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EAN : 9782271065070
150 pages
CNRS Editions (11/10/2007)
3.12/5   13 notes
Résumé :
La télé-réalité est-elle devenue la réalité ? Et les ultimes avatars de l'art contemporain le degré zéro de la banalité ? Ou plutôt, entre l'un et l'autre, n'y a-t-il pas eu toujours ambiguïté. Duchamp, Warhol ou Perec, icônes de la modernité, n'ont-ils pas été les chantres de l'ordinaire, du quotidien, du banal ? Et n'est-ce pas Barthes en son temps qui a mis à mort la notion d'auteur ? Comment le culte du banal qui fut, jadis, à la pointe du combat contre l'instit... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
L'émission « Loft Story » est-elle une oeuvre d'art dans la plus pure lignée de Duchamp et Warhol ? Si la question soulevée par l'auteur peut soulever des cris d'indignation, il faut tout de même répondre à quelques objections : si on s'extasie devant un urinoir exposé dans un musée, ou un film de six heures montrant un homme en train de dormir, peut-on reprocher à la télévision de diffuser vingt-quatre heures sur vingt-quatre des images de gens qui dorment, se lavent, préparent une omelette ou dissertent sur le fait que la robe de Cynthia est vraiment trop moche ?

François Jost se lance pour répondre à la question dans un récapitulatif du banal dans l'art des cent dernières années. Les artistes refusent progressivement l'originalité, que ce soit dans les sujets peints, décrits ou filmés, ou dans la technique de l'oeuvre. le statut d' « auteur » est lui aussi remis en cause.

Sous certains aspects, l'émission réalise l'oeuvre banale presque parfaite : aucun scénario, des dialogues criant de vérité puisque non-écrits à l'avance, des moments de vie sans relief particulier. Cependant, ces aspects ne concernent que la version « 24h/24 ». Les « prime-time » réalisent exactement l'inverse : créer du sensationnel à partir de morceaux de banal bien choisis.

Un essai court mais assez intéressant, malgré mon manque de connaissance absolu dans ce domaine. Je découvrais les concepts au fur et à mesure que l'auteur en parlait, il m'est donc difficile de porter le moindre jugement sur la justesse de son raisonnement.
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Par cet ouvrage, François Jost tente d'explorer et de comprendre ce qu'il appelle le culte du banal. de Duchamp à la télé-réalité. L'art sut intégrer le banal et le promouvoir. L'histoire de la télévision montre également un glissement, dans les années 1980-90, d'une télévision sans point de vue à une réalité habitée et réduite au témoignage. Dès lors, ce glissement explique l'arrivée de la télé-poubelle, la télé-réalité. Mais l'auteur va plus loin et propose une thèse intéressante : l'avènement de la télé-poubelle, plutôt qu'un fait marquant l'entrée du XXIè siècle dans une ère nouvelle, ne serait-il pas le prolongement d'une intégration et même d'un culte du banal démarré dès le début du Xxè siècle avec un artiste comme Marcel Duchamp ?



La Fountain de Marcel Duchamp, en 1917, est un événement marquant de l'histoire du Xxè siècle. En 1917, Duchamp achète un urinoir et le propose comme oeuvre d'art à l'exposition des Artistes Indépendants qui le refuse. L'objet disparaît du coup de la circulation et n'existe plus aujourd'hui que par ses copies. Or, en 1993, l'artiste Pinoncelli entreprend un geste artistique de prolongement de l'oeuvre en urinant sur une copie dans un musée. En 2006, il s'attaque à une copie de l'oeuvre au marteau. Il est bien sûr à chaque fois condamné. Or là où les actes de Pinoncelli constituaient un prolongement de l'acte de Duchamp, restituant à l'objet sa véritable qualification et lui faisant apparaître sa fonction utilitaire (uriner), le geste de Duchamp consistait précisément d'une part à écarter cette fonction utilitaire en introduisant l'objet dans un musée, à lui conférer le caractère d'oeuvre d'art par un processus associant l'objet au titre, enfin à ne pas fabriquer l'oeuvre mais à utiliser un objet qui n'a en soi rien d'unique.

Cette mise en exergue du banal n'est en réalité pas le fait exclusif du Xxè siècle. Dès avant, l'on trouve des exemples de situations ou d'objets distinguant la curiosité du banal en mettant en avant la banalité. Mais le geste du Duchamp a la particularité de modifier le rapport entre l'oeuvre et le musée, de déplacer la frontière entre l'original (l'ancêtre du musée est le cabinet de curiosités qui excipe ce que la nature produit d'extraordinaire) du banal (qui se rencontre au quotidien et n'est donc pas digne d'intérêt).

Dès lors, l'auteur est gêné dans sa progression par la thèse de la transfiguration du banal d'Arthur Danto. L'oeuvre d'art, selon Danto, est en soi représentationnelle mais ce qui distingue l'objet ordinaire de la réplique artistique, c'est le fait que l'oeuve est porteuse d'un aboutness, un « à propos de quelque chose » qui transfigure l'objet banal en lui donnant une signification autre que celle d'origine. C'est un peu gênant car on ne pourrait traiter de la même manière l'objet banal exposé dans un musée et la peinture représentant un sujet banal. Or la particularité du Fontain de Duchamp, ce n'est pas le fait qu'il représente le banal mais plutôt qu'il ne le représente guère. Au contraire, il le présente tel quel, l'exhibe. C'est pourquoi l'exposition des indépendants refusa le Fountain de Duchamp (faute d'avoir une oringinalité) mais accepta une toile de Béatrice Wood présentant une femme portant un savon, l'oeuvre pouvant être resituée dans une tradition picturale. Au contraire, le geste de Duchamp présente les contours d'une révolution. C'est cette conception, ce culte du banal, qui s'est ensuite instauré auprès d'autres artistes.



Cette instauration du banal a également profité des évolutions techniques de reproduction. L'irruption de la photographie, du cinématographe avec l'apparition d'une vraie narration, la télévision ont facilité l'émergence du banal. Baudelaire s'opposait en son temps l'émergence de la photographie dans l'environnement artistique et opposait l'art par la peinture à la reproduction du banal par la photographie. Aragon pensait la relation entre le cinéma et la peinture, entre la représentation de la réalité quotidienne et le montage, dans un cadre de magnification d'un art par un autre, invitant à avoir un regard de poète ou de peintre sur les objets quotidiens. Andy Warhol va beaucoup plus loin et désacralise l'art en l'entraînant dans le sillage des médias, s'exclamant au passage que les médias sont de l'art. le Sleep de Warhol en est un bon exemple.



La représentation du sommeil est peut-être porteuse d'une nouvelle attitude esthétique. le sleep de Warhol posait ainsi une question qu'en 1967, l'homme qui dort de George Perec renouvelle. L'auteur analyse ensuite le cas du Nouveau Roman afin d'expliquer comment, dans les années 1970, il s'agissait d'inventer le quotidien et de refuser d'être original.



Les deux derniers chapitres de cet ouvrage en viennent au monde actuel des médias. D'abord, si l'auteur a expliqué comment le banal s'est imposé dans les représentations artistiques et littéraires puis dans la télévision, peut-on dire que Loft Story est une suite logique de l'esthétique Warholienne ? En partie.

Ensuite, l'auteur montre comment les médias ont conduit à une banalisation du banal au travers de l'histoire du média audiovisuel : les débats télévisés des années 980, l'émission c'est mon choix, le parcours de Jacques Pradel, la télé-réalité.



Cet ouvrage a le grand mérite de la clarté et de proposer une analyse claire qui explique pourquoi le banal a pu émerger, se développer et aujourd'hui prospérer. L'ouvrage propose une approche claire
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C'est la banane en couverture qui m'a fait ouvrir ce livre, en évocation de l'oeuvre de Cattelan.
Les deux premiers chapitres sont intéressants :
Objet banal, objet de culte.
Le banal à l'ère de la reproduction mécanique.
C'est une histoire de l'art revue à partir de Baudelaire, Duchamp et Dada, jusqu'à Warhol.
Ensuite, ça devient plus hermétique pour moi, lecteur lambda.
La mort de l'auteur (Perec, Barthes), la télé réalité (Loft story), sont intéressants mais planent à haut niveau.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Si, selon le jeune Aragon, le succès d’un film se mesure aux sifflets qu’il provoque, la projection de Sleep, de Warhol, trente-six ans plus tard, fut assurément un succès. Le directeur de la salle a raconté comment se passa la première séance où fut présenté ce film montrant pendant six heures un homme endormi. Quoique cette « inquisition visuelle » n’engendrât pas la catastrophe annoncée par Léger, la projection fut pour le moins agitée.

Le film commença devant 500 personnes. Après le premier homme qui respire, quelqu’un hurla « Réveille-toi ! ». Quelques spectateurs sortirent pour se faire rembourser. Une heure plus tard, un homme fou de colère se jeta sur le directeur en lui demandant son remboursement immédiat, sous peine de provoquer une émeute et de le lyncher. L’image de récentes émeutes lors d’un match de football en Afrique du Sud traversa alors l’esprit du directeur. La foule était sur le point de devenir violente. Le directeur prit la parole pour rappeler qu’il avait promis « an unusual six-hour movie ». Sleep continua. Le projectionniste s’endormit. Finalement, cinquante personnes restèrent jusqu’à la fin, adorant le film.
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Il est à coup sûr un type d’incident ménager qui n’existait pas au XIXe siècle : la mise à la poubelle d’une œuvre d’art. Régulièrement une dépêche nous apprend qu’un agent de nettoyage a confondu, au cours de son travail dans une galerie d’art contemporain, une œuvre d’art et un objet dont on voulait se débarrasser et, croyant bien faire, a mis le premier à la poubelle. Ce geste, souvent lourd de conséquences financières, prouve à l’envi que le statut de l’œuvre d’aujourd’hui tient moins à ses qualités esthétiques qu’à son statut ontologique, et qu’il faut être un peu philosophe pour faire le ménage dans une galerie.
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Tel n’est pas le moindre paradoxe du culte du banal. D’abord, protestation de quelques-uns, artistes, romanciers ou sociologues, qui souhaitent repousser la frontière des institutions en place, il s’est banalisé jusqu’à devenir une promesse faite aux anonymes de la majorité silencieuse d’être aimés pour eux-mêmes. Ultime étape qui signe aussi l’arrêt de mort de ce culte car, si chacun peut accéder au petit écran, la tentation sera de plus en plus grande, pour ne pas lasser le public, de revaloriser l’original.
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La violente critique de Ricardou à Robert Pinget, l’auteur le moins connu du Nouveau Roman – « l’exposé de Pinget n’est pas du tout un exposé théorique : c’est une sorte de témoignage qui en avait tous les effets » – serait aujourd’hui un compliment. La capacité de l’écrivain à débiter en tranches sa biographie, ni plus ni moins originale ou banale que la nôtre, est devenue la condition de sa réussite médiatique.
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Vidéo de François Jost
François Jost est professeur émérite à la Sorbonne Nouvelle, sémiologue, fondateur du Centre d'Études sur les Images et les Sons médiatiques. Il publie "Est-ce que tu mèmes ?" (CNRS éditions, avril 2022), un ouvrage de sémiologie qui analyse un objet courant de nos vies numériques : les mèmes, objets typiques de la culture populaire.
Humoristiques, ludiques, satiriques, sérieux parfois, les mèmes sont aussi un commentaire sur l'actualité, une manière de s'inviter dans le débat.
#Memes #PopCulture #Reddit
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