenez le bonheur. le bonheur à l'état brut, le bonheur en fleurs, le bonheur à pieds nus, le bonheur encabané, le bonheur partout, le bonheur en nous. L'art du bonheur. Vous m'apprenez à compter le bonheur, en mesure de cuillère à café et pages tournées, et j'aime cela. J'aime l'idée que je vais le débusquer comme vous, au détour d'une ligne, dans un poème, dans un alphabet itinérant, dans une discussion entre amies, sur une photographie. Je deviens attentive, fringante, vigilante et receptionneuse de ces autres bonheurs impertinents que vous laissez dans ces pages. Je me prépare selon vos critères et pérégrinations à me faire à cette notion du bonheur. J'ouvre la porte pour qu'il rentre, comme vous, vous ouvrez votre bibliothèque pour qu'on y puise à la source…
Je ne me lasse de votre trait d'esprit, de votre regard sur le monde, des grands et petits détails que vous relevez dans l'âme des artistes, de vos lectures éclairées, des odeurs que vous percevez au travers d'un texte, des couleurs émotionnelles que vous attrapez dans les poèmes, de la chaleur qui se dégage de votre plume. Je ne m'en lasse pas de vos questionnements, de la littérature, de la création. Et chaque référant, chaque auteur.ice que j'ai reconnu, je voulais les relire à la lumière de votre ressenti, pour voir les concordances ou dissonances, car l'art parle et bouscule en chacun, de sa manière propre. Et puis je veux connaître les autres, ceux et celles qui m'ont échappé, je voudrais les rentrer dans la bibliothèque de mes données personnelles. Je veux les lire accompagnée de café et d'une petite cuillère, qui lierai le sucre et le bonheur. Je veux les lire avec mes plus grands yeux, pour absorber tout ce qui donne de la valeur et les principes des chefs-d'oeuvres. J'ai peur du renfrongnement. Je veux toujours être en capacité de m'émerveiller. Et à vous lire, chère Déborah je sais que cela arrivera toujours, parce qu'en donnant La position de la cuillère, vous donnez aussi, l'insufflement d'une pensée libre triomphante…
Peut-être que je vais sortir du cadre. Comme je suis femme, de toute manière, je veux évidemment, m'en échapper. Je quitte le vouvoiement comme on se défait d'un spectre.
Laisse-moi te dire, que c'est un coup de coeur.
Laisse-moi te dire, que ce livre va rester longtemps sur ma table de chevet. Laisse-moi te dire merci, comme on remercie une amie, qui prodigue ses meilleurs conseils.
Laisse-moi te dire au revoir et au plaisir
Bien féeriquement,
StelphiqueNaN🧚