AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782714497901
416 pages
Belfond (17/08/2023)
3.25/5   48 notes
Résumé :
Arty, 11 ans, est convaincu que sa maison a essayé de l’étrangler. Il va prendre cette menace au sérieux et se lance dans une formidable enquête, tandis que la maison poursuit son dialogue à travers des phénomènes de plus en plus inquiétants.
Avec l’aide de son VTT, de ses copains, de ses cassettes vidéo et de la magnétique Anna, Arty va chercher des réponses à ses questions. Et perdre à jamais son insouciance.
À partir d’un point de départ pour le mo... >Voir plus
Que lire après La maison vénéneuseVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (23) Voir plus Ajouter une critique
3,25

sur 48 notes
5
2 avis
4
8 avis
3
8 avis
2
3 avis
1
1 avis
Une maison aux comportements hostiles, voire meurtriers, envers ses habitants, voilà de quoi exciter la curiosité du lecteur.
Dès le premier chapitre, on fait connaissance avec Arty, 11 ans, le héros de ce roman au scénario de film d'épouvante qui vit une drôle d'expérience :
« Il chercha à bouger sa main droite, paralysée. Une pression sur son poignet, irrésistible, lui envoya cette information que quelqu'un était là. Quelqu'un le tenait. »

L'auteur nous fait entrer de plain-pied dans cette famille et dans sa maison construite par le père architecte. Des deux garçons, c'est Arty, le plus jeune, que l'on va suivre avec sa bande de copains. Il découvre ses premiers émois amoureux, s'interroge sur le comportement des adultes et vit sa vie de pré ado. Mais voilà que les évènements étranges qui se passent dans cette maison qui a pourtant toutes les apparences de la maison du bonheur, l'inquiètent. Et si la maison était hantée, si elle leur voulait du mal ? Sa découverte d'un secret de famille bien gardé va corroborer ses doutes et une amie de la famille lui révèlera des pans de l'histoire familiale si bien dissimulée. D'autres faits inexpliqués viennent épaissir le mystère de la maison vénéneuse, comme sa mère piquée par une bête invisible. Il y a aussi l'histoire sanglante liée au lieu : autrefois un massacre aurait été perpétré dans une abbaye de femmes.

Le personnage d'Arty est touchant dans sa sincérité et sa recherche de la vérité. Sa vie d'ado est bien racontée mais traine parfois en longueur
L'auteur se complait à nous perdre sur de nombreux chemins, mélangeant réalité et fantastique. L'idée est louable, mais je me suis vite égarée entre ces fantômes d'une autre époque, ces piqures d'une bête introuvable, ces ombres inquiétantes et ces tentatives d'étranglement. Rajoutez à cela les rites de sorcellerie de la mère et le roman devient confus.
Avec des développements excessifs, le style manque d'envergure et casse le rythme alors qu'on aimerait être tenu en haleine.
Dommage ! Mais, comme tout premier roman, il faut rester indulgent… et attendre le suivant.
Je remercie les éditions Belfond et Lecteur.com pour cette lecture.


Commenter  J’apprécie          620
Elle reste au premier plan, cette maison, personnage à part entière, qui a instauré un dialogue occulte avec le jeune Arty dont elle peuple les cauchemars !

C'est pourtant une belle et grande maison, qui abrite la vie de cette famille que l'on pourrait penser sans histoire, vu de l'extérieur. Père architecte, mère brocanteuse, un frère ado qui découvre le goût de la liberté, Arthur n'a pas un profil à risque. Mais voilà cette maison qui l'abrite est vivante, il en a de multiples preuves : les bruits qu'elle émet, les ombres furtives qui surgissent à tout moment, tous ces signes n'offrent pas l'ombre d'un doute : elle est hantée. le secret que découvre Arty au cours d'une exploration de la pièce interdite qu'est le bureau de son père, le conduira à échafauder une histoire familiale revisitée, source d'une investigation plus profonde encore pour comprendre ce qui s'est passé et le silence des parents.

Le thème est attractif, et le scénario du roman est calqué sur les films d'épouvante classique. On visualise très bien les scènes et on entend le bruitage terrifiant. le secret est un point d'intérêt qui devrait capté l'attention et susciter l'attente d'une suite. Et pourtant, quelque chose ne fonctionne pas. Sont-ce les longs passages consacrées à l'introspection du personnage, les redites, l'emphase pour décrire les scènes sensibles ? La lecture est fastidieuse, complexe, et soporifique !


Rendez-vous raté avec ce roman qui avait pourtant tous les ingrédients pour être un page-turner.

416 pages Belfond 28 Août 2023

Lien : https://kittylamouette.blogs..
Commenter  J’apprécie          491
« La maison vénéneuse » est le premier livre de Raphael Zamochnikoff. Alors autant vous le dire tout de suite, il est totalement atypique et hors norme par rapport à ce que cette rentrée littéraire 2023 a pu offrir aux lecteurs jusque-là.

Arty, 11 ans, est persuadé que sa maison lui veut du mal et qu'elle a tenté de le tuer. Depuis, il est persuadé que sa famille et lui courent un grave danger en y habitant, maison dont son père a conçu les plans, étant architecte de profession. Arty se met alors en tête de tout faire pour protéger les siens, notamment grâce à l'aide de ses deux meilleurs amis et d'Anna, pour qui il en pince de plus en plus, signe des premiers émois amoureux. Différents événements se produiront, laissant penser que l'habitation est vivante et qu'elle n'a pas de bons desseins pour ses habitants.

Ce qui pourrait se comprendre comme un roman sur l'émancipation entre l'enfance et l'adolescence est bien plus qu'un simple drame familial. En effet, les terreurs nocturnes du jeune Arthur sont bien à prendre dans leur premier degré. Dans ses aspects « horrifiques », ce livre a eu le don de me faire dresser les poils de ma nuque.

L'histoire se déroule durant la seconde moitié des années 80, en France, dans l'un de ces nombreux et nouveaux lotissements qui voient alors le jour. Malgré un auteur français derrière ce récit, l'influence américaine n'est jamais très loin avec des références évidentes comme Stephen King ou la série, « The Strangers Things ».

Un reproche qui m'a un peu titillée est la longueur de certains passages ou chapitres. Cette faiblesse minime est peut-être due au fait de la novicité de l'auteur et pourra être gommée en poursuivant sa carrière littéraire ! En tout cas, pour une primo-oeuvre, elle est bien prometteuse et devrait combler les amateurs du genre, tout comme j'ai été séduite !
Lien : https://www.musemaniasbooks...
Commenter  J’apprécie          401
L'enfant qui se bat contre la maison

Le premier roman de Raphaël Zamochnikoff met aux prises un enfant avec sa maison. Persuadé qu'elle lui veut du mal, il va tenter d'en percer le mystère. Une quête qui va lui permettre de découvrir un lourd secret de famille. Habile et haletant!

C'est une peur irraisonnée qui fait fuir Arthur au petit matin. Il quitte la maison, enfourche son vélo et s'éloigne au plus vite de cet endroit qu'il a senti «vivant».
À 11 ans, il sait qu'il ne comprend pas tout et ne peut partager cette angoisse qui l'étreint. Franck, son aîné de cinq ans, se moquera de lui. À moins qu'il ne profite de la situation pour entretenir sa peur en lui livrant d'autres histoires effrayantes. «Des fois, quand je me couche et que j'éteins la lumière, je me dis que si quelqu'un montait et faisait grincer la dernière marche… je deviendrais complètement fou.»
Pas vraiment rassurant. Ni d'ailleurs son goût pour les films d'horreur qu'il raconte à son petit frère avant de lui offrir des séances privées, comme cette «Nuit du chasseur» avec Robert Mitchum, qui le fait cauchemarder.
«Il ne faisait qu'entrer dans le monde grisâtre qui commençait avec le collège. Il allait devoir se trimballer toutes ces peines et bien d'autres qu'il ne connaissait pas encore. L'avenir l'effrayait.» Il a de la difficulté à suivre le rythme, mais trouve un peu de réconfort auprès de ses copains et de la belle Anna qui va devenir sa plus proche amie, même si les deux années qui les séparent lui semblent former un énorme gouffre que son frère n'a lui aucun mal à combler pour se rapprocher de la voisine.
Le récit va alors osciller entre cette peur diffuse et les tentatives de s'en émanciper. C'est avec l'arrivée de l'été qu'il pense avoir trouvé l'apaisement, quand avec son père et son frère, il construit une cabane dans les arbres, sous le regard attendri de sa mère: «Catherine leur apportait de la citronnade, contemplant ses hommes en sueur occupés à bâtir le monde merveilleux d'Arty. Cela faisait longtemps qu'elle ne les avait pas vus si épanouis, si complices. La famille rayonnait.»
Un répit qui va pourtant être de courte durée, car sa mère va être la cible d'une attaque, mordue par on ne sait quoi. Une blessure qui va s'infecter et l'obliger à être hospitalisée, ravivant les craintes d'Arty. Qui reprend son enquête, essaie d'en savoir davantage sur l'histoire de ce coin de pays et ses habitants. Il va aussi découvrir les rituels que pratique sa mère avec les objets de sa boutique. «Elle dit qu'il faut parfois libérer la mémoire des choses, car certaines matières captent des énergies et peuvent les rendre, mais ce n'est pas sain.»
À force de fureter, il va mettre la main – dans le bureau de son père – sur un tube contenant des documents et des photos. «La vérité brûlait. le mensonge aussi. Il attrapa une enveloppe, déformée par son séjour dans le cylindre. Elle contenait une petite carte blanche surmontée d'un noeud de tissu rose. Nous avons le bonheur d'accueillir... Rose. Poupée, Liza. Diminutif d'Elizabeth. Elizabeth Kena, Plus il lisait les mots, plus ceux-ci perdaient de leur sens. Il les prononça plusieurs fois, à haute voix, La date, surtout: 12 mars 1966.» Pourquoi personne ne lui avait-il parlé de cette soeur? et qu'était-elle devenue?
Raphaël Zamochnikoff a trouvé comment entretenir le mystère, comment faire d'une intuition une obsession, comment mêler le factuel au fantastique, sans que vraiment on ne puisse démêler le vrai du faux. Au fil des semaines la tension croît, les secrets sont dévoilés, la famille – y compris la tante et son fils – est totalement déstabilisée.
Si l'auteur a habité le Jura dans une maison semblable, il a surtout été biberonné aux films de genre et à la lecture de Stephen King. Ce n'est du reste pas un hasard qu'au détour d'une page, son frère souligne combien le Talisman l'a marqué: «ses histoires, il sait comment les raconter, tu vois. Je veux dire, il sait quel angle adopter pour qu'on soit happé. On veut toujours tourner la page.» On peut dire qu'il a retenu la recette et que cette maison vénéneuse a tout d'un Stephen King à la française.

Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          312
Oubliez sa couverture qui ne colle ni à l'ambiance ni au genre du roman. Imaginez plutôt Stephen King, Spielberg, Les Goonies ou encore La Maison des Feuilles et même La Guerre des Boutons.

Ça y est, vous visualisez ?


Eh bien, La Maison Vénéneuse c'est un peu de tout ça dans une atmosphère ténébreuse années 80 où foisonnent les références pop culture.

Au programme et pour notre plus grand plaisir nostalgique : balades à vélo dans les bois, K-Way bien dégoulinants, parties de JDR entre potes, séances visionnage de films d'horreur cultes en VHS, soirées jeux de plateau en famille et Guerre des Étoiles.


Vous êtes confortablement installé.e.s ?

Parce que la Maison Vénéneuse c'est d'abord et surtout l'histoire d'Arty, un jeune garçon de 11 ans persuadé que sa maison lui veut du mal. Après l'apparition d'étranges phénomènes au sein du domicile familial, et aidé d'Hugo, de Micky et même d'Anna, il se met à enquêter pour comprendre de quoi il retourne et tenter de conjurer le sort qui semble s'abattre sur eux.

Ce roman, à la croisée des genres, que l'on peut sans doute qualifier de fantastico-horrifique n'a bien d'horreur que le nom. Car même si l'on pressent une grosse influence Kingienne derrière l'écrit, l'auteur ne parvient pas à nous faire ressentir une once de frayeur malgré des éléments bien en place et une maîtrise technique quasi scolaire.

Qu'importe ! Car le roman nous offre aussi d'autres facettes tout autant réjouissantes. À commencer par l'écriture. Et pour un premier roman, on peut le dire, l'auteur a soigné son style. L'écriture est dense et touffue à un point tel que sa richesse peut paraître un brin sophistiquée par moment. Certain.e.s s'en lasseront sans doute ou trouveront le récit alourdit par tant de fioritures quand de mon côté je n'ai pu qu'admirer et apprécier le travail réalisé de la part de l'auteur sur la langue française.

Deuxième point positif et pas des moindres : l'originalité du récit. J'entends par là la superposition d'un mode de vie typiquement américain sur une scène bien française quitte parfois à nous faire douter de la nationalité de l'auteur. En tant que fan de l'American teenager's lifestyle, je peux dire que j'ai été comblée. La jeunesse campagnarde franc-comtoise qui boit du Coca-Cola mais conduit en R5, écoute les Blues Brothers mais roule en VTT et vit dans un lieu-dit nommé La Chapelaine, que de contradictions savoureuses.

J'ai adoré suivre les aventures d'Arty, ses déboires avec la bande rivale du village, le voir s'interroger sur la vie, construire sa relation avec son frère, partager ses troubles intérieurs, ses premiers émois amoureux et l'accompagner dans son parcours initiatique ou comment passer de l'enfance à l'adolescence. J'ai suivi avec intérêt son enquête aux allures mystiques et fantastiques entre les non-dits et les faux-semblants et j'ai adoré ce retour en enfance où tout n'est que jeux, passions et découvertes.
 
Et c'est peut-être parce que j'ai beaucoup aimé ce bouquin que je vais me trouver intransigeante sur ces derniers points. Qui m'ont exaspérée. Je parle ici du schéma patriarcal familial retrouvé et du modèle hétéronormatif qui semble être le seul et l'unique dans cette société dépeinte. Sans oublier les stéréotypes de genre incrustés un peu partout dans le texte (vive l'androcentrisme !). Je ne m'épancherai pas plus là-dessus - j'avais écrit un paragraphe énorme en citant des exemples tirés du roman, mais je pense qu'il n'est pas nécessaire d'appuyer là où ça fait mal. Je vais aussi éviter de parler des choses à bannir mais franchement Indiens d'Amérique NON ! Ce n'est plus entendable aujourd'hui encore plus dans un roman contemporain et ce même si l'action se passe dans les années 80.

Et qu'on se le dise, sans ces aspects fâcheux, c'était le coup de coeur assuré. Dommage, vraiment dommage.
 
*Encore un grand merci à @lou_read_lou_knoxx pour la découverte, allez checker son cool compte !
*Merci infiniment @editionsbelfond d'avoir accepté ma demande de service de presse.
Commenter  J’apprécie          40

Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Les premières pages du livre
PREMIÈRE PARTIE
1986-1987 La maison sait tout

Vivante
C’est l’été précédant son entrée au collège qu’Arty vécut le premier choc. On aurait dit qu’un vent soufflait sur un tapis de feu, l’étouffant tout en l’avivant par endroits. Un tourbillon qui bousculait ce qu’il savait, ou ce qu’il croyait savoir.
Réveillé à l’aube, il avait fait bien attention d’être discret en sortant de sa chambre. Des années de pratique : tourner la poignée métallique en la tirant au maximum vers lui, pour empêcher le claquement du pêne et tout grincement du mécanisme. Il tentait de contenir sa terreur. Il la tenait serrée en lui, et si la serrure avait claqué, il aurait poussé un cri. Il s’était faufilé dans le couloir en chaussettes, glissant comme un chat sur le carrelage jusqu’à l’escalier du garage. Là, il avait répété sa technique de Sioux sur la porte au bois usé.
Il n’avait réveillé personne lorsqu’il atteignit le placard du sous-sol renfermant les chaussures de sport. Encombré d’outils de jardin, l’endroit baignait dans une pénombre épaisse et pourtant ce n’était qu’un garage ordinaire lorsqu’on allumait le plafonnier. Un renfoncement accueillait des ténèbres si parfaites qu’elles paraissaient solides. Le mur du fond aurait tout aussi bien pu ouvrir un passage vers un ailleurs, un espace de pure horreur, bien sûr. Tandis qu’il s’emparait de son vélo, Arty s’efforçait de ne pas y penser. Même en accélérant chaque geste pour gagner la sortie et mettre la menace derrière lui, il sentait le serpent glacé d’un frisson lui remonter l’échine. Ce n’est qu’en ouvrant la porte qu’il terrassa le monstre, dans l’afflux brutal du jour.
Il dégagea l’une après l’autre les poignées de son vélo tout-terrain et repoussa la porte du pied. La force qu’il fuyait était enfermée derrière lui. Il fixa le seuil comme s’il s’attendait à la voir déborder. Alors qu’il enfourchait son vélo, Arty porta tout son poids sur la pédale et fut aspiré dans l’air d’été par le goudron vrombissant de la cour. Il se retourna vers la maison qui s’éloignait, perdue au coin de son œil, la maison invraisemblable qui restait là, qui l’attendait.
Qu’est-ce qui avait changé ? Rien, à part… Arty. Depuis ce matin, il pouvait rattacher sa peur à quelque chose de concret. Qui trouvait sa source dans la maison. Dans sa maison.
Celle qui l’avait vu naître et grandir.
Alors il pédalait, la chair frissonnante, l’air sifflant contre son visage. Il voulait hurler mais respirait mal, les mains crispées sur les poignées de plastique, le corps tendu à se rompre sur le frêle esquif ballotté par le vent, destination le grand inconnu.
Une sensation de liberté le saisit dans la distance qui augmentait avec l’objet de son effroi. Cette idée flottait sur la route qui défilait à toute vitesse sous les roues folles. La raison d’Arty lui décochait des flèches : était-il vraiment en train de fuguer le ventre vide ? Pourrait-il couper le cordon vital qui le reliait à cette maison, maison construite par son père, son foyer censé le rassurer et le protéger ?
Que pouvait-il y avoir là-bas de mauvais ?
Il appuya fort sur ses jambes dans la côte à la sortie du village. Il ne relâcha son effort que lorsque le vélo glissa en roue libre sur une légère descente en aplomb du dernier lotissement. Il filait à travers les champs labourés entre les coteaux rebondis, recouverts de vigne. Malgré sa gorge douloureuse, il ne faiblit pas avant que le village ne se retrouve loin en contrebas. Il jeta le vélo dans un buisson d’avoine à chapelets, sa cachette préférée, avant de bondir sur la falaise dont il connaissait le moindre relief. Une fois le promontoire gagné, il s’assit en laissant ses jambes pendre dans le vide. À ses pieds s’étalait la forêt épaisse, d’un vert sombre. Le soleil faisait une sortie à travers les nuages de traîne. Le garçon plissa les yeux, le regard rivé sur les bicoques alignées au milieu du paysage, les mêmes que celles qui entourent les trains électriques dans les magasins de jouets.
Il reprit son souffle mais le tourbillon dans sa tête n’avait fait que s’accélérer depuis son échappée. Il ignorait comment maîtriser ses émotions, elles débordaient de tous les côtés.
Tandis que le film des événements ne cessait de repasser dans son esprit, une pensée revint s’imposer lentement : La maison est vivante.

Vivante.

Bien que ce mot semblât le seul apte à décrire la situation, Arthur avait du mal à comprendre ce qu’il impliquait. Il avait entendu parler de maisons hantées, de fantômes, dans les contes mais aussi dans les livres rangés dans la bibliothèque de Franck, en couverture de revues de cinéma. Les images émanaient de films interdits aux moins de treize ans que ses parents l’empêchaient de regarder. Lui qui n’en avait que onze en ressentait une palpitation excitante et dangereuse. Il avait ouvert en cachette un de ces magazines pour y découvrir des scènes choquantes, des créatures difformes et sanguinolentes. Il en gardait un souvenir vif, comme une brûlure qui se propage bien après le contact du feu.
Cette fois, on aurait dit que le monstre avait jailli pour se ruer à sa poursuite. En vrai.
Quand Arty commença à recouvrer son calme, il se força à examiner les faits. Qu’avait-il vu au juste dans la pénombre ? N’avait-il pas fait un cauchemar ? À la lumière du jour se dissipait l’effluve, l’essence du rêve qui ne survit ni au raisonnement ni au souvenir. Arty avait d’abord senti une pression sur sa trachée, un poids dans sa poitrine. En essayant de remuer, il s’était vu privé du contrôle sur son corps, et saisi par une chose indéfinissable et toute-puissante qui tombait sur lui, des mains tendues pour le tenir, le capturer… avant qu’il ne s’éveille et ne prenne conscience de la présence qui glissait le long du mur pour enserrer sa gorge.
Un nimbe pâle entourait les volets fermés, le matin approchait. La respiration d’Arty s’était bloquée d’un coup, répercutant dans son rêve une sensation de noyade. L’eau noire l’engloutissait et il luttait pour se maintenir à la surface. Il toussa et fut brutalement propulsé dans la réalité. Une douleur explosa dans sa tête. Il garda les yeux fermés, tentant de contenir le mal qui prenait toute la place. Son cœur tambourinait dans ses côtes, à ses tempes, égrainant les secondes de son agonie. Il chercha à bouger sa main droite, paralysée. Une pression sur son poignet, irrésistible, lui envoya cette information que quelqu’un était là.
Quelqu’un le tenait.
Du plus grand effort qu’il pût fournir, il n’arriva pas à arracher un geste à ce bras. Malgré la souffrance, il ouvrit les yeux et contempla le mur par-dessus le bois du lit, immense espace inversé dont l’horizon menait au plafond obscur. Il ne vit rien, mais sentit que le mal provenait de là, qu’il ruisselait contre le mur jusqu’à lui pour l’étreindre. La menace n’était guère plus qu’une ombre portée sur le papier peint, se prolongeant contre sa tête et sur son cou, glissant sur sa poitrine sous son T-shirt, au contact de sa peau. Arty songea que ce devait être la mort elle-même qui se jetait sur lui mais, si son corps rendait les armes, sa volonté s’opposait de toute sa force, bien qu’elle ne fût à cet instant que l’écho d’un hurlement au fond d’un puits, le râle gluant d’un souffle perdu.
Arty ignorait où il trouvait les ressources pour tenir bon. Il se mit à se tordre très lentement, à s’enrouler sur lui-même avec méthode, cherchant à se dégager de l’emprise en se ramassant en position de fœtus. Il ramena ses bras contre son torse, récupéra ses jambes sous les draps. Ses gestes obéissaient à une mesure de protection d’urgence. Cela faisait une éternité qu’il ne respirait plus, comme s’il avait franchi le seuil où les fonctions vitales sont abolies, où seul résiste l’esprit. Et puis l’obstacle dans sa gorge céda et il toussa, toussa à s’en arracher les poumons. Tandis qu’il aspirait une bouffée d’air, la première, salvatrice, la douleur irradia et parcourut tout son corps pour se concentrer en une vague de feu le long de sa trachée.
L’hôte avait disparu : la lumière du jour semblait avoir lavé le mur et ses motifs de fleurs d’automne. Arty émergea péniblement. Son corps lui faisait mal, il grelottait – fièvre ou terreur ?

Assis sur les pierres chaudes de la falaise, il regardait sa main frémir. Sa migraine ne mollissait pas. Il avait réagi de l’unique manière possible, même si ça signifiait se retrouver en détresse, seul et mal en point : ainsi fonctionnait Arthur, le garçon qui ne saurait jamais appeler au secours, préférant garder sa souffrance pour lui comme si personne au monde ne savait la comprendre.
Il pouvait à peine mettre des mots sur ce qui s’était passé, sur ce qu’il avait vu (une ombre ?), sur l’agression. Dans le meilleur des cas, on chercherait à le rassurer, à le convaincre qu’il ne s’agissait que d’un mauvais rêve influencé par la maladie. Version satisfaisante pour tout le monde. Quoi qu’il dise, il resterait seul avec son démon car sa famille ne pourrait croire en son existence. Eux ne l’avaient pas ressenti, ils n’en avaient pas fait l’expérience. Ça n’existait pas.
Peut-être y avait-il bien une dimension où régnaient ces forces-là, un pan de la réalité dissimulé que nos sens ne pouvaient appréhender en dehors de certains moments de crise. Arthur pensa à l’un de ses plus vieux souvenirs. À quatre ans, il n’avait jamais eu l’occasion d’imaginer la mer avant de la voir surgir sous ses yeux : une étendue infinie et remuante, un être vivant qu’il n’aurait jamais soupçonné. Tenu par les mains de son père, il avait avancé sur la plage en direction de l’eau, d’abord d’un pas volontaire, avant qu’une peur indicible ne s’empare de lui. Brusquement, il avait refusé d’aller plus loin, pressentant l’imminence d’un danger. Il s’était laissé tomber dans le sable, avait pleuré comme s’il était le témoin d’une disparition radicale du monde, d’une désolation, un naufragé sans espoir de retour. Toute sa famille l’avait rejoint et entouré, et
Commenter  J’apprécie          00
L’odeur de pâte croustillante ne pouvait lui faire plus plaisir.
Il engouffra la crêpe en deux bouchées tandis que Franck
reprenait les paroles de Supertramp comme une vraie
casserole. Cette vitalité avait quelque chose de précieux, elle
conjurait la nuit et la peur, les fantômes et la maladie. L’heure
du goûter approchait, ils avaient pris de l’avance, sales gosses
pillant les réserves, se goinfrant de sucreries, semant le chaos.
Arty suivait Franck dans ses élans parce qu’il voulait que
Franck l’aime et le respecte. Ils pouvaient former une alliance
Parution infernale, même s’il existerait toujours entre eux un schisme.
Commenter  J’apprécie          80
— Bon sang, qu'est-ce que j'aimerais savoir écrire comme Stephen King.
— Pourquoi tu dis ça? Tu veux faire dans l’horreur, maintenant ?
— Pas forcément, non. Je crois pas. Mais ses histoires, il sait comment les raconter, tu vois. Je veux dire, il sait quel angle adopter pour qu’on soit happé. On veut toujours tourner la page. T'as jamais lu Le Talisman, Arty, j'me trompe ?
— Non, ça parle de quoi ?
— C'est l’histoire d’un gamin qui découvre l'existence d’un élixir qui lui permet de passer dans un univers parallèle. Et dans cet autre monde, il y a une princesse qu’il doit sauver, l’alter ego de sa mère en train de mourir d’un cancer.
— Et il y arrive ?
— Tu crois pas que je vais te raconter, t’as qu’à le lire !
J'adore ce bouquin, un des meilleurs que j'aie jamais lu. Je te le prêterai. p. 310
Commenter  J’apprécie          50
Mais dans le tube, il y avait quelqu'un d'autre.
La tension qui culminait encore un instant auparavant se vaporisa dans un frisson. Les doigts du garçon caressaient le grain de ce papier glacé d'un autre âge, sans reconnaître les personnes habitant les curieuses photographies. Son cerveau, d'ordinaire si fertile à tricoter des théories, avait abdiqué. Sa tête restait vide devant cette trouvaille, il n’arrivait pas à la rattacher au réel.
Sur l’une des photos, sa mère très jeune tenait un enfant dans ses bras. Un bébé, qui venait d’un gros ventre illustré sur un autre cliché. L'enfant marchait et souriait. Cheveux blonds, dorés, les mêmes que Catherine. Bouclés. Un bonheur espiègle en robe de poupée. Poupée. Fille, Rose. Fille.
Un mot s’accrocha sur le tableau noir de sa conscience.
SŒUR.
Comme saisi d’une répulsion, il laissa les photos retomber devant lui. La vérité brûlait. Le mensonge aussi. Il attrapa une enveloppe, déformée par son séjour dans le cylindre. Elle contenait une petite carte blanche surmontée d’un nœud de tissu rose. Nous avons le bonheur d'accueillir...
Rose. Poupée, Liza.
Diminutif d'Elizabeth.
Elizabeth Kena,
Plus il lisait les mots, plus ceux-ci perdaient de leur sens. Il les prononça plusieurs fois, à haute voix, La date, surtout: 12 mars 1966. Ces chiffres abolissaient le temps. Il sursauta, avec l'impression d’avoir été hypnotisé, d’avoir passé l'après-midi assis par terre, les photos et le faire-part sous les yeux. Quelle heure était-il ? La fatigue pesait sur ses épaules. Il n’arrivait pas à recoller les morceaux. S'il y avait un autre enfant, si Arthur avait une sœur, où était-elle et pourquoi avoir caché son existence? p. 146
Commenter  J’apprécie          00
C'est l'été précédant son entrée au collège qu’Arty vécut le premier choc. On aurait dit qu’un vent soufflait sur un tapis de feu. L’étouffant, tout en l’avivant par endroits,. Un tourbillon qui bousculait ce qu'il savait, ou ce qu'il croyait savoir.
Commenter  J’apprécie          40

Video de Raphaël Zamochnikoff (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Raphaël Zamochnikoff
Raphaël Zamochnikoff vous présente son ouvrage "La maison vénéneuse". Parution le 17 août 2023 aux éditions Belfond. Rentrée littéraire automne 2023.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2879722/raphael-zamochnikoff-la-maison-veneneuse
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Linkedin : https://www.linkedin.com/in/votre-libraire-mollat/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Vimeo : https://vimeo.com/mollat
+ Lire la suite
autres livres classés : cabaneVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (123) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (6 - polars et thrillers )

Roger-Jon Ellory : " **** le silence"

seul
profond
terrible
intense

20 questions
2879 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , thriller , romans policiers et polarsCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..