«Minet-Chéri », « Ma gnou », « Bijou » et d'autres surnoms d'affection recouvrent le diminutif « Gabri » pour Gabrielle, plus connue par le grand public sous l'appellation
Colette qui était en réalité son patronyme.
Nul autre que Sido, sa mère, n'eut le privilège de ces tendres mots d'amour qui fleurissent tout au long des lettres regroupées dans cette édition de 2012, année du centenaire de la mort le 25 septembre de l'incomparable figure maternelle rendue si familière par l'écrivain.
Une première édition nous avait été proposée par les Éditions des femmes en 1984. Cette nouvelle édition,chez Phebus, nous offre des lettres inédites, une chronologie et quelques explications en bas de page, le tout établi par
Gérard Bonal, un des spécialistes de
Colette.
Certes il est parfois dérangeant de pénétrer à ce point dans l'intimité de personnes aujourd'hui disparues mais tel est le revers de la gloire : tout est livré, tout se décortique...
La compréhension des écrits d'un écrivain qui a tellement mêlé fiction/réalité passe par ce qui pourrait sembler être de l'impudeur dans ces publications privées.
Au-delà de cet aspect, la lecture des lettres permet un éclairage des écrits de
Colette, relie entre elles différentes informations biographiques (cfr les relations Willy/
Colette, l'entrée en écriture...) mais est aussi un témoignage sur une époque et ses conditions de vie (classes sociales évoquées, conditions matérielles de vie, maladies dont on ne meurt plus, l'auto, l'aviation,etc...).
Le caractère de la mère apparaît : humour piquant, intransigeance, lucidité, culture, prémonitoire et en avance sur un temps où la femme devait se battre pour exister en tant qu'être humain à part entière (ses réflexions sur le mariage – en 1907 – sont absolument avant-gardistes!)
Personnage attachant et impressionnant au style à la fois dru et élégant, Sido existe et on ne comprend que trop « l'originalité » de ses enfants. Certains parlent de sa « cupidité » (Cfr
Philippe Delerm), d'autres de la jalousie de sa fille envers le fils bien-aimé. Il faut se replacer à l'époque vécue (ah ! le froid de sa « petite-maison »), la gestion calamiteuse du patrimoine par son deuxième mari,la vente des meubles et le départ de la maison bourgeoise de Saint-Sauveur en Puisaye, le village natal de
Colette, la crainte d'une vieillesse sans le sou pour sa fille, etc... et comprendre les inquiétudes d'une femme vieillissante qui tire les enseignements de ses propres déboires.
Quant au « bien-aimé » Achille qui s'occupera de Sido jusqu'à la fin et ne lui survivra que quinze mois, il y a un dévouement et un amour qui arrache les larmes mais cet amour dut en faire souffrir d'autres... comme
Colette ? Comme Jeanne de la Fare, son épouse ?
Pendant tout ce livre, ils nous deviennent familiers, on parle d'eux, on vibre avec eux, on les aime ou pas, ils nous accompagnent et tout ce que
Colette nous raconte (La Maison de Claudine, Sido, le Sieur Binard, et tant d'autres textes) prend les contours d'une réalité que l'on touche de lettre en lettre.
Une merveille pour les épris « colettiens » (on suit tout le parcours littéraire, théâtral et personnel de
Colette) comme un document pour ceux qui, curieux, auraient envie de découvrir les lettres d'une maman à sa fille dont elle comprit et encouragea le talent particulier.