En mai 2013,
Xavier Coste publie
Rimbaud l'indésirable, chez Casterman, une bande de 128 pages de grand format (24,5 cm sur 32 cm).
Avec rigueur,
Xavier Coste semble suivre imperturbablement la chronologie des faits, du moins ceux qui illustrent son projet subjectif de mettre en relief le comportement du voyou, du rebelle et de l'insupportable
Rimbaud, ce qui suppose pas mal d'ellipses.
Cette bande dessinée de style réaliste commence par l'amputation du poète le 27 mai 1891, avant de plonger dans un flash-back violent, 21 ans plus tôt à Paris, en 1870, au moment où un contrôleur de train impitoyable emmène le jeune
Rimbaud sans billet à la prison de Mazas. (On a évacué toute l'enfance). Son professeur Izambard intervient et le libère avec pour récompense les violents reproches de la « mère rimbe ». C'est la guerre et Arthur et son ami Ernest assistent aux destructions. Arthur retourne à Paris et force la porte du dessinateur
André Gill. Au retour, il confie ses impressions à sa jeune soeur Isabelle (ce qui ne paraît guère vraisemblable) avant de recevoir une invitation de
Verlaine. le récit synthétise des faits en respectant une chronologie rigoureuse.
Rimbaud débarque Rue Nicolet où il choque par son sans-gêne.
Verlaine le présente à ses amis poètes. Mais il se torche avec les revues poétiques de
Charles Cros, se montre nu à la fenêtre chez Banville. (Mallarmé s'est fait un plaisir de détailler la scène et la stupéfaction de Banville « à l'heure où la cour interne unit, par l'arôme, les dîners, d'entendre les cris poussés à chaque étage, et, aussitôt, de considérer, nu, dans le cadre de la mansarde là-haut, quelqu'un agitant éperdument et lançant par-dessus les tuiles du toit (…) des lambeaux de vêtements… »). Seul Forain le supporte.
Rimbaud fait scandale au théâtre, au dîner des Vilains Bonhommes où il menace Carjat avec une épée. Arthur et Paul sont partis en Belgique mais Paul appelle sa femme au secours. Alors que le train ramène le couple en France, Arthur enlève Paul et lui fait prendre le train du retour en Belgique. Les deux poètes quittent Bruxelles pour Londres mais Arthur humilie Paul qui repart pour Bruxelles. Rejoint par Arthur, il tire sur lui et il est emprisonné. Rentré à Roche,
Rimbaud écrit
Une saison en enfer, publiée à Bruxelles.
Verlaine retrouvera
Rimbaud à Stuttgart en 1875, avant d'assister, le crâne rasé, à l'enterrement à Charleville de sa soeur Vitalie.
La suite de la période 1875-1878, après l'enterrement de Vitalie, n'est pas du tout évoquée.
Rimbaud a quitté l'Europe et se retrouve en 1878 à Alexandrie, puis Chypre qu'il quitte après avoir blessé (mortellement) un ouvrier. En 1880, c'est Aden et le triage du café, puis Harar. Associé avec Labatut qui, atteint d'un cancer, v
a mourir en France, pour une caravane d'armes destinée à Ménélik,
Rimbaud s'épuise et perd plus d'argent qu'il n'en gagne. Malade, il rentre en France où il est amputé avant de mourir à Marseille en novembre 1891.
On le voit, le récit est bien conforme aux données biographiques connues, données dans un ordre qui ne souffre pas de fantaisie. le portrait de
Rimbaud est loin d'être flatteur, comme si tous les efforts de
Xavier Coste qui n'a guère de sympathie pour
un poète jugé arriviste et grossier, avaient pour but de le rendre à toutes les époques seulement « infréquentable ». Cet album, très appréciable du point de vue esthétique, utilise à merveille la couleur en aplat qui crée une harmonie et le trait est toujours clair et lisible. Mine de rien, cette bande dessinée bat en brèche l'idée trop martelée depuis des décennies d'un
Rimbaud unique (sinon dans ses aspects « indésirables »).