Gaïa est malade, elle a des poussées de fièvre,
L’Homme la fait tourner en bourrique, il la rend chèvre,
Mais ses défenses s’activent, sa température monte,
Au germe bipède, elle va lui régler son compte !
Elle éructe ! Elle érupte ! Son pouls sismique s’accélère !
Nerfs tectoniques en boule ! Noire sera sa colère !
Elle tonne ! Elle bourrasque ! Atchoume des ouragans !
Elle a pris en grippe le microbe arrogant !
Fini de prendre sur elle ! Elle sort de sa réserve !
Elle pète les plombs, le carbone, méthane, elle s’énerve !
Elle perd son sang-froid, ses calottes ; ses glaces fument !
De rage qui ne se contient plus, ses flots écument !
Elle a les mers qui montent comme du sang à la tête !
La pique-t-on au vif ? Elle contre-attaque, elle tempête !
Lui fore-t-on l’épiderme ? Elle séisme ! Elle gronde !
Déchaînant son courroux, mille lieues à la ronde !
Échauffe-t-on ses pôles ? Elle n’en est que plus furax !
Lasse de plier l’échine, d’incliner son axe
Face à un nabot qui se permet tout, une vraie brute,
Comme s’il était un maquereau, et elle sa pute,
Que l’étendue du globe, muée en baisodrome,
Servait de terrain de jeu à un scabreux gnome,
Qui fourre tous les orifices, force la main partout,
Trifouille, tripote, dénude, fout le bordel, nique tout !
Tournante à huit milliards, orgie de gang bang,
Où chacun tire son coup sur une planète exsangue.
Sinistre homoncule ! Mais s’imagine-t-il vraiment
Pouvoir infliger tant de dommages, tant de tourments
À une Terre martyre, criblée d’abus au poitrail,
Et s’en tirer à bon compte, sans représailles ?
La croit-il si soumise à ses ordres de despote,
Si taillable, corvéable, sans ressort, à sa botte,
Si passive, si pliée à ses lois, à son joug,
Que si lésée qu’elle soit, elle tende encore l’autre joue ?
Se prendre plein la gueule les avanies d’un moucheron,
Ses rosseries, ses assauts, et faire le dos rond ?
Subir ses piqûres d’insecte, et se laisser faire ?
Mais sait-il à quel mastodonte il a affaire ?
Demeurer de marbre, impassible, rester de glace,
Quand elle brûle de remettre le cafard à sa place !
Ce prurit bijambiste qu’elle voudrait tant gratter !
Bousier mal dégrossi ! Elle va pas le rater !
Il a beau courir longtemps encore, le sale marmot,
À l’heure des comptes, Gaïa aura les derniers maux !
Sur l’intrus indésirable, l’étuve se resserre !
La fièvre de la Terre monte ! Bouffées à effet de serre !
Que l’Homme disparaisse de sa face, peu lui en chaut !
La vengeance de Gaïa est un plat qui se mange chaud…
Si peu câblé pour régler les enjeux globaux,
Que son niveau de conscience dépasse à peine
Celui des chenilles vautrées sur les feuilles d’un chêne,
Ou du mildiou infectant tout un champ de vigne.
Sot homoncule ! Imprévoyant sur toute la ligne !
Si obnubilé par le court-terme, le triste nain,
Qu’il finira empoisonné par le venin
Craché à heures fixes par le serpent sous son crâne,
Victime du cerveau reptilien qui le condamne
À ne se soucier de rien d’autre que sa propre gueule
Le Reniement de Sainte-Terre (p 80)
Dès l’éclosion de l’Homme du liquide biotique,
Encore relié à son cordon symbiotique,
Mère Nature bénit ce fruit de ses entrailles,
Fit son nid, lui fila sa becquée de grenaille,
L’arrosa pour sa soif, la panse pleine pour sa faim,
Le gava de tétées, de lait coulant sans fin ;
Des millénaires durant, plantureuse, maternelle,
Elle coconna son rejeton, le prit sous son aile,
Le porta, le biberonna, lui donna le sein,
Tout pour combler les besoins de son p’tit poussin
En à peine quelques siècles, au plus fort de son emprise,
– Un quart de seconde, guère plus, dans l’histoire de la Terre !–
L’être dit « pensant » brisa l’équilibre planétaire :
Sapiens, « la nature prenant conscience d’elle-même »,
La fine fleur du cosmos, la crème de la crème…
Chef-d’oeuvre de l’Évolution à son apex,
Roi de la création, couronné d’un cortex,
Il déforma le visage de la machine ronde,
Le temps d’une simple virgule dans le roman du monde,
Shooté qu’il est au « Progrès » et aux stéroïdes fossiles :
Hormones de croissance qui rendirent sa vie facile,
Dopant ses conquêtes, du ventre du globe à l’azur,
Gonflant sa biomasse jusqu’à la démesure…
Si obnubilé par son essor et ses succès,
Si aveugle à son surpoids et à ses excès,
Que le voici maintenant, à son grand étonnement,
Pris au piège d’insolubles goulets d’étranglement.
L’organe qui le promut en espèce dominante :
Son cerveau, garant d’une position éminente,
Se retourne à présent comme une arme contre lui,
Glaive à double tranchant qui à la fois sauve et nuit.
Par quelle malédiction, quel revers de fortune,
Quelle ironie du sort, quelle fatidique lacune,
Ce même appendice bardé d’atouts cognitifs,
Ayant pourvu l’homme d’un avantage sélectif,
Se révèle à terme un cadeau empoisonné,
Tant par l’empreinte abusive et irraisonnée
Que cette « intelligence » rendit possible sur Terre,
– Facteur de troubles et de détraquement délétères –
Que par l’activation des anticorps telluriques,
Réponse immunitaire au règne humain toxique…
Dans la vaste boîte de Pétri qu’est le dôme terrien,
Une drôle d’espèce, qui a tout du germe bactérien,
Naquit naguère sur les surfaces émergées
De la Terre-hôte, gênée de devoir héberger
Une souche aussi virulente, que l’on dit « pensante »,
Mais qui à l’instar des bestioles envahissantes,
Croît en volume, s’incruste dans les failles et crevasses,
Étale ses colonies, sextuple sa biomasse,
Sabotant son milieu de vie existentiel
Par sa division cellulaire exponentielle…