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Philippe Pilliod (Autre)
EAN : 9782070374182
252 pages
Gallimard (21/09/1982)
3.8/5   123 notes
Résumé :
Né en 1911, mort en 1991, écrivain suisse d'expression allemande, Max Frisch a traversé le siècle en commençant par exercer le métier d'architecte avant de devenir écrivain. Walter Faber, le héros d'Homo Faber, est-il le portrait jumeau de son auteur ? Ingénieur au service de l'Unesco, Faber entreprend de raconter sa vie dans une langue sèche, précise, rigoureuse et parfaitement désincarnée. Mais comment parler de sa vie ainsi ?
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Semi-réflexion sur le hasard et la fatalité, Homo Faber est le récit presque fantastique d'une rencontre qui n'avait qu'une chance sur des milliards de se produire, qui aurait mieux fait de ne pas se produire, mais qui s'est produite quand même, impliquant des personnages qui n'avaient absolument pas conscience du caractère maudit de ce coup de dés.


Max Frisch, avec son détachement habituel qui peut être signe de dérision comme il peut être l'annonce d'une lassitude dépressive, nous raconte le tout comme s'il s'agissait de rien : un accident d'avion, une longue attente dans la solitude sauvage de l'Amérique du sud, un voyage en paquebot, un amour incestueux, une mort envenimée, les retrouvailles d'un amour ancien… Comique sans le vouloir, tragique malgré lui, cet homonyme de Max Frisch qui, dans le livre, se nomme Faber, décrit tout ce qui lui arrive du point de vue de la technique –ne croyant en rien qui puisse le déterminer avant l'heure, il croit toutefois fermement à son identité de technicien :


« Je ne crois pas à la fatalité ni au destin, en tant que technicien j'ai l'habitude de m'en tenir au calcul des probabilités. Pourquoi fatalité ? […] Je ne vois point la nécessité d'une mystique pour admettre l'improbable en tant que phénomène ; les mathématiques me suffisent. »


Et de se justifier, tout au long du roman, du hasard qui a conduit Faber à réaliser ce qui pourrait passer pour une effroyable fatalité. Même s'il ne s'agit que de décrire certaines coïncidences, le ton de Faber est parfois tel que lui-même semble frappé par l'extraordinaire des circonstances. En choisissant un horaire de décollage différent, il n'aurait pas vécu cet accident d'avion, il n'aurait pas connu son voisin de siège, il n'aurait pas eu envie de bifurquer un temps aux Etats-Unis pour retrouver une maîtresse ennuyeuse, il ne l'aurait pas fuie en prenant le paquebot… Sur le paquebot, il aurait très bien pu passer à côté de Sabeth sans lui parler ; après lui avoir parlé, ils auraient très bien pu ne plus se revoir ; si elle n'avait pas été aussi tenace, ils n'auraient pas fait de voyage ensemble, ils auraient pu visiter des contrées différentes, ils auraient pu ne jamais croiser la route du serpent ; enfin, Faber aurait pu ne jamais apprendre la vérité de la relation qu'il noua avec Sabeth.


Faber semble vouloir avant tout convaincre son lecteur de l'inexistence du destin ; quant à lui, on l'image commencer à en douter lorsque les allusions aux mythes anciens se font de plus en plus fréquentes. On retrouve de l'Oedipe inversé, la vengeance des Erinyes et le serpent, révélateur de la vérité qui provoque le mal –piégés dans une boucle à la façon de l'éternel retour appliqué à l'échelle humaine. La démonstration aurait pu être tonitruante, implacable : même cette ressemblance de la fatalité avec d'autres mythes tragiques n'est qu'un hasard –Faber n'en démord pas : tout est hasard, la mort aussi, et elle ne vaut pas la peine qu'on s'y attarde. Mais cette démonstration échoue justement de nous avoir convertis à la thèse : puisque tout est hasard, cette histoire malheureuse ne mérite pas plus d'extase qu'une autre. le ton du technicien nous en détache, parvenant seulement à nous provoquer lorsque la discordance entre l'environnement et l'état intérieur de Faber transforment ce personnage en Houellebecq-avant-l'heure :


« Ma hantise : cancer de l'estomac.
Sinon, heureux. »


Max Frisch avait destiné son Homo Faber à être le roman qui abolit la fatalité prédéterminée d'une existence –son Homo Faber échappera lui aussi à cette destinée et s'il réussit à nous captiver, c'est davantage par le ton cynique de celui qui en raconte l'histoire que pour l'implacabilité de sa démonstration du hasard.
Lien : http://colimasson.over-blog...
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"Homo Faber", de l'écrivain Suisse Max FRISCH (1957 et 1961, chez Gallimard, pour la traduction française) est un curieux livre. A découvrir tant il détonne. En effet, Max FRISCH nous entraîne dans une curieuse réflexion sur l'Homme, l'Homo Faber, qui par définition est un homme capable de construire des outils et, ici dans ce roman, est un homme, ingénieur qui ne croit qu'à la réalité technique, à l'analyse de ce qui est fabriqué, quantifiable, reproductible et basé sur des certitudes scientifiques qui s'expliquent et ne peuvent se contredire, même dans le monde du statistiquement prévisible. A l'opposé, trois personnages féminins, vivant la vie, croyant à l'influence des mythes et au bien-fondé des réactions dites naturelles, non calculées et d'une telle évidence qu'il n'est même plus utile de les commenter ou les prouver. Trois femmes différentes, trois femmes avec lesquelles Walter Faber entretiendra des relations centrées sur lui-même, même dans ses amours. Je ne dévoile rien, ici, de qui sont ces femmes, ne voulant, en aucun cas tuer l'intrigue et le déroulement du récit. Sachez seulement que, pas plus que ses amis qui, pour lui, sont aussi d'une autre planète, l'Homo Faber ne comprendra ces femmes avec lesquelles pourtant il tissera des liens incongrus mais bien réels. Cependant, enfermé en lui-même, il ne comprendra jamais ce qui fonde la vie des femmes et les bases sur lesquelles elles s'appuient pour prendre des décisions qu'il dira comprendre sans jamais vraiment se les expliquer. C'est là un des thèmes principaux de ce roman, l'incompatibilité et l'incompréhension dans la relation homme/femme vécue par l'Homo Faber, incompréhension imprégnée de questions le plus souvent sans réponse et d'attitudes de façade en décalage avec le Moi profond qui est le sien.

On retrouvera aussi, dans ce roman, une mise en évidence de la propension humaine à rater sa vie plutôt qu'à la réussir! Tous les choix sont posés sans réel partage d'idées, de sentiments, tous les choix sont arbitraires, impulsifs et ne poussent qu'à regretter la vie alors vécue et non assumée. Bref, une réflexion sur l'impossibilité d'être, de se sentir heureux!

Le roman échappe cependant à la chape de plomb qu'un tel pessimisme vital pourrait engendrer. Pourquoi? Essentiellement, je crois, par son écriture très particulière, très segmentée, très austère qui pousse le lecteur à ne pas s'identifier au héros du roman. Inconsciemment, le héros lui apparaît comme anti-héros, celui qu'il n'est pas et donc le lecteur peut se sentir celui qui, lui, se montre libre de jouir davantage de la vie et de la réaliser en meilleure harmonie homme/femme que ce 'fabricant' de problèmes existentiels quelque peu désabusé. Ressenti profond ou illusion? C'est la question que nous pose Max FRISCH!

Malgré donc la difficulté de rentrer dans ce récit, tant à cause de l'écriture inhabituelle qu'à cause de l'antipathie que suscite le personnage, ce livre se lit avec intérêt, plus que plaisir. Il nous invite à la réflexion et ne laisse, je pense, personne indifférent! A découvrir, donc!
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Ce roman m'a longtemps questionné. Histoire, dans les années 50 , d'un ingénieur qui parcours le monde pour son travail. Il ne perçoit que l'aspect technique des choses. Comme il le dit lui même, à un moment, chaque chose doit pouvoir se démonter et se remonter. Pas de mystère ! C'est ainsi qu'il voit la vie. Tout doit pouvoir s'expliquer. Même dans ses relations avec les femmes, le sentiment est quelque chose qui doit pouvoir se décortiquer et s'expliquer. La vie doit être rationnelle.
Pourtant, au fil du roman, les choses, sa vie, ses relations, vont peu à peu lui échapper. Jusqu'à l'acte final qu'il ne comprendra qu'après l'avoir commis.
L'auteur, dont c'est le premier et le seul livre que j'ai lu jusqu'à présent, se fait un plaisir d'engluer son personnage dans ses certitudes et ses convictions matérialistes pour mieux le dérouter, le perdre et le confronter à l'inconnu, qu'il ne maîtrise pas. C'est un roman des années 50, où la foi dans le matérialisme était sans limite, et qu'il faut replacer dans ce contexte.
Ça me fait penser à des toiles de Fernand Léger !
Je relirai certainement ce livre dans quelque temps.
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Semi-réflexion sur le hasard et la fatalité, Homo Faber est le récit presque fantastique d'une rencontre qui n'avait qu'une chance sur des milliards de se produire, qui aurait mieux fait de ne pas se produire, mais qui s'est produite quand même, impliquant des personnages qui n'avaient absolument pas conscience du caractère maudit de ce coup de dés.
Max Frisch, avec son détachement habituel qui peut être signe de dérision comme il peut être l'annonce d'une lassitude dépressive, nous raconte le tout comme s'il s'agissait de rien : un accident d'avion, une longue attente dans la solitude sauvage de l'Amérique du sud, un voyage en paquebot, un amour incestueux, une mort envenimée, les retrouvailles d'un amour ancien… Comique sans le vouloir, tragique malgré lui, cet homonyme de Max Frisch qui, dans le livre, se nomme Faber, décrit tout ce qui lui arrive du point de vue de la technique –ne croyant en rien qui puisse le déterminer avant l'heure, il croit toutefois fermement à son identité de technicien :

« Je ne crois pas à la fatalité ni au destin, en tant que technicien j'ai l'habitude de m'en tenir au calcul des probabilités. Pourquoi fatalité ? […] Je ne vois point la nécessité d'une mystique pour admettre l'improbable en tant que phénomène ; les mathématiques me suffisent. »
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Sillonnant le globe dans le cadre de ses activités au service de l'Unesco - assistance technique aux pays sous-développés, Walter Faber, ingénieur Suisse, est un homme d'action, pragmatique, raisonnable, un Homo Faber pourrait-on dire. Il ne s'embarrasse pas de sentimentalisme, de superstition et autre sensiblerie. le roman, sous-titré, un rapport, porte l'emprunte de sa personnalité. Les phrases sont nerveuses, le propos concis, précis. Point de fioritures, on est dans le factuel, et s'il faut dépouiller le style jusqu'au télégraphique, on l'emploi de préférence à tout autre. Cette manière un peu impersonnelle de rapporter les faits, les mésaventures qu'il rencontre, les obstacles qu'il franchit, laisse une impression d' extériorité, de détachement, de cynisme parfois, même si quelquefois sourd un léger humour pince-sans-rire. Cette narration est parcourue de réminiscences et de considérations ayant trait aux trois femmes qui ont jalonné sa vie, trois êtres dissemblables envers lequel il s'est comporté de façon tout aussi différente. Hanna, amour de jeunesse, perdue de vue dans le bouleversement général des lois antisémites, portant un enfant de lui et se refusant au mariage, Ivy mannequin New-Yorkaise de 25 ans sa cadette et qu'il ne veut pas épouser, Elsbeth enfin, sa propre fille, qu'il n'a pas su reconnaître, l'enfant d'Hanna qui n'a finalement pas avortée, et auquel il propose de se marier avec lui.
Le texte prend un aspect éclaté, pulvérisé, non linéaire, un peu révélateur du cours des événements qui échappe à la maîtrise de l'ingénieur qui, fort de ses certitudes, de son arrogante confiance en sa rationalité, lui qui ne croit guère au destin, se voit frappé par la justice immanente des coïncidences et par la tragédie qui marque tôt ou tard toute existence humaine.

Un roman illustrant la part d'impondérable qui constitue nos vies et qui échappe à notre maîtrise en s'ingéniant à contrecarrer nos espérances. On est amené à réfléchir sir la complexité de la relation homme femme. Ce roman de 1957 développe des problématiques intemporelles, et donc toujours d'actualité, s'en laisser pour autant une impression profonde.
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Citations et extraits (36) Voir plus Ajouter une citation
[…] voyager, Messieurs, c’est moyenâgeux, nous avons aujourd’hui des moyens de communication, sans parler de demain ou d’après-demain, des moyens de communication qui livrent le monde à domicile, c’est de l’atavisme que d’aller d’un endroit à l’autre. Vous riez, Messieurs, mais c’est ainsi, voyager, c’est de l’atavisme, viendra le jour où il n’y aura plus du tout de trafic, et seuls les couples de jeunes mariés, en fiacre, se déplaceront encore à travers le monde, et personne d’autre –vous riez, Messieurs, mais vous allez voir !
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La probabilité (que sur 6 000 000 000 de coups de dé à six faces, le « 1 » sorte approximativement 1 000 000 000 de fois) et l’improbabilité (qu’exceptionnellement il se trouve six « 1 » sur six coups de dé avec le même dé) ne diffèrent pas en leur essence, mais uniquement sous le rapport quantitatif, et c’est simplement la plus grande quantité qui d’emblée paraît plus vraisemblable. Mais quand, pour une fois, l’improbable surgit, il n’y a là rien de supérieur, point de miracle ou autre chose semblable, comme le prétend le profane. Quand nous parlons de probabilité, l’improbabilité y est toujours comprise, et ce en tant que cas limite du possible, et lorsque surgit l’improbabilité, il n’y a, pour nous autres, pas lieu de s’étonner, d’être bouleversé, de fabuler.
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Je les trouve amusantes, leurs danses d’aujourd’hui, amusantes à voir, cette sauterie existentialiste, où chacun danse tout seul pour soi, faisant ses propres bouffonneries, entortillé dans ses propres jambes, comme secoué par la fièvre, le tout légèrement épileptique, mais amusant, plein de tempérament, je dois l’admettre, mais, moi, je ne puis faire cela.
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Souvent je me suis demandé ce que les gens entendent par évènement impressionnant. Je suis technicien et j’ai l’habitude de voir les choses telles qu’elles sont. Je vois tout ce dont ils parlent, très clairement, après tout je ne suis pas aveugle. Je vois la lune au-dessus du désert de Tamaulipas, plus claire que jamais, cela se peut, mais c’est une masse que l’on peut évaluer, qui tourne autour de notre planète, un phénomène de gravitation, intéressant, mais pourquoi impressionnant ? Je vois les rochers dentelés, noirs devant le clair de lune ; ils ressemblent, cela se peut, aux échines dentelées d’animaux préhistoriques, mais je sais : ce sont des rochers, de la roche, volcanique probablement, il faudrait aller voir et vérifier. Pourquoi aurais-je peur ? Il n’existe plus d’animaux préhistoriques. A quoi bon me les imaginer ? Je ne vois pas non plus d’anges pétrifiés, j’en suis navré ; ni des démons, je vois ce que je vois : les formes habituelles de l’érosion et mon ombre interminable sur le sable, mais pas de fantômes.
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Ce fut encore un pur hasard qui décida de l’avenir, rien de plus, un fil de nylon dans le petit appareil, en tout cas ce fut un hasard, que nous n’eussions pas encore quitté l’appartement lorsque le téléphone sonna ; […] Je veux dire simplement : si je n’avais pas démonté le petit appareil, ce coup de téléphone ne m’aurait plus atteint, c’est-à-dire que je n’aurais pas pris le bateau, tout au moins pas le bateau que prit Sabeth, et nous ne nous serions jamais rencontrés en ce monde, ma fille et moi.
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Video de Max Frisch (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Max Frisch
Une présentation du Journal berlinois (1973-1974) de Max Frisch par sa traductrice, Camille Luscher. Disponible dans toutes les bonnes librairies dès le 6 octobre 2016. http://editionszoe.ch/livre/journal-berlinois-1973-1974
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature des langues germaniques. Allemand>Romans, contes, nouvelles (879)
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