Nos dialogues avaient le don de me secouer jusqu'aux entrailles. Pas moyen de tricher avec lui, pas moyen de s'escamoter derrière des simulations stupides. Venir le voir voulait dire se mettre en danger de mort. Car il n'y a pas que la mort physique dans la vie. Nous pouvons mourir de l'intérieur. Mourir de honte de nous-mêmes. Et cette mort-là n'effrayait point mon maître. Valait-il la peine de vivre une vie superficielle, faite de spéculations de toutes sortes, participant stupidement au mensonge généralisé qui régit notre monde ? Cherchant le profit derrière chacun de nos actes, de nos pensées, dissimulé dans nos paroles ? Était-ce pour cela que nous avions ce corps, cet esprit, tous deux de magnifiques cadeaux de la vie, pour les mettre au service du plus sordide des égoïsmes ? Moi, je ne cessais de célébrer la guerre sainte contre ma petitesse, et de me répéter : « Tu es libre. » Mais libre de quoi ? De retomber dans mes vieilles habitudes, de m'enchaîner une fois de plus avec mes ambitions, ma vanité, mes désirs ? Est-ce cela la liberté que tu cherches, mon cher Gregorio ?
L'art du combat avec son ombre
Présentation du livre "L'art du combat avec son ombres" de Gregorio Manzur, maître de Tai-Chi et de Chigong. Par Marc de Smedt.