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EAN : 9782258208407
416 pages
Presses de la Cité (11/01/2024)
  Existe en édition audio
4.22/5   732 notes
Résumé :
"Papa a tué maman." Rouen, avril 1983. Ophélie a – presque – tout vu, du haut de ses sept ans. Mais son père n'est pas le seul coupable. Un autre homme aurait pu sauver sa mère. Dès lors, Ophélie n'aura plus qu'un but : retrouver les témoins, rassembler les pièces du puzzle qui la mèneront jusqu'à la vérité. Et, patiemment, accomplir sa vengeance... Enfant placée en foyer, collégienne rebelle, étudiante évoluant sous une fausse identité, chaque étape de la vie d'Oph... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (160) Voir plus Ajouter une critique
4,22

sur 732 notes
Dès les premières pages de ce dix-neuvième roman de Michel Bussi, le lecteur sent bien qu'un terrible drame s'annonce dans la banlieue de Rouen. du haut de ses sept ans, la petite Ophélie assiste à la scène, pourtant habituelle car ce n'est pas la première fois que son père, alcoolique et violent, rentre complètement bourré. Sauf que cette fois, sa mère, craignant pour sa vie, téléphone en panique à Richard Vidame, le suppliant de venir les aider. L'assistant social a cependant mieux à faire que de venir aider cette famille qu'il a sous tutelle, abandonnant la mère à son triste sort. Cette dernière, qui aura finalement tenté de fuir le danger en quittant l'appartement, sera retrouvée morte en dehors de l'immeuble. le père, qui ne se souvient de pas grand-chose, finira en prison. Placée dans un foyer, Ophélie n'aura plus qu'un seul but dans la vie : retrouver les témoins qui ont assisté au drame et se venger de cet assistant social qui a refusé de les aider !

Situant l'intrigue dans sa Normandie natale, l'auteur de « Code 612. Qui a tué le Petit Prince? », « Rien ne t'efface », « J'ai dû rêver trop fort » et l'incontournable « Nymphéas noirs » invite donc à suivre la quête vengeresse d'Ophélie sur une période de plus de quinze ans. Au fil des chapitres, l'enfant placée en foyer évolue, devient collégienne, puis lycéenne, très calculatrice et de plus en plus rebelle, mais avec une constante : un besoin de vengeance obsessionnel nourri par une haine qui ne s'atténue pas au fil des ans. La vengeance est un plat qui se mange froid…

Afin de compenser la noirceur des sentiments de son héroïne, l'auteur parsème son parcours de belles personnes auxquelles le lecteur n'a aucun mal à s'attacher. de son amie d'enfance Nina à cette éducatrice prénommée Béné, qui ne la lâchera jamais, Ophélie parvient progressivement à se créer une petite famille bien sympathique, mais sans pour autant perdre son unique objectif de vue : se venger de Richard Vidame, même si ce dernier semble être devenu intouchable au fil des années !

Aux manettes de cette quête de justice obsessionnelle, Michel Bussi maîtrise à merveille toutes les ficelles du métier pour tenir ses lecteurs en haleine, de la première page jusqu'au twist final. Multipliant les chapitres courts où les protagonistes invitent à découvrir les faits sous un nouvel angle ou viennent ajouter une petite pièce au puzzle final, l'auteur enchaîne les retournements de situations avec un sens du rythme tellement maîtrisé que le lecteur ne pense même plus à s'attarder sur d'éventuelles invraisemblances, seul une chose compte : tourner les pages au plus vite afin de découvrir le fin mot de l'histoire !

La vengeance est un plat qui se mange certes froid, mais le roman se dévore tellement vite qu'il n'aura finalement pas trop le temps de refroidir !
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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Michel Bussi déménage ses lecteurs à Rouen en 1983, 1989, 1995, 1999, époque du minitel, du franc, du plan Juppé, et des célèbres Armadas, en quatre épisodes Poucette, Vilain petit canard, La petite fille aux allumettes, le briquet, empruntant les titres de contes d'Andersen.

Ophélie Crochet et Antoine Vidame apprécient ces contes publiés par la Bibliothèque Rouge et Or et illustrés par André Jourcin, mais ce qui les rapproche et les confronte c'est la mort de Maja, la maman d'Ophélie, qui a commis une erreur fatale en épousant Josselin, alcoolique et drogué, plaçant ainsi la famille sous la tutelle des services sociaux dirigés par Richard Vidame, père d'Antoine.

Ce mariage funeste rappelle le scénario de « La petite soeur », roman publié en 1893 par Hector Malot, normand comme Michel Bussi, et né à La Bouille à l'aval de Rouen. Un siècle d'écart ne change rien à la voracité des prédateurs ciblant les jolies adolescentes ou les riches héritières et Poucette succède à Geneviève de Mussidan.

Si l'intrigue policière souffre de quelques hasards trop providentiels pour être vraisemblables, la trame romanesque dévoile la géographie sociale d'une agglomération divisée entre sa « ville haute », Bois Guillaume avec ses villas cossus et le Fortin, et sa « ville basse », Saint Étienne du Rouvray, ses HLM et la barre Sorano, et rend hommage au dévouement des travailleurs sociaux incarnés par une inoubliable Bénédicte.

Le secours populaire français bénéficie de 10% des droits d'auteur de Michel Bussi qui concrétise ainsi son engagement contre la pauvreté, l'exclusion et les violences subies par les femmes et les enfants. Une raison de plus de lire « mon coeur a déménagé ».

PS : ma critique de Mourir sur Seine, autre roman de Michel Bussi sur Rouen et l'Armada
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Lorsque j'ai vu que Lizzie proposait en version audio sur Netgalley le dernier roman de Michel Bussi, je me suis dit qu'il serait intéressant de découvrir l'une des oeuvres de l'auteur sous ce format. Je suis très heureuse d'avoir tenté l'expérience car il n'a fallu que quelques minutes pour que je me retrouve plongé dans le récit.

On y rencontre le personnage d'Ophélie, une petite fille qui, du haut de ses sept ans va vivre un drame familial qui va la marquer à jamais. de celui-ci va naître un désir de vengeance qui ne la quittera plus et qui guidera ses choix, car au bout de celui-ci se trouve sûrement une vérité tant recherchée.

En débutant cette écoute en compagnie des voix de Laure Filiu Jean-Marc Coudert, je ne pensais pas être rapidement prise dans cette histoire aux multiples rebondissements. J'ai trouvé les intonations prises par nos deux lecteurs d'une grande justesse et, cela a pour effet que l'on éprouve beaucoup d'empathie pour nos personnages auxquels on ne peut que s'attacher.

J'ai trouvé très intéressant la manière dont Michel Bussi a abordé les thèmes très forts des violences familiales et du féminicide sous l'angle du prisme des travailleurs sociaux dont on ne connaît pas forcément le travail et qui pourtant ne peut être que félicité (avec une mention spéciale pour Béné).

Je tiens à remercier les Éditions Lizzie et Netgalley France pour m'avoir permis de découvrir le dernier roman de Michel Bussi que j'ai vraiment adoré et dont je décerne une mention spéciale pour sa couverture qui finalement évoque tant de chose en seulement une seule image.
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Je remercie #NetGalleyFrance et LIZZIE pour m'avoir permis d'écouter #Moncoeuradéménagé de par Michel Bussi, lu par Laure Filiu et Jean-Marc Coudert.

Ophélie, surnommée Folette, n'est qu'une enfant lorsqu'elle est placée en foyer. Personne ne peut la prendre en charge : son père aurait tué sa mère... Quelques années plus tard, la lycéenne refuse de voir son père. Aidée par Lazare, un ancien voisin, ancien policier, elle continue de mener l'enquête sur d'éventuels témoins de la mort de sa mère. Son autre point de mire, c'est Richard Vidame : l'administrateur social qui aurait pu éviter le drame, mais qui a préféré ignorer l'urgence... Et, en fil rouge, la seule chose que Folette possède : un livre rouge et or des Contes d'Andersen...

Le style de Michel Bussi est clair, imagé, accessible, comme à son habitude. La narration choisie est particulière : la petite Folette s'adresse toujours à une personne, de son présent ou de son passé : elle utilise donc le "tu", qui nous implique encore plus dans l'histoire. J'ai tout de même ressenti quelques longueurs sur des scènes moins tendues, qui les rendent un peu lointaines et m'ont fait décrocher quelques minutes de la version audio. Ce titre ne restera donc pas mon livre préféré de Michel Bussi et je continuerai de recommander Nymphéas noirs en priorité.

Avec cette nouvelle enquête menée par une enfant devenant adolescente puis adulte, Michel Bussi mêle plusieurs thèmes plus ou moins forts : féminicide, génération 90', aide sociale (foyer, administratif, animation sociale), quête de soi par l'enquête policière, amitié, maturité trop rapide, immaturité latente et surtout évidemment, la vengeance d'une enfant meurtrie par la mort de sa mère, l'abandon de sa grand-mère, l'emprisonnement de son père.
A travers Ophélie, Michel Bussi nous fait traverser les années 1990 : son arrivée en foyer à la fin des années 1980, puis la révolte étudiante de 1995 (lorsque Folette a tout juste 19 ans), et enfin, la fin des années 1990 marque l'entrée dans l'âge adulte et le retour à la vie "réelle"... L'introduction des téléphones portables, du Minitel puis d'Internet : les grands changements qui sont à présent notre lot quotidien redeviennent des progrès technologiques durant quelques pages.

La lecture de Laure Filiu est absolument parfaite ! Son interprétation est magistrale. Elle change de voix pour chaque personnage et surtout, elle fait évoluer sa voix en fonction de l'âge des personnages (bluffant !). L'intervention de la voix masculine de Jean-Marc Coudert est bienvenue en fin de roman : elle permet de bien séparer les actions et les révélations parallèles. Et cela met encore plus en valeur tous les talents de lectrice comédienne de Laure Filiu !

#Moncoeuradéménagé #NetGalleyFrance
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Dès le départ, un terrible drame. Drame qui fera d'Ophélie dite Folette, petite fille de sept ans, une orpheline. de mère parce que celle-ci mourra et de père parce que celui-ci ira en prison. Terrible contexte familial, la famille a toujours eu des difficultés avec les fins de mois. le père promenant de nombreuses addictions, voulant toujours plus de sous pour les assouvir, aimant mal sa famille, incontrôlable et menaçant. Tellement que la famille a besoin de l'aide d'un assistant social, Richard Vidame, pour les soutenir dans leur autonomie financière.
Pour les autorités, Maya, la maman, sera tombée de la passerelle sur la rocade. Accident ou suicide ? Rien n'est certain. Juste qu'elle n'était pas seule sur cette passerelle, son mari y était aussi mais dans un état tel, qu'il ne se souvient de rien.
La petite Ophélie sera placée en foyer mais jamais elle n'oubliera cette nuit et poursuivra les recherches sur le sort de sa mère avec des voisins du quartier, des amis, bref avec les moyens à sa disposition. Une enquête menée au départ par une adolescente, puis par une jeune femme. Car Michel Bussi avec Mon coeur a déménagé nous entraine dans une quête/enquête sur plus d'une décennie parce que ce qui maintient en vie Ophélie est la seule idée de se venger et la haine. Mais surtout de se venger de celui qu'elle croit responsable de la mort de sa mère, cet assistant social, Vidame, qui aurait pu mieux les aider ce soir là et qui n'a rien fait selon elle.
Le récit d'une obsession, du coeur brisé d'une petite fille, de blessures intimes mais aussi le récit des déviances du système social, de ses lacunes et de ses limites. Il y a également quelque chose de lumineux dans ce roman: l'amitié. Fidèle, solide, parfois avec une loyauté élastique mais toujours présente et bienveillante.
Mon coeur a déménagé est un vrai thriller, un suspense qui m'a menée de fausses pistes en fausses pistes et qui a su rester dans le crédible, dans le possible.
Michel Bussi a le don d'être accessible, clair dans son propos avec des chapitres courts qui maintiennent bien le rythme.
Alors donc gros gros merci à #NetGalleyFrance pour ce livre audio #Moncoeuradéménagé magnifiquement rendu par Laure Filiu et Jean-Marc Coudert.

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critiques presse (6)
LePoint
08 avril 2024
Le romancier consacre son nouveau livre aux enfants places. Et a un phénomène qui le préoccupe particulièrement : la ségrégation sociale.
Lire la critique sur le site : LePoint
LePoint
22 février 2024
Plaçant son intrigue dans la ville qu'il connaît comme sa poche, Rouen, Michel Bussi révèle lentement les secrets du drame, sur fond de fracture sociale et de blessures intimes. Malgré sa tendresse, Mon cœur a déménagé nous laisse un bleu à l'âme.
Lire la critique sur le site : LePoint
LeFigaro
13 février 2024
Une jeune femme enquête sur la mort de sa mère, qui aurait été tuée par son père. Un thriller psychologique et social.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Liberation
12 janvier 2024
Un tourbillon de suspense, une quête obsessionnelle, qui laisseront, à la fin du roman, le lecteur et Folette le cœur chaviré, à l’issue d’un ultime rebondissement.
Lire la critique sur le site : Liberation
LaTribuneDeGeneve
12 janvier 2024
Le roman dresse [...] le portrait d’une héroïne au cœur noirci par la haine. Si l’obsession du personnage peut parfois agacer, l’auteur a l’intelligence de faire preuve de transparence quant au caractère destructeur de cette quête.
Lire la critique sur le site : LaTribuneDeGeneve
Actualitte
11 janvier 2024
Michel Bussi puise dans les environs de la ville où il fut professeur d'université pour fournir le décor de [...] "Mon cœur a déménagé". Titre étrange, qui déconcertera d’un bout à l’autre de la lecture — mais ce spécialiste du cliffangher ne laisse pas grand-chose au hasard. Et ménage ses effets...
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (57) Voir plus Ajouter une citation
Tu n’es jamais revenue me voir, mamie. Tu ne m’as jamais écrit. Juste téléphoné, une ou deux fois, la première année.
Maintenant que tu t’étais assez excusée, je voyais bien que tu étais pressée de t’en aller. Dans le parc, les garçons jouaient au foot. Ils ne faisaient que ça du matin jusqu’au soir. Je me disais, en les regardant, que les garçons de la Prairie deviendraient tous champions du monde : il n’y a que dans les foyers qu’on trouve assez de joueurs pour faire des matchs toute la journée.
Avant que tu te lèves, j’ai osé te demander :
— Et Bolduc, qu’est-ce qu’il est devenu ?
— Qui ça ?
— Bolduc, mon chaton ?
Cette fois, j’ai bien vu que tu ne mentais pas.
— Ah ? Je ne sais pas… aucune idée.
— C’est pas grave, mamie.
Moi je mentais ! Et tu l’avais bien compris. Tu m’as regardée droit dans les yeux, en écartant une mèche brune. Et sans prévenir, tu m’as posé la seule question qui pouvait m’étonner :
— Tu as toujours ton livre des contes d’Andersen ?
Tu connaissais ce livre, mamie Mette ?
J’ai hoché la tête, c’était plus simple que de dire oui. Tu as souri.
— Prends-en bien soin. Je te l’avais offert pour que ta maman te le lise. Garde-le toujours, c’est important.
J’ai juste bougé la tête, comme un chat qui réclame des caresses supplémentaires. Moi je voulais juste des mots supplémentaires. Tu as compris ça aussi.
— Andersen, celui qui a écrit ces contes, était danois. Comme nous. Je viens de là-bas, de ce pays froid. C’est pour cela que j’ai appelé ta maman Maja. Et qu’elle t’a appelée Ophélie. Si tu les lis jusqu’à les connaître par cœur, ces contes te serviront toute ta vie.
Tu as semblé réfléchir, tu as eu l’air d’hésiter entre toutes les histoires avant de choisir, puis tu m’as demandé :
— Maman t’a lu Le Vilain Petit Canard ?
J’ai à nouveau hoché la tête. Je ne t’ai pas vue souvent, mamie, seulement quatre fois dans ma vie, mais si je dois choisir un souvenir avec toi, je choisis celui-là. Ce moment où tu m’as dit ça :
— Tu dois te sentir comme le vilain petit canard, n’est-ce pas ? Pas à ta place. (Tu as encore relevé ma mèche brune.) Mais, même si tu as du mal à le croire aujourd’hui, écoute-moi bien, tu deviendras le plus beau des cygnes, comme ta maman, à en rendre jalouses toutes les poules et toutes les dindes du monde, et les plus beaux paons se battront pour venir faire la roue devant toi.
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D'ordinaire, dès qu'ils ont dix-huit ans, la plupart des enfants perdus se retrouvent à la rue. L’ASE ne s'occupe des enfants placés que jusqu'à leur majorité. Allez zou, dès le lendemain de leur anniversaire, au revoir. C'est la loi, l'argent public doit être consacré aux mineurs en danger, et comme de l'argent public, il n'y en a déjà pas assez dans les foyers, on ne va pas le dépenser pour aider des adultes qui n'ont qu’à se débrouiller.

Est-on adulte à dix-huit ans ? N'est-ce pas au contraire l'âge de toutes les fragilités ? J’ai vu partir Manon, Caro, Doumia de la Prairie... personne ne sait ce qu'elles sont devenues. Elles sont juste parties, un matin, avec leur valise, en nous claquant une dernière bise.
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La grève à l'université (…) c'est juste une façon de prolonger les vacances, de s'amuser, de se laisser entraîner dans une aventure qui fait partie du folklore étudiant. Et de faire des rencontres. Des jolies rencontres. La fac de sciences compte 90 % de garçons, la fac de lettres 90 % de filles, comment apprendrait-on à se connaître sans cette agitation ?
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(Les premières pages du livre)
« 29 avril 1983
POUCETTE
Maman
« Mon mari va me tuer ! Vous entendez ce que je vous dis, monsieur Vidame ? Mon mari va me tuer ! »
Tu l’as répété au moins trois fois, maman.
Mon mari va me tuer !
Mon mari va me tuer !
Mon mari va me tuer !
Vidame ne t’a pas répondu. Il s’est contenté de regarder sa montre, une grosse montre dorée, pour bien faire comprendre qu’il était pressé. Il a soupiré aussi, il a levé les yeux au ciel, enfin au plafond de notre appartement, aux toiles d’araignée et aux morceaux de peinture qui se détachaient en flocons, comme un sachet de chips crevé.
C’était il y a plus de dix ans. Je n’aimais pas Vidame. Toi non plus maman, je le sais, tu ne l’aimais pas ! Mais tu étais bien obligée de faire semblant.
Ce soir-là, Vidame a encore regardé sa montre. Est-ce qu’il vérifiait si elle était toujours accrochée à son poignet ? Si l’homme invisible ne s’était pas introduit dans notre salon pour lui voler ? Il a mis dix secondes pour répondre.
— Je suis désolé, Maja, je suis travailleur social, pas policier. Le seul conseil que je peux vous donner, c’est d’aller porter plainte. C’est l’unique façon de vous protéger.
Maja…
Ça me faisait toujours drôle, maman, quand Vidame t’appelait par ton prénom.
Maja.
Comme s’il était un ami, ou qu’il appartenait à notre famille. Toi tu l’appelais toujours monsieur Vidame. Je ne savais même pas, à ce moment-là, quel était son prénom.
Tu tremblais, maman. Tu éparpillais des feuilles devant toi, je les reconnaissais, c’étaient celles qui te faisaient pleurer chaque fois que tu les trouvais dans la boîte aux lettres. Et chaque fois que tu déchirais une nouvelle enveloppe, tu murmurais Je ne m’en sors pas. Mon Dieu, je ne m’en sors pas.
J’ai vu tes mains s’approcher de celles de Vidame. J’ai deviné ce que tu avais envie de faire : l’attraper par les poignets, comme quand tu étais énervée contre moi. Le forcer à te regarder dans les yeux ! Mais tu t’es contentée de les poser sur la table et de le supplier.
— Je veux seulement de l’argent, monsieur Vidame. Juste un peu d’argent. Mon mari va rentrer. Il va m’en réclamer. S’il ne trouve rien pour s’acheter à boire, il va me tuer.
Tes mains tremblaient toujours, maman, mais tu parvenais à les dompter, à les laisser collées, bien à plat, doigts écartés. Vidame a regardé une dernière fois sa montre. J’ai détesté la façon dont il t’a parlé quand il s’est levé.
— On en a déjà discuté cent fois, Maja. Vous êtes sous tutelle. Je suis là pour vous aider à gérer votre budget. Pour que votre mari ne dépense pas tout votre argent dans l’alcool. Pour que vous puissiez subvenir aux besoins de…
J’ai détesté la façon dont Vidame a posé ses yeux sur le papier peint qui se décolle, sur le carrelage fêlé de l’entrée, sur chaque tache noire de moisissure, sur le reste de pâtes collées au fond de la casserole, sur moi.
— … aux besoins de votre fille.
Je terminais mon assiette. Je n’avais qu’une envie, je te le jure, maman, je n’avais qu’une envie du haut de mes sept ans. Planter ma fourchette dans sa main ! Tu as remarqué ma colère. Tu devinais toujours tout, maman. Tu t’es levée et tu t’es approchée de moi. Tu as pris mes poignets, tu les as serrés fort, jusqu’à me faire mal, et tu m’as demandé d’aller me coucher.

J’y suis allée sans discuter. Tu me l’avais dit tant de fois, quand monsieur Vidame ou madame Goubert étaient là, j’ai déjà assez d’ennuis comme ça, Folette, je t’en supplie n’en rajoute pas. Quand j’ai poussé la porte de ma chambre, je t’ai entendue répéter :
— Mais vous ne comprenez pas ? Si mon mari n’a rien à boire, il va devenir fou !
Cette fois, je n’ai pas vu Vidame soupirer, ni lever les yeux au plafond, ni regarder sa montre. De ma chambre, j’apercevais juste son dos et son long manteau qu’il n’avait même pas pris le temps de retirer.
— Je vais être clair, Maja. Je ne vous donnerai pas d’argent. Je le fais pour votre bien. Et pour le sien. C’est mon travail. Vous protéger.
— Restez alors. Il va bientôt rentrer.
— Je ne peux pas.
Je haïssais déjà Vidame à ce moment-là. Tu continuais de le supplier et il restait là, sans bouger, comme s’il avait des remords, comme s’il SAVAIT ce qui allait se passer, cette nuit-là, qu’il avait tout deviné et qu’il hésitait. Pas longtemps, juste un instant, juste le temps que tu lui proposes un café.
Il SAVAIT.
Et pourtant il n’a rien fait.

Je suis montée par la petite échelle de bois dans mon lit en hauteur et je me suis allongée juste au-dessous du plafond. Bolduc s’est réveillé, il s’est à peine poussé, comme si c’était sa place, pas la mienne, puis quand il a vu que je me glissais sous mes draps, il a grimpé sur moi en ronronnant plus fort encore que le chauffe-eau. De mon lit, aussi haut perchée qu’une ampoule accrochée au plafond, je voyais tout !
Par la porte entrouverte, je t’ai vue servir une tasse de café à Vidame. Il n’a pas osé refuser, il n’a pas osé traîner non plus, alors il l’a bu debout. Il devait se brûler les mains, vu que toutes les anses des tasses que mamie Mette nous avait offertes à Noël étaient déjà cassées.
Vidame a trempé ses lèvres et a grimacé.
Bien fait !
Il avait dû se brûler tout le reste aussi. Tu faisais toujours trop bouillir le café, du moins c’est ce que papa disait à chaque fois. Je me suis tortillée dans mon lit, pousse-toi, Bolduc, pousse-toi…
De mon observatoire, je dominais aussi tout le quartier. Notre appartement se trouvait au dixième étage de l’immeuble Sorano : le plus haut ! Par la fenêtre, je pouvais espionner jusqu’à la rue Raimu, l’allée Jouvet et la passerelle au-dessus de la voie rapide. Ce soir-là, j’ai aperçu un homme qui promenait son chien, peut-être monsieur Lazare, j’ai vu aussi une dame qui rentrait dans l’une des cages d’escalier, un couple d’amoureux qui s’embrassait, des dizaines de voitures qui roulaient sous la passerelle et des gars au-dessus qui n’avaient rien d’autre à faire que de les regarder. J’ai vu une mobylette s’arrêter devant l’épicerie de monsieur Pham, alors qu’il commençait à ranger ses fruits.
Je note ces détails pour m’en souvenir, maman, des années après. Je me rends compte que mon cerveau a tout enregistré, ce soir-là. Peut-être que moi aussi, j’avais deviné ce qui allait se passer… Ou peut-être que c’est l’inverse. Si je me souviens de tous les détails, si tout s’est gravé dans ma mémoire, c’est à cause de tout ce qui est arrivé ensuite. Pour ne jamais oublier ! Pour chercher une explication, un indice, un témoin, comme ce type qui fume sa cigarette devant le terrain de basket, ou cet autre qui reste dans sa voiture sous un réverbère. Me souvenir de tout, maman, chaque silhouette, chaque ombre, chaque feuille d’arbre, chaque feuille posée sur la table devant toi.
Cette fois, Vidame a vidé sa tasse. Tu l’as supplié une dernière fois.
— Restez pour lui parler. S’il vous plaît. Restez pour lui expliquer. Moi, il ne me croit pas.
Vidame a posé sa tasse sur la table. Bolduc s’est glissé sous les draps pour me lécher les doigts. Je l’ai laissé faire même si je n’aimais pas ça.
— Je ne peux pas, Maja. Il est tard, je vous l’ai dit. Je ne suis pas médiateur, je suis simplement mandaté pour gérer votre budget.
Je le détestais ! Plus que jamais ! Qu’est-ce qu’il avait de si important à faire ? Aller chercher le pain avant que la boulangerie ferme ? Rapporter des fleurs à sa femme ? Ou il avait tout simplement peur de croiser papa ? Il préférait te faire la morale et te laisser te débrouiller seule avec lui. C’était ça son métier ? T’attacher à un poteau et se tirer ?
— Richard, il va me tuer.
Vidame s’appelait donc Richard… C’était la première fois que j’entendais son prénom, la première fois que tu l’appelais ainsi, du moins je crois.
Ça n’a provoqué chez lui aucune réaction. Il a fait comme s’il n’avait pas entendu et a reculé de trois pas pour sortir. Trois pas, ça suffisait presque pour passer du canapé à la porte d’entrée.
Il a posé sa main sur la poignée.
— S’il vous plaît, Richard, aidez-moi.
— C’est ce que je fais, Maja. Je vous jure que c’est ce que je fais. Je vous aide, vous et beaucoup d’autres, à longueur de journée. Mais je ne peux pas vous sauver. Ni votre fille. Vous seule le pouvez !
— Il va me t…
Richard Vidame était déjà sorti. La porte s’était refermée.
J’ai serré Bolduc plus fort contre moi. Sa langue râpeuse s’est attaquée à mon cou. J’ai guetté par la fenêtre, j’ai attendu un bon moment. Faut dire, l’ascenseur est tout le temps en panne chez nous ! J’ai enfin vu Vidame sortir, marcher un peu sur le trottoir, traverser le parking, et rejoindre une voiture noire. Sa voiture ! Je la connaissais, c’était la plus grosse du quartier. Quand il a ouvert la portière, j’ai vu que quelqu’un l’attendait à l’intérieur. Une femme. Une femme que bizarrement, j’avais l’impression de connaître, mais je ne voyais pas bien son visage. J’ai rangé tout cela dans un coin de ma tête, la grosse voiture, la femme cachée dans l’ombre, la façon dont Vidame l’a embrassée, dont il a mis sa main sur sa cuisse. Alors c’est pour ça qu’il ne pouvait pas rester ? Parce qu’il avait une autre femme à retrouver ?
Je te jure, maman, j’ai tout enregistré ce soir-là, avec plus de précision qu’une caméra.
La voiture noire a démarré et disparu. Je n’ai appris sa marque que bien plus tard. Une Volvo 244, Black Star.
Toi maman, tu étais restée penchée sur la table. Tu pleurais sur tes papiers. Papa, maintenant, allait bientôt rentrer.
Bolduc s’était presque endormi sur moi. Je le caressais doucement, pour ne pas le réveiller. Il avait six mois, il avait besoin de câlins. Moi aussi j’en avais besoin, alors je t’ai appelée d’une petite voix.
— Tu viens me lire une histoire, maman ?
Même des années après, jamais je n’oublierai ton sourire, quand tu as levé les yeux vers moi, comme un grand soleil après la pluie.

2
Maman
Je me suis réveillée en sursaut.
Tu criais !
Mon livre Rouge et Or était toujours posé à côté de moi, exactement comme t
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On peut toujours regarder en arrière, mais on ne peut pas changer le sens du courant d'une rivière. On peut seulement la remonter. On peut coucher le passé sur du papier, mais on ne peut pas le changer.
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Vidéo de Michel Bussi
L'auteur normand à succès Michel Bussi présente son nouveau livre "Mon cœur a déménagé" sur BFM Normandie. Après plus 12 millions de livres vendus en France, l'auteur revient avec une 17ᵉ histoire située dans la ville de Rouen : Ophélie a grandi dans un environnement difficile et a dû se remettre du meurtre de sa mère à l'âge de sept ans. Aujourd'hui étudiante, elle décide de prendre sa revanche sur la vie. "L'écrivain décrit son livre comme un récit "de vengeance", un "roman sur l'enfance".
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