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Éliane Kaufholz-Messmer (Traducteur)Olivier Mannoni (Préfacier, etc.)Michel Tournier (Auteur de la postface, du colophon, etc.)
EAN : 9782246425342
541 pages
Grasset (11/03/2009)
4.07/5   27 notes
Résumé :
Qui donc est cet Américain venant du Mexique, appréhendé à la frontière suisse et soupçonné de voyager sous un nom d'emprunt?

Ne serait-il pas le sculpteur Anatol Stiller, ancien combattant des Brigades internationales, disparu de Zurich depuis six ans? Pourtant le héros de Max Frisch répétera "Je ne suis pas Stiller" aussi longtemps que durera sa détention...

Pourquoi ce refus d'être celui que reconnaissent sa femme, ses amis, la maî... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
«Je ne suis pas Stiller !» C'est la première phrase du roman (et c'était le titre d'une traduction antérieure), et son caractère de dénégation saute aux yeux du lecteur, ne serait-ce que parce que le livre s'intitule Stiller et la première partie, qui couvre 450 pages, «Notes de Stiller en prison». D'autant que, toujours dès la première page, le narrateur fait le voeu de réclamer sans cesse du whisky. «Car sans whisky, j'en sais quelque chose, je ne suis pas moi-même.» Qui est-il ? Il est celui qui ne veut pas être Stiller. Pour trouver une identité, il faut commencer par quitter son identité. Stiller est «un rôle», celui que le narrateur endosse depuis la naissance. Ne pas être Stiller signifie d'abord ne pas être «leur Stiller», ne pas jouer ce «rôle qui arrangerait ces gens-là mais qui n'a rien à voir avec moi». La libération passe par le vide, la page blanche. «Que me veulent-ils ? Je suis un homme malheureux, nul, insignifiant, qui n'a pas de passé, pas le moindre passé. Pourquoi toutes mes fanfaronnades ? Uniquement pour qu'ils me laissent à mon vide, mon insignifiance, ma réalité car il n'y a pas de fuite possible, et ce qu'ils m'offrent c'est la fuite, pas la liberté, la fuite dans un rôle. Pourquoi n'y renoncent-ils pas ?» Stiller est un ancien sculpteur soudainement disparu soupçonné d'être impliqué dans une affaire de meurtre et qui, sous un faux nom, a tenté de passer la frontière suisse avec un passeport américain. La Suisse ne joue pas un beau rôle dans le roman, mais n'importe quel pays, avec sa fierté d'être précisément celui-ci, aurait eu la même efficacité.



Né en 1911 et mort en 1999, Max Frisch fut d'abord architecte, carrière qu'il abandonna pour la littérature avant de la reprendre, ne parvenant pas à faire de la littérature l'affaire de sa vie. Ce n'est que quadragénaire, à sa seconde tentative, qu'il rompt définitivement avec l'architecture comme profession pour devenir écrivain, suivant un itinéraire rappelant celui de Jean Dubuffet se consacrant à la peinture avant, devant son échec, de pratiquer le commerce du vin jusqu'à ce que l'art l'emporte une bonne fois pour toutes. Max Frisch est avec Friedrich Dürrenmatt, né en 1921 et mort en 1990, l'un des deux grands auteurs suisses allemands de la deuxième moitié du XXe siècle. Tous deux furent, entre autres, romanciers et dramaturges. Ils connaissent le succès mondial à peu près en même temps : Stiller date de 1954 et la Visite de la vieille dame de 1956. Max Frisch a dit en 1961 à propos de leur lien (voir la Correspondance entre les deux auteurs traduite chez Zoé en 1999) : «Nous sommes amis. […] Nous le disons en plaisantant, il ne nous reste pas d'autre possibilité que d'être amis. Car, si nous nous attaquions l'un l'autre, ce serait une si grande affaire pour ses proches et les miens, ses adversaires et les miens, qui n'attendent que cela ! Ainsi, nous sommes bel et bien amis, mais par-dessus le marché, nous y sommes condamnés.» C'est contre une condamnation d'un ordre semblable que se rebelle Stiller, il ne cesse de faire appel du jugement qui l'institue Stiller.

«Répétition ! Je sais pourtant : l'essentiel n'est pas d'espérer une vie sans redite, mais de faire de cette inévitable répétition, de son plein gré (malgré la contrainte), sa vie même, en reconnaissant : Voilà qui je suis ! Mais chaque fois (la répétition, c'est aussi cela) il suffit d'un mot, d'une expression qui m'effraie, un paysage qui réveille des choses en moi, et je ne suis plus que fuite, fuite sans espoir, uniquement parce que je crains la répétition.» Stiller veut que son vrai monde soit l'imaginaire, il ne veut rien avoir à faire avec «ce Stiller parti sans laisser d'adresse», suivant les mots indéfiniment répétés en un procédé qui annonce Thomas Bernhard. Une grande partie du livre est consacrée aux récits, qu'il invente à partir de petits riens, de ses prétendues aventures extraordinaires au Mexique et aux Etats-Unis avec assassinats afférents. A l'opposé, il nie reconnaître sa femme et ne se retrouve pas dans les propos de son ami le procureur, dont la femme fut pourtant son amante. Son malheur est de n'être à la hauteur ni du réel ni de la fiction. Et, pourtant, tous les personnages de sa vie viennent l'identifier, reconnaître en lui quelque chose d'eux. Comme l'écrit Olivier Mannoni dans sa préface (l'édition contient aussi une postface de Michel Tournier) : «Tous s'abreuvent en Stiller, tous viennent y chercher la substance de leurs rêves […]. Stiller est un meurtrier entouré de vampires, son imaginaire est le sang dont elles se repaissent, ces figures invisibles au miroir du héros.» Tous veulent que Stiller admette être Stiller, mais qu'est-ce que Stiller ?

LINDON Mathieu

http://www.liberation.fr
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Un homme pourvu d'un passeport américain au nom de White est appréhendé dans un train suisse. Un autre voyageur aurait reconnu en lui Stiller, un sculpteur disparu sans laisser d'adresse plusieurs années auparavant, laissant famille et amis sans aucune nouvelle. L'homme est incarcéré et se défend énergiquement d'être ce Stiller. Mais personne, pas même son avocat n'accorde foi à ses dénis, on lui fait rencontrer toutes les personnes qui ont comptées dans la vie de Stiller pour le confondre, tous reconnaissent en lui le disparu.

Etrange roman sur l'identité, sur les contraintes qu'une société exerce sur les individus, la façon dont elle les façonne. Max Frisch n'est guère tendre pour ses compatriotes dans ce roman, la Suisse y apparaît comme un endroit étouffant, qui se glorifie de sa liberté alors que ce n'est qu'une façade. le personnage principal est rendu de manière poignante, et même si on arrive pas à comprendre toutes ses motivations, le livre tient en haleine, et devient de plus en plus touchant au fur et à mesure que l'étau se resserre auprès du narrateur. L'ironie et le second degré sont présents en permanence et l'émotion toujours contenue même si très présente.

Un livre vraiment original, avec un ton et une écriture hors du commun.
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Après mon coup de coeur pour Homo Faber de Frisch, j'ai lu Stiller. Les « notes de Stiller en prison » qui remplissent sept cahiers constituent l'essentiel du roman. le narrateur a été intercepté à la frontière suisse, en provenance du Mexique et muni d'un passeport américain apparemment faux. Il est gardé en détention préventive. Sa femme, son ancienne maîtresse, ses amis, tous reconnaissent ce Stiller « parti sans laisser d'adresse » six ans auparavant. Mais, voilà, notre héros clame haut et fort « Je ne suis pas Stiller ! ».
 
Le narrateur ne peut réparer les erreurs du passé, particulièrement en amour. Il préfère croire qu'il est possible de les effacer et de recommencer à zéro, qu'il est un autre. Un roman sur l'identité et la relation aux autres, qui pose de nombreuses questions. Par exemple, l'identité d'un individu est-elle intrinsèque ou plutôt la somme des perceptions qu'ont les autres de cet individu ? le sujet et passionnant et j'ai retrouvé dans Stiller beaucoup de choses qui m'avaient tant plu dans Homo Faber, en particulier le ton caustique. Sur plus de 500 pages, les élucubrations du narrateur m'ont toutefois semblé un peu longues par moments. Cela dit, Frisch est un auteur à lire.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
"Nous vivons au siècle de la reproduction. La plupart des représentations que nous nous faisons du monde, nous ne les avons pas vues de nos propres yeux : plus exactement, nous les avons vues de nos propres yeux, mais sans être allés sur place; nous voyons les choses de loin, nous entendons de loin, nous connaissons de loin."
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D'ailleurs, qui donc peut se permettre d'avoir une femme et des enfants, une famille et tout ce qui s'ensuit, comme il convient de le faire, et avoir en même temps la liberté d'opinion pour autre chose que des détails sans importance. Pour cela il faut de l'argent, tant d'argent qu'il ne faut avoir besoin ni de commandes, ni de clients, ni de la bienveillance de la société. Mais celui qui a tant d'argent qu'il peut vraiment se permettre une parfaite liberté d'opinion est de toute façon satisfait de l'état des choses existant. Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie que même dans ce pays c'est l'argent qui fait la loi.
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Video de Max Frisch (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Max Frisch
Une présentation du Journal berlinois (1973-1974) de Max Frisch par sa traductrice, Camille Luscher. Disponible dans toutes les bonnes librairies dès le 6 octobre 2016. http://editionszoe.ch/livre/journal-berlinois-1973-1974
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