Avec la fracture éternelle entre les deux Corées comme toile de fond indélébile et traumatique,
Hwang Jungeun nous immerge dans une vie de famille chaotique, chamboulée, meurtrie et comme en attente d'une forme de délivrance.
L'ouvrage est savamment fragmenté en quatre parties. Autant de points de vue, d'existences bouleversées, aux maux trop souvent tus.
Yi Sunil à aujourd'hui soixante-douze ans. Elle se sent vieillir, plus que jamais. Sa canne ne formant qu'une preuve supplémentaire de son affaiblissement. Elle sait que la mort ne se situe qu'à quelques années d'elle à présent.
Comme tant de coréens avant elle, son rapport à la famille est un pan entier de son existence et de son identité. C'est certainement l'élément le plus complexe, le plus important, voire même le plus sacré qui soit. Une succession, une union, une naissance, un héritage, des funérailles ; tout peut prendre des proportions gigantesque lorsqu'il s'agit de la famille.
Sunil se remémore les nombreux souvenirs qui ont parsemé sa vie, les moments les plus marquants de son existence. de ceux qui ont laissé une trace, une odeur, une sensation, une émotion, un traumatisme singulier par-delà les décennies. On partage ses questionnements, sa culpabilité parfois, son regard sur les événements qui ont jalonné son enfance, ses décisions, son inaction face à certaines des personnes les plus médiocres qui ont croisé son chemin. Tout est passé au crible.
Sunil a vécu un parcours de vie fade, servile, empli de corvées, de solitude, de fatigue… On ne peut pas oublier ces années perdues, ces années inutiles, ces années subies. Il était hors de question que ses propres enfants fassent l'expérience de cette servitude, de cet épuisement physique et psychologique.
Après avoir détruit la sépulture de son grand-père et enfin mis son passé derrière elle, elle espère avoir laissé la place pour que le bonheur entre dans la vie de ses enfants.
Sa fille aînée est une vendeuse émérite qui a généreusement sorti sa famille d'un grave écueil financier. Sa cadette est écrivaine et voyage à New-York, quand son benjamin s'est installé en Nouvelle-Zélande dans l'espoir d'un avenir meilleur. Au fil des différentes parties du livre, on découvre leur regard sur leur enfance, sur leur quotidien, sur l'héritage historique et familial qui leur est dévolu.
L'écriture extrêmement épurée est très déstabilisante. Il s'en dégage une certaine distance qui m'a quelque peu empêché de m'imprégner de cette famille. Passionnée par la culture et la langue coréennes, je m'attendais à être totalement emportée par cet ouvrage. Je suis déçue de ne pas avoir été comblée par cette lecture, mais ça n'enlève évidemment rien au talent exceptionnel de
Hwang Jungeun. Beaucoup d'humilité et d'émotion se dégagent de ces pages.
Une bonne fille est un très bel exemple de témoignage.