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EAN : 9782296994430
234 pages
Editions L'Harmattan (12/12/2012)
4.75/5   4 notes
Résumé :
L'auteur avait été arrêtée à Nice, par la Gestapo, en avril 1944, puis déportée à Birkenau. Son crime : être née juive, avoir créé avec Moussa Abadi un service clandestin et mis ainsi à l'abri des recherches de la police allemande plus de cinq cents enfants. Cinquante ans après, elle feuillette, pour nous, le terrible album des images et visages de "la terre de détresse" d'une jeune femme médecin, confrontée à l'innommable... La vérité, rien que la vérité, sans oubl... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Plus de cinquante ans que je lis des témoignages de ceux qui sont revenus d'où Charlotte Delbo affirmait - Aucun de nous ne reviendra -.
Cinquante ans qui n'auront pas suffi à me permettre de tout lire ni de ne jamais cesser de vouloir tous les écouter, les entendre... essayer de m'approcher au plus près de ce qui pour nous, qui ne l'avons pas vécu, appartient au domaine de l'impensable, de l'inimaginable, de l'inconcevable, de "l'au-delà du réel"... de ce "mal absolu" que furent les camps de concentration nazis, les camps d'extermination où des "hommes" avaient programmé, planifié l'élimination industrielle de millions d'autres au nom d'une folie criminelle, d'une idéologie exterminatrice qu'un auteur célèbre a appelée "la bête immonde", et qu'Hitler et sa clique de déments ont, à travers le décret Keitel du 7 décembre 1941 immortalisé sous les lettres NN ( Nacht und Nebel... en français Nuit et Brouillard ).
"La conférence de Wannsee ne planifie, elle, le génocide dans sa phase industrielle qu'à partir du 20 janvier 1942, le meurtre de masse a déjà largement débuté avec le déclenchement de l'opération Barbarossa le 22 juin 1941. L'action des Einsatzgrüppen, particulièrement étudiée par le Père Patrick DESBOIS, a même été qualifiée de "Shoah par balles".
J'ai donc lu, écouté, entendu, pleuré au témoignage d'Odette Abadi, née Odette Rosenstock, arrêtée à Nice par une équipe de la Milice française sous le nom de Sylvie Delatre le 25 avril 1941, parce que accusée d'appartenir au Réseau Marcel, réseau ayant pour vocation de permettre à des enfants juifs d'échapper au "voyage à Pitchipoï", entendez par là à la déportation dans les camps d'extermination.
Odette est livrée à la Gestapo.
C'est d'abord, comme pour Simone Veil, elle aussi arrêtée à Nice la même année, le passage à l'hôtel Excelsior, devenu une prison allemande, puis à l'hôtel Hermitage " où se faisaient les interrogatoires plus musclés"...
C'est ensuite le séjour à Drancy par le Transport du 2 mai 1944 où elle va rester trois semaines avant la déportation proprement dite le 26 mai 1944.
Notons qu'Odette Rosenstock-Abadi, comme ses malheureux compagnons "d'infortune" a été transportée de Drancy à la gare de Bobigny par les bus de la TCRP... je vais vous en reparler.
Écoutons-la :
"On fait l'appel une dernière fois. Les voix qui répondent sont souvent basses, enrouées de larmes, presque indistinctes. Un coup de sifflet. On nous fait sortir du camp - mille deux cents hommes, femmes et enfants -, et monter dans les autobus de la TCRP, Service Spécial. On part. Il n'y a pas de miracle..."
Je vous ai présenté il y a quelques semaines le livre de Jean-Marie Dubois et Malka Markovic intitulé - Les bus de la honte -, livre d'investigation et de témoignage sur la collaboration et la participation active, complice de la STCRP ( Société des Transports en Commun de la Région Parisienne ) dans les différentes rafles intervenues entre 1941 et la libération de Paris, dont celle(s) des 16 et 17 juillet 1942 au Vél' d'Hiv... ainsi que les transports, comme le mentionne Odette Rosenstock-Abadi, de Drancy vers les trains en partance pour les camps de la mort...
Je ferme cette parenthèse pour revenir à Bobigny.
Odette, en sa qualité de médecin, lui vaut "le douteux privilège d'être nommée Chef d'un des trois wagons sanitaires du transport".
S'ensuivent trois jours et trois nuits d'un interminable voyage dans un wagon à bestiaux. Les déportées sont enfermées. Elles sont debout. Il fait quasiment nuit à l'intérieur de ces "bétaillères". Il y a la faim. Il y a la soif. La promiscuité. Les bagarres. Il y a l'absence de sommeil. La puanteur. La mort de certaines ( se référer au Grand Voyage de Jorge Semprun ).
Et c'est l'arrivée à Birkenau.
Inutile de m'attarder sur le "rituel"... vous le lirez ou le relirez.
Les vociférations des SS... ivres pour beaucoup... La sélection, les séparations déchirantes... à droite... à gauche... les camions... Les coups, les hurlements des chiens et ceux des déporté(e)s.
Ainsi commence pour celles à qui les tortionnaires ont accordé un sursis l'apprentissage du camp.
Les corps nus, tondus, rasés, battus, tatoués.
Odette Rosenstock-Abadi sera marqué du A-5598...
Les blocks.
Les Kapos ou Blockhowas
Les appels à trois heures du matin par tous les temps.
L'apprentissage d'un verbe important "organiser"...
"Organiser" est un maître-mot dans le langage du camp : mieux vaut l'expliquer d'entrée de jeu et l'employer ensuite comme un mot ordinaire. Il signifie se procurer n'importe quoi sans en avoir le droit, au moyen d'un échange ou d'un vol. Exemple : voler des chaussures déposées sur le sol, au-dessus des Koyas ; échanger des médicaments dérobés aux malades ou à la pharmacie du Rewier contre du pain, du saucisson, une brosse à dents, une cuiller, une culotte ou une robe, selon la valeur et la rareté du produit dérobé. Savoir "organiser" est la fierté de beaucoup d'entre nous, puisque cela prouve leur aptitude à s'adapter pour survivre"...
Il y a comme phase préliminaire, la quarantaine.
Puis vient le travail abrutissant dans les Kommandos, dans la chaleur, le froid, la faim, la soif, les coups trimant dans la boue, la neihe, marchant sur des pierres avec des galoches trop grandes ou les pieds nus, le corps protégé par des hardes, la fatigue de plus en plus insoutenable que les organismes sont dénutris, déshydratés, violentés, malades... que la mort est omniprésente.
Odette, par un concours de circonstances, est appelée à remplacer un médecin au Rewier.
*Le Rewier est l'ensemble des Blocks d'hospitalisation.
En général, le Rewier pour les déportés était craint et fui comme la peste car il était souvent synonyme de dernière étape avant les fours...
Le livre d'Odette Rosenstock-Abadi a cela d'intéressant qu'il nous permet de vivre de l'intérieur ce qu'était le Rewier.
Sa structure.
Son matériel.
Son organisation.
Ses moyens.
Les "consultations."
Les "soins"
Les "hospitalisations".
Les sélections... annoncées ou impromptues... ( on y retrouve des figures sinistres comme celle de Krammer ou de Mengele ).
Et, ce qui m'a beaucoup impressionné"... un témoignage détaillé sur toutes les pathologies... dont certaines dont je n'avais jamais entendu parler : trachome, érysipèle,pemphigus etc auxquelles se mêlent toutes celles plus connues : tuberculose, pneumonie, rougeole, scarlatine, diphtérie, typhoïde, malaria, dysenterie, cystite, pyélonéphrite, oedèmes en tous gentres, scorbut, phlyctènes confluentes ( Sönnenbrand... brûlures de soleil ), pieds gelés, gangrène, pathologies génitales, déséquilibres glandulaires, avitaminose, de rares cancers, pathologies stomatologiques, les septicémies... sans oublier les pathologies psychiatriques... et j'en oublie.
Tout cet univers "médical" et "paramédical" qui est un camp dans le camp, Odette Rosenstock-Abadi nous le fait découvrir et vivre à travers son regard, mais à travers les dizaines et les dizaines de gamines, de jeunes filles ou de femmes issues de différents pays, de différentes cultures, parlant des langues différentes, venant de classes sociales où une agrégée de philo côtoie une petite ouvrière, laquelle partage son "lit" avec une grande bourgeoise ou une aristocrate... et les unes ou les autres sortent de l'anonymat et de l'oubli, souvent de manière très poignante.
Cet univers où règne la loi de la plus forte, est aussi empreint de moments de fraternité, de solidarité, de partage, quelquefois d'amour...
La poésie et les chansons sont des auxiliaires desurvie essentielles...
"Nous nous interrogeons aussi sur les métiers que nous exercions, sur nos façons de vivre. Pour les métiers, c'est vite dit et on ne s'y appesantit pas. Nous présentons un assortiment complet de tous les genres d'occupations, des plus intellectuelles, des plus raffinées aux plus simples - en passant par tous les commerces et tous les artisanats. Mais celles qui viennent des professions les plus spectaculaires - professeurs d'Université ou de Faculté, avocats, scientifiques, médecins, artistes de toutes disciplines - n'ont droit qu'à un coup d'oeil rapide d'admiration, et les autres - l'ensemble des boutiquières, des ouvrières spécialisées ou non, des femmes "sans profession" et des mères de famille - glissent vite vers un autre genre de sujet. le travail, c'est pour chacune un domaine réservé, et on en parlera plus tard. Ce qui compte, c'est de savoir se comprendre d'instinct les unes les autres ."
J'aimerais m'arrêter encore un instant sur ces disparités... celles sociales essentiellement et redonner la parole au médecin :
"En attendant, celles qui ont cru appartenir aux plus hautes castes de l'échelle sociale s'aperçoivent très vite que la majorité des déportées n'en a cure ; elles souffrent cruellement de se voir ravalées au rang de tout-le-monde. Ce dur contact avec la réalité et la frustration qu'elles en conçoivent, joints à l'horreur qu'elles ressentent en voyant leur nouvel aspect physique et vestimentaire, et au contraste entre leur régime habituel à peine changé malgré la guerre, et notre alimentation de famine, provoquent chez elles une surmortalité précoce impressionnante..."
Odette va passer de Birkenau à Bergen-Belsen... l'étau se resserrant sur les nazis.
Nouveau Rewier avec des conditions qui se dégradent de plus en plus...
Ce va être la grande épidémie de Typhus.
Elle va l'attraper comme toutes les "officiantes" du Rewier.
Je suppose que c'est lors de cette épidémie qu'est morte la maman de Simone Veil...
Les Allemands qui gardaient le camp vont être remplacés par des Hongrois... était-ce encore possible !!! plus sadiques que leurs alliés...
Puis va survenir la libération et l'entrée des soldats anglais.
Encore un mois d'attente et de survie sur le fil du rasoir.
Le retour au pays sans avoir eu le temps de se dire adieu.
L'arrivée à Paris et le passage par l'hôtel Lutétia... et le statut de déporté(e).
Celui de l'amer constat que si la vie reprend, il y aura toujours les "autres", ceux qui n'ont pas connu, qui ignorent tout des camps, et "nous" ou "moi" qui jusqu'à ma mort resterai toujours une de celles qui sont allées "là-bas."
J'aurai toujours présentes dans ma mémoire ces odeurs qu'on ne respirait que danns les camps et "la flamme"...
À ce propos, je tiens à rapporter dans le témoignage d'Odette ce qui m'avait échappé jusqu'à la lecture de - Terre de détresse -, à savoir que parmi les déportés gazés dans les douches... certains ne mouraient qu'au moment de... l'incinération. Là, j'ai chialé...
Depuis cinquante que j'écoute les voix de ces femmes et hommes qui ont vécu "ça", ce livre témoignage est le premier à m'avoir permis d'entendre un témoignage quasi exclusivement féminin sur le Rewier essentiellement.
Ce livre appartient à la grande famille de ces livres qui nous ont rapporté quelque chose d'horrible et de précieux à la fois sur cette barbarie génocidaire.
Il faut avoir lu ou lire ce livre.
Pour terminer cette longue présentation je voudrais citer encore ce passage et vous allez ensuite comprendre pourquoi :
- La situation est tellement grave pour les Allemands qu'ils ont besoin de plus de main-d'oeuvre possible. Ils vont donc répartir les pus solides d'entre nous dans les camps de travail. Vous allez rester ici pour le camouflage du Lager : le "Rassemblement populaire pur la formation à l'assaut" - le Volksturm - doit être centralisé Auschwitz. Pour empêcher qu'il ne soit bombardé, il faut aire croire qu'il n'y a ici que des détenues : vous serez là pour ça..." ( le Volksturm ne devait jamais installer ses recrues à Birkenau, mais, par miracle, un ordre de Berlin allait survenir, interrompant les crémations... Et les condamnées ahuries retournèrent parmi les vivantes...).
La narration de cet épisode m'a rappelé qu'à ce moment, comme le rapportent Joseph Kessel dans - Les mains du miracle - et François Kersaudy dans - La liste de Kersten -, un certain Felix Kersten ferraillait avec Himmler pour que des vis juives soient épargnées...
Enfin,Odette a écrit sur des cahiers sa vie de déportée à Birkenau et à Bergen-Belen après la guerre. Mais il lui aura fallu attendre 50 ans pour pouvoir en parler et faire de ses cahiers ce livre...

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Odette Rosenstock, médecin juive sera arrêtée en 1944 pour avoir créé avec Moussa Abadi (qui deviendra plus tard son mari) le réseau Marcel qui a sauvé plus de 500 enfants juifs.
Arrêtée à Nice, elle transitera par Drancy avant de connaître les camps de Birkenau et Bergen-Belsen.
Ce livre est son journal, le journal de l'horreur, de l'innommable.....
C'est l'horreur, oui, insoutenable, celle dont on se dit que ce n'est pas possible, que des êtres humains fassent subir de telles atrocités à d'autres êtres humains ... et pourtant .....
Ce qui est extraordinaire dans ce témoignage, c'est que Odette Abadi nous fait part de ce qui existait aussi de "beau" dans ces camps de la mort, la solidarité, l'amitié, la fraternité et même la présence de l'humour ! la vie qui continue envers et contre tout.... l'espoir qui ne veut pas mourir....
Odette parle de la vie "terrifiante et fascinante" des camps.
Une lecture qu'on ne lâche pas, poignante, touchante et dont on ne sort pas indemne.


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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Mais si le souvenir de cette extraordinaire puissance d'amour s'impose, au milieu de l'horreur et du désespoir, dans les récits de notre vie d'enfer, comment la fierté d'avoir connu les meilleurs d'entre les femmes ne nous rendrait-elle pas encore plus cruelle l'injustice monstrueuse de leurs souffrances et de leur mort ?
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