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EAN : 9782382670507
208 pages
Editions Mnémos (12/04/2023)
3.11/5   44 notes
Résumé :
… ou la recherche d’une justice parfaite

C’est le chaos. Partout. Depuis des années, l’humanité exsangue, à la suite de bouleversements climatiques et sociaux, est réduite à une population congrue. Réunie en tribus aux règles tirées de romans, de séries ou de films, elle tente de refaire société au prix de conflits sanglants entre les clans. Protégée des affres du monde, Julia vit loin, perdue dans la montagne. Sa vie n’est faite que de dessins et d’e... >Voir plus
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Julia a été abandonnée par ses parents, seule, dans une zone inhabitée. Une ancienne station de ski où ne subsistent que des pylônes, des panonceaux, un cabanon. Mais ils ne l'ont pas laissée réellement sans soutien. Elle est accompagnée par un robot dévoué, R-17, qui se charge de son éducation et de sa survie. Et il aura fort à faire, car autour de ce havre de paix, le monde semble être devenu fou.

Les gens ne vivent plus en sociétés, mais en groupes. Et certains d'entre eux sont ridiculement petits. Tout comme leur durée de vie, d'ailleurs. Car le climat général est à la tension et à l'intégrisme. Chaque clan a ses propres règles et tout ce qui est différent est un ennemi potentiel qui doit être soit converti soit éradiqué. le mot « tolérance » semble avoir été rayé du vocabulaire de nos descendants. Comment se créent ces rassemblements ? C'est là l'originalité et le côté drôlatique (et en même temps désespérant) de ce roman écrit à quatre mains : dans cet univers post-apocalyptique, les biens de consommation sont devenus rares et difficiles à trouver. Les livres aussi. C'est pourquoi, ils sont en quelque sorte paroles d'évangile. Quand une femme ou un homme tombe sur un exemplaire, il y découvre des éléments qui deviennent loi. Il en tire des règles de vie. Pourquoi pas me direz-vous ? Eh bien le problème est qu'ils prennent n'importe quoi comme règles de vie. Par exemple, pour le clan des FC (pour Fight Club), la première règle est celle-ci : « il est interdit de parler du Fight Club ». Je continue avec les quatrième et cinquième : « seulement deux hommes par combat » et « pas de chemises, ni de chaussures ». Bon courage pour user de ces préceptes de vie exceptionnels au quotidien !

Ce clan est le premier d'une longue série, dont certains qui m'ont particulièrement plu. Par exemple, les Terra ignota, inspirés de la merveilleuse et très riche série d'Ada Palmer (publiée aux éditions du Bélial'), que j'ai lue mais renoncé à chroniquer tant cela m'a paru difficile sans en trahir le contenu. Ou ce clan très puissant inspiré des oeuvres de Dmitry Glukhovsky et de son univers noir et étouffant de Metro 2033. Et le cinéma est également mis à contribution avec le clan des Brazil 1138, qui prennent source dans l'oeuvre de Terry Gilliam (1985). J'ai également pensé, pour cette ambiance, à un ancien jeu de rôle complètement frappadingue traduit en 1984 par les éditions des Jeux Descartes : Paranoïa, avec ses divers clans qui passaient leur temps à se dézinguer dans un délire des plus absolu et une critique implicite de nos sociétés fragmentées. Pour finir sur ce versant érudit de l'oeuvre, même les titres de chapitres peuvent faire référence à une culture de l'imaginaire impressionnante de la part des deux auteurs. Je ne citerai que « Vue en coupe d'une mégapole malade », qui rappelle diablement la Vue en coupe d'une ville malade de Serge Brussolo (1980, quand même). Des clins d'oeil nombreux qui sont un des atouts de ce roman.

Et cela fait de surcroît travailler les méninges : j'ai passé mon temps à me demander de quels ouvrages venaient ces règles si surprenantes et, souvent, si absurdes. Car, même si un des personnages assène qu'« Il faut des règles, putain, des règles ! Sinon, c'est l'anarchie. », certaines scènes sont la démonstration du contraire. En tout cas, les règles ne font pas tout. J'avais déjà pu m'en apercevoir en lisant Un pays de fantômes ou même Cité d'ivoire. Il faut que les lois qui nous gouvernent aient un sens. Et que les citoyens les comprennent.

Et justement, c'est le sens profond de ce récit qui rappelle les textes humanistes du XVIIIe siècle. Car, du côté de Julia, la jeune fille dont je parlais dans l'introduction, les leçons s'enchainent. Et elles sont nombreuses à avoir pour thème la bonne façon de créer des lois justes et efficaces. Selon quels critères les choisir ? Quel principe, quelle idée placer au-dessus des autres ? Comment choisir ? le bon vieux R-17, et d'autres après lui, vont exposer des thèses. Pour illustrer ces réflexions, Julia va rencontrer, entre autres, Platon, saint Augustin, Thomas Locke ou Thomas Hobbes. Autant de points de vue sur l'idée de justice et les principes qui permettent de la respecter. Autant de développement qui permettent de se faire une idée. Car, comme nombre d'ouvrages un peu ambitieux, le monde de Julia veut nous proposer une réflexion. Et, comme on s'en aperçoit bien dans le monde actuel où n'importe qui est appelé à parler de n'importe quoi, même s'il n'y connaît rien, il est capital d'être informé sur le sujet dont on débat. Donc les auteurs nous résument, de façon très claire et brève, certaines étapes de la pensée à propos de ces thèmes. J'ai lu quelques avis de lecteurices qui trouvaient cela un peu bancal et longuet. Au contraire, de mon côté, cela m'a emballé. À travers une histoire assez simple, Ugo Bellagamba et Jean Baret nous ouvrent l'esprit. Ce court roman permet de mener une réflexion construite sur la notion de loi. Sur ce qui doit la guider. Sur ce qui peut permettre de bien diriger un peuple, de la façon la plus juste possible.

Comme l'expliquent les auteurs en fin de roman, ce récit pas été conçu de façon classique. En fait, Ugo Bellagamba, auteur de SF (dont j'ai beaucoup apprécié, entre autres, La Cité du soleil et autres récits héliotropes – Folio) et docteur en histoire du droit, en a eu l'idée depuis des années. Il l'a fait grandir dans son esprit, dans sa famille, parmi ses amis. Et ce texte a finalement vu le jour grâce à la collaboration avec Jean Baret, avocat et auteur de Trademark, une trilogie perturbante et nécessaire composée de Bonheurtm, Vietm et Morttm (Le Bélial'). J'ai retrouvé un peu de ces deux auteurs au fil des pages, tout en étant incapable de distinguer quels passages viennent plutôt de l'un que de l'autre. le fond juridique est commun et a dû donner lieu à de belles discussions entre les deux compères. C'est à mon avis un bel exemple de collaboration fructueuse.

La lecture du Monde de Julia a représenté pour moi un petit moment de bonheur : la joie de redécouvrir des ouvrages lus voilà des années à travers les différents clans ; la satisfaction intellectuelle de réfléchir, dans le plaisir, à une notion capitale et de découvrir ou redécouvrir des pensées solides et argumentées ; la délectation de découvrir une histoire bien ficelée malgré son apparence foutraque au début et qui conduit à un dénouement que je commençais à pressentir depuis un moment, mais qui ne m'a pas déçu, au contraire. Un texte que je conserve dans un coin de mon esprit et que je consulterai sans doute de temps à autres comme piqûre de rappel quand j'entendrai dans les médias certaines personnes remettre en cause des valeurs que je considère comme nécessaires à la vie en société.
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Dans un avenir post-apocalyptique, la petite Julia est protégée et élevée par un robot, Roland17 ; tous deux vivent isolés dans la montagne. Loin de là, Darius, un adulte, appartient à un clan qui en côtoie d'autres dans les ruines de la civilisation, clans qui représentent des modèles de sociétés différents dans un environnement dystopique où les confrontations sont possibles.

Ce court roman est un conte de philosophie juridique, sur le modèle du monde de Sophie. La jeune Julia grandit et, sous la houlette de Roland 17, elle explore les concepts de liberté ou d'égalité, ainsi que des principes juridiques de base comme le droit naturel, en prenant référence sur la mythologie antique ou l'histoire des idées. Darius, quant à lui, doit traverser les autres clans qui se réfèrent à des livres anciens (nos livres de science-fiction d'aujourd'hui) et qui ont fondé des communautés d'après des préceptes inspirés de romans, préceptes qu'ils ne comprennent pas toujours, voire dont ils ignorent que ce ne sont que des inventions d'écrivains ou de réalisateurs de films.

Construit sur des chapitres courts alternants les aventures de Julia et de Darius, le principe du roman est séduisant, même si parfois il n'échappe pas à l'écueil du catalogue (notamment les clans et leurs modèles de société que cite Darius). L'arc narratif de Julia est attrayant, car il est souvent empreint de poésie et de simplicité, ce qui n'empêche pas de décrire quelques concepts juridiques fondamentaux. Des grands penseurs y font une apparition dans ce qui prend l'allure d'une fable.

L'histoire de Darius, quant à elle, ne manque pas d'ironie, notamment grâce aux références culturelles SF détournées, mais elle n'évite pas, quelquefois, l'artificialité : on comprend qu'elle n'est qu'un outil pour présenter certains concepts, au détriment du scénario lui-même dont on ne sait pas où il va ni pourquoi.

La conclusion utilise des fondamentaux de la SF avec intelligence, si on oublie Robespierre qui plaide en sa faveur sans être contredit.

Un court roman intéressant par son concept, dont les défauts sont visibles, mais qui s'évertue à présenter les grands principes juridiques pas toujours connus du grand public.

Lien : https://feygirl.home.blog/20..
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Le monde de Julia est un petit roman assez didactique. le roman comporte deux trames, je parlerai d'abord ici de la première avec Julia.

Julia est comme ces personnages de romans d'apprentissage du XVIIIe. A un moment, elle m'a un peu fait penser à Jacques le fataliste, accompagnée de son maître Roland-17. Puis un autre maître dont je vous laisse le plaisir de découvrir l'identité. Mais on est bien dans cette idée : un dialogue-promenade philosophique, gorgé des idées des Anciens et des Lumières, forgeant la croissance intellectuelle de Julia. Je pense que le roman fait aussi un gros clin d'oeil au roman le monde de Sophie de Jostein Gaarder dans le concept (et son titre).
Son histoire est principalement émaillée de ces dialogues qui pourraient paraître parfois saugrenus tant leur rattachement au récit pourrait sembler factice. On pourrait aussi juger ces leçons philosophiques sur le droit très artificielles. Ca m'a fait un peu penser à ces méchants dans les films qui, sur le point de gagner face aux gentils, perdent un temps fou à blablater, suspendant ainsi le temps et le compte à rebours qui ralentit inexorablement. Là, c'est un peu pareil, ce qui peut donner une impression d'artificialité importante.
Enfin, le ton didactique pourrait agacer pas mal de monde, je pense. Ajoutons à cela des confrontations d'idées piochées dans des thèses d'auteurs un peu oubliés (en ce qui me concerne bien sûr – ouh la la, j'espère que les auteurs ne passeront pas par ici), et la leçon peut vite devenir aride. Oui, le débat d'idées entre Hobbes, Locke, Platon etc. ressemble aux joutes rhétoriques grecques, qui peuvent passionner les uns et profondément assommer les autres.

Mais il y a un « mais ». Non, plein de mais en fait. Parce que je ne partage pas ce point de vue là et que je trouve à ce texte une multitude de qualités.

D'abord, selon moi, ça marche très bien. Parce qu'on renoue, d'une part, avec l'essence des romans didactiques et l'esprit est bien là. J'ai trouvé les échanges parfois badins, avec ce Roland-17 qui maîtrise à la perfection les nuances entre conviction et persuasion. de parfaits petits numéros bien exécutés – et personnellement, j'ai trouvé cela très savoureux, cocasse et franchement malin.
Ensuite, hé bien on ne s'ennuie pas. Personnellement, les grands textes conceptuels des Anciens et des Lumières me semblent difficiles à avaler (c'est comme manger des pois cassés nature sans une petite crème légère pour les accompagner). Or, le monde de Julia apporte cette rondeur manquante aux propos, un dynamisme dans l'échange d'idées, et un rythme dans la pensée qui se forge. Et que ça donne presque envie de retourner à la source pour lire enfin ces grands noms. Et puis c'est passionnant, jamais ronflant, ni juste théorique. Il y a des questions que l'on se pose chaque jour et qui sont fondamentales : qu'est-ce qui fait société ? Peut-on garantir la liberté sans égalité ? Dans les crises (politiques, sociales, des institutions…), que nous traversons, remettre à plat ces points est loin d'être inutile.
Enfin, j'ai trouvé que la construction du roman permettait au propos plus didactique de bien s'intégrer au reste. Il se compose de deux trames, l'une avec Julia et l'autre avec un chef de clan qui tente de trouver des solutions pour dépasser cette logique fragmentaire, et de mettre en place une société fondée sur le vivre-ensemble. Ce faisant, j'ai remarqué que les chapitres, qui alternent les points de vue, se répondent. Comme si le chapitre centré autour de Julia était la leçon, et le chapitre suivant la mise en pratique. de ce fait, il y a un liant bien présent qui redonne une fluidité à l'ensemble.

Par ailleurs, remarquable la manière dont droit et SF s'associent.
J'ai écouté, au cours de ma lecture, le podcast d'un numéro de la science, CQFD d'avril. Natacha Triou y recevait les deux auteurs pour échanger sur ce roman atypique. Parmi les nombreuses questions posées, il y avait celle-ci : « pourquoi faire le choix de la SF pour évoquer des questions de droit ? »
Il est vrai que le mariage des deux peut paraître atypique. D'abord, les auteurs ont choisi le conte pour raconter leur histoire. On ne sait pas trop où l'on est ni quand, même si quelques indices épars nous permettent de nous en faire une idée. le conte a une portée universelle. Julia est une enfant lambda, qui a perdu ses parents et est élevée par un tuteur dans un monde qui ne semble pas très doux. En somme, voilà un cadre qui semble bien familier. Peu importe que le monde décrit ne soit pas exactement le nôtre, car Julia est proche de nous et va vivre des expériences qui nous parlent. Et puis quoi de mieux qu'un conte pour instruire ?
D'autre part, et les auteurs l'ont bien expliqué, le droit est une fiction. C'est un voile qui recouvre le monde naturel pour qu'on puisse faire société, qui est aussi un artifice. Elle repose en effet sur des règles que l'on s'impose pour gommer les différences de force et de puissance, établir une égalité et garantir la liberté de chacun. Il paraissait alors évident pour les auteurs d'intégrer leur propos dans un genre fictionnel. La SF décrivant les sociétés et leur évolution comme des êtres organiques et vivants, il semblait alors logique que ce soit la SF qui s'empare de cette question, d'autant qu'il n'y a pas de société sans droit.

Je parle de droit depuis le début, mais le monde de Julia est un roman de SF d'abord. le monde qui nous est présenté est dystopique. On l'approche par le regard de Julia, jeune fille éprouvée par les expériences de la vie. Son monde est dépeuplé, la « civilisation » lointaine, dangereuse, et de ce que l'on comprend, il n'en reste pas grand-chose. le second regard est celui de Darius et d'Artaban, en tout cas pendant un temps. Leur monde à eux est constitué de clans, qui répondent chacun à des règles issues de bouquins de SF. C'est assez rigolo de deviner de quel bouquin telles règles sortent. Je me souviens surtout de Terra Ignota, mais ce n'est pas la seule référence, les auteurs puisant aussi allègrement dans le cinéma. le roman s'ancre donc dans une culture pop culture et SF bien établie.
J'ai parlé tout à l'heure des deux trames qui se relient formellement, entre théorie et mise en pratique. Mais au-delà de cela, il y a un vrai dialogue entre ces deux trames, qui évidemment vont finir par se rejoindre à un moment. Si le lien entre les deux peut paraître obscur pendant un bon moment, on voit le ciel s'éclairer peu à peu, et les connexions se font petit à petit. C'est très bien amené, et quand on comprend alors, on considère différemment ce qu'on vient de lire. Je trouve les deux fils fort bien menés, imbriqués, comme le parfait reflet du travail à 4 mains qu'ont réalisé les deux auteurs.
Ainsi, je dois dire que le dénouement m'a énormément surprise, parce que je n'ai rien vu venir. Plus que ça : je l'ai trouvé brillant. Si on doutait qu'on était dans de la SF depuis le début, là on est servis. On retrouve là plusieurs concepts bien connus de la SF, utilisés à fort bon escient. Je dois néanmoins avouer que je n'ai absolument rien capté à l'épilogue. Mais ça ne m'a pas chagrinée, puisque pour moi le final se suffit à lui-même. Fichtre, ça décoiffe. Bien pensé, inattendu, vertigineux. Et ce final provoque aussi pas mal d'émotions, ce qui pouvait peut-être manquer jusque-là.
Lien : https://zoeprendlaplume.fr/u..
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L'infusion d'une littérature vertigineuse.
Unique, tiré au cordeau, « Le Monde de Julia » est d'emblée un chef-d'oeuvre.
Fondamental, hypnotique, l'effusion philosophique, intrinsèque.
Hors du temps et de l'espace, dans un imaginaire qui frôle notre peau. Ce livre est initiatique, inépuisable.
Jean Baret romancier et avocat au Barreau de Paris & Ugo Bellagamba, écrivain, novelliste et essayiste et maître de conférences en Histoire du droit et des idées politiques, ont scellé le pacte d'une oeuvre commune. L'osmose d'une écriture, la portée inouïe d'une trame signifiante. le liant de ce livre rare, essentiel et impressionnant.
Hugo Bellagamba explique que Julia a poussé libre, sur la pente douce d'une colline. Julia est une pensée. Jean Baret, lui, a rencontré Julia sur le tard. Elle était déjà bien grande. « J'ai eu l'honneur et la joie d'être invité à participer à son évolution. »
Ce livre est un binôme d'orfèvre, de rectitude, absolument magnifique. La fiction illumine les quêtes. Ce serait comme un roman porteur d'espérance. Un outil pour un lendemain devenu lucide, hédoniste et appliqué. Une société nouvelle dont le rideau final est une apothéose. La maîtrise du monde, la conscience de l'abnégation. Mais en plus spéculatif. Voyez l'enjeu de ce livre résolument solaire et émouvant.
Le récit est le chaos d'un monde qui vacille. Les civilisations d'antan abolies. Nous sommes dans une histoire-monde. le dérèglement climatique, les sociétés éteintes. Seules restent des cohortes d'hommes, des clans qui s'affrontent, telles des meutes de loups sauvages. L'éclaircie est prévisible. Ici, persiste d'autres humains, citadelle Alcazar, les bienfaiteurs aux chevelures utopiques, qui cherchent à façonner l'idéal. Rassembler l'épars d'un passé où la loi est maître du monde.
Les règles sont les architectures de romans, de films, des traces culturelles qui résistent aux épreuves. Nous sommes dans le plan d'un nouveau monde encore lancinant et fébrile, dans ce qui n'est pas encore, pas maintenant, pas tout de suite.
Les auteurs sont des bâtisseurs. Écoutez Julia, une fillette seule dans ce fragile et vulnérable monde. Enfant solitaire et orpheline. « Roland-17 » de ferraille et de boutons, une machine douée de raison, d'exaltante tendresse pour l'enfant. Un protecteur qui exauce le devoir de protéger cette petite fille grandissante au fil des pages.
« -Je voudrais tant que tu les vois, toi aussi, toutes les figures dans la pierre.
-Je ne vois pas l'invisible Julia…
-Je suis un robot. »
Ce récit futuriste, d'anticipation est à deux voix, celles des auteurs. On ressent une connivence, une fusion. Ici, vous avez Julia, son périple philosophique. Ses rencontres fortuites ou pas. Sa maturité impressionnante et ce qu'elle ne sait pas et ne saura jamais, jusqu'au presque point final de ce roman d'apothéose. Cette enfant et son apprentissage, les ailes d'albatros en majesté.
L'autre versant, magnétique, politique (finement), sociologique, et l'essentialisme en puissance. Notre planète en délitement, mais l'oeuvre persiste et approuve les déambulations de ces hommes en ordre de bataille, volontaires et assignés pour refonder un modèle sociétal théologal, le droit et la justice en équilibre sur la balance des lois. Les existences ne sont plus anonymes. Nous sommes en plongée dans une littérature angulaire.
L'équité, la droiture, « Darius est incollable sur la notion, il a étudié l'école de Salamanque et les théoriciens du contrat social qui reprennent ce concept, comme Hobbes, Locke ou Rousseau ».
« Le Monde de Julia » est un oracle. Cette fillette qui va faire des bonds de géant, suivre la voix qui lui murmure l'esprit des lois. Des métaphores, des symboles, l'empreinte de l'Histoire, la polyphonie intrinsèque et bouleversante d'une trame désignée belle à couper le souffle.
Ce roman est un signal, un avertissement face à nos arrogances. À contrario, il éveille nos interpellations et nos résistances. Il démonte un à un les carcans de nos convictions. Les intelligences dans ce récit sont des langues assignées, les murs porteurs pour demain. Bâtir une mappemonde d'exemplarité. Julia la sublime, le porte-étendard.
« Le but est de reconstruire la société, je vous le rappelle. Alors, oui, on va plancher le temps qu'il faudra, et on sortira des lois justes, qui formeront un consensus. On va organiser une assemblée qui va écrire une constitution ».
Grandiose, stupéfiant, on reste d'équerre sous l'admirable acuité verbale, la clairvoyance et le génie littéraire. La marche lente d'une beauté d'écriture engagée et remarquable. Julia, plus qu'un symbole, un hymne, une héroïne, le mythe exaucé.
Prenez soin de la dernière phrase de ce livre où les sciences sont la raison, où l'importance d'humilité est un gouvernail. Ce livre est une vertu qui excelle. Une fable époustouflante.
Publié par les majeures Éditions Mu.
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Dans un monde post-apocalyptique où des clans survivent en suivant des principes issus d'oeuvres de la pop culture, la jeune Julia apprends à découvrir le monde qui l'entoure. Suite à certains événements, elle va chercher à retrouver la famille qui l'a abandonnée.

Avant de commencer ma lecture, j'étais vraiment très enthousiasmé par cette idée de clans qui basent toutes leurs croyances sur des livres ou des films plus ou moins marquants pour nos générations, notamment parce que je m'attendais à quelque chose de vraiment déjanté (on a par exemple des clans qui suivent les principes énoncés dans Fight Club). Au final, j'ai trouvé que ça ne fonctionnait pas tellement.

Certes, il me manquait certaines références et ça a pu jouer, mais j'ai surtout trouvé tout ça très anecdotique et pas vraiment utile à l'histoire. D'autant que dans la première partie, on enchaîne les références sans vraiment s'y attarder et ça m'a un peu donné l'impression qu'on essayait d'en caler un maximum le plus vite possible. Dommage parce que c'est vraiment l'aspect qui me faisait le plus envie.

Au-delà de ça, je n'ai pas forcément aimé la construction du roman. le résumé nous prévient que Julia va être initiée à l'esprit des lois, on sait donc qu'on va parler de droit. Ceci étant dit, j'ai trouvé que tout ça n'était pas très bien intégré à l'histoire. le second groupe de personnages s'intéresse beaucoup aux lois des différents clans, et là pourquoi pas, il y a un sens à tout ça, mais dans l'histoire de Julia (qui doit avoir 12-13 ans), on ne nous explique pas vraiment (sauf à la toute fin) pourquoi on veut absolument lui faire apprendre le droit. Cet enseignement hyper poussé apparaît donc un peu comme un cheveu sur la soupe, pas vraiment intégré à l'histoire.

En parallèle de Julia, on suit donc un deuxième groupe de personnages, et ce qui m'a frappé avec leur histoire, c'est qu'elle n'a strictement aucun intérêt pour l'intrigue générale… Autant l'histoire de Julia finit par avoir un sens (et j'ai plutôt aimé la fin malgré le cheminement laborieux), autant celles des autres personnages ne change strictement rien aux événements du livre. J'ai trouvé ça extrêmement frustrant.

Et puis bon, sur le fond, ce qui m'a au final le plus dérangé, c'est le fait que le roman relève presque plus de la démonstration didactique verbeuse que du roman. J'avais tenté plusieurs ouvrages du label Mu (qui me donnent toujours super envie dans l'idée) mais j'ai toujours un peu la même conclusion. Ce que propose ce label est très intéressant pour les gens qui cherchent ce genre de chose, mais pour moi c'est beaucoup trop cérébral, philosophique, et - honnêtement ? - un peu élitiste.

J'aime beaucoup les romans qui ont des choses à dire mais je préfère que les messages soient, ironiquement, à la fois plus subtils (je préfère chercher les messages plutôt que de les voir exprimés de manière aussi directe) et moins « complexes ». Là j'ai presque eu l'impression que j'aurais dû faire des recherches perso avant de pouvoir me lancer dans cette lecture.

Pour moi cette collection, et cet ouvrage, ne s'adressent vraiment pas à tout le monde. Ce n'est pas un reproche, et je ne peux même pas dire que c'est dommage puisqu'il faut de tout après tout, mais je sais que personnellement, je préfère ne pas continuer avec ce label. A chaque fois les ouvrages me créent plus de frustration qu'autre chose, et en plus j'en ressors généralement en ayant l'impression de ne pas être bien malin…
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
La liberté n’est qu’un luxe offert à ceux qui vivent dans des sociétés où le droit la garantit, la protège. En dehors de l’état social, il n’y a qu’une égale précarité. Lorsque survient la violence, il n’y a plus que l’égalité.
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« Vais-je te donner un nom ? »
La Buse redressa le bec, avec une sorte de noblesse. La jeune fille se sentit stupide, d'un coup. Car, bien sûr, le seul nom qui lui convenait était celui de l’idée qu'il symbolisait.
« Liberté, tu t'appelles Liberté », dit Julia, sûre d'elle.
Et elle formula une supplique : « Guide-moi jusqu'à ton royaume.»
Comme s'il avait lu dans ses pensées, l'oiseau-Liberté s'envola ; en quelques battements d'ailes, il était si haut dans le ciel qu'elle le perdit de vue. D'une certaine manière, le message était clair. Elle pouvait caresser la Liberté, la voir s'envoler et tutoyer l'azur, mais elle ne saurait la retenir, la domestiquer. La liberté ne recevait pas d'ordres.
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Parle-moi un peu de Mars.
Encore ? Nous en avons parlé des dizaines de fois. je sais tout. Sa taille, sa masse, son histoire, les missions d'exploration qui ont été envoyées à sa surface. j'ai même lu les histoires de science-fiction écrites au siècle dernier. Mars, j'en ai soupé !
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Car la loi peut être un instrument de liberté tout autant que de répression.
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Les lois sont partout, pourtant leur esprit a disparu. Un clan comme celui des Brazil 1138 etouffe sous une législation monstrueuse, dont le but n’est pas tant de réguler les citoyens, de leur offrir un espace de vie commun, que de les contrôler et de les entraver. Car la loi peut être un instrument de liberté tout autant que de répression. Brazil 1138 est un exemple classique de positivisme juridique : on réfute l’existence d’un droit idéal, d’un droit naturel : seul le texte de loi prévaut, c’est à dire la norme sanctionnée par la puissance publique.
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Vidéo de Ugo Bellagamba
FESTIVAL DES UTOPIALES 2023
Réalisme magique vs merveilleux scientifique
Le réalisme magique comme la science-fiction repoussent les limites de la fiction comme miroir du réel en puisant dans le corpus infini et mystérieux des fables et mythes de l'humanité. de l'imaginaire technologique prétendument cartésien à la peinture d'un quotidien magnifié, c'est une une réalité plus vive et plus féroce qui surgit des textes. Rencontre au sommet entre deux genres.
Moderateur : Simon Bréan Intervenants : Ugo Bellagamba, Pierre Bordage, Ayavi Lake, Floriane Soulas
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