Ce livre très petit par la forme et le nombre de pages est pour moi un chef d'oeuvre d'humanité et de tendresse.
Quelle poésie se dégage de ces courtes « nouvelles » !
Mais sont-elles vraiment des nouvelles ? J'ai eu l'impression de lire la vie d'un homme, ou du moins ces moments forts ou quotidiens où l'émotion affleure, où le coeur s'épand dans un regard.
Quelle mélancolie, quelle nostalgie !
Daniel Adam relate souvent les moments difficiles : le divorce et la garde des enfants, la perte d'un amour, d'un ami, la mort. Et c'est beau. Oui, c'est beau !
Véritable aquarelliste de la vie, l'auteur belge nous emmène auprès des familles heureuses, là où lui n'est qu'un « vieux wagon sur une voie de garage, squatté par le remords, rouillé par le bonheur des autres » ; sur les sentiers le long du canal, où il croise son ami venant de mourir, qui lui fait un signe de la main, et « en disparaissant doucement, sa vareuse bleue s'est mélangée au ciel » ; à l'aéroport, prologue des absences difficiles à supporter ; au cimetière, où les adultes murmurent des mots tendres pendant que les enfants jouent et rient…
L'auteur relate l'absence et le manque, que ce soit des personnes ou du ciel rouge de l'aube qui se détache des fils électriques pour vivre sa vie.
« le rouge était parti. Il ne restait plus que les pinces à linge sur les fils électriques, et encore, elles s'envolaient pour un rien ».
Quelle mélancolie, oui, mais quel amour de la vie, de ces moments précieux que l'on veut garder à tout prix, parce qu'ils sont heureux, parce qu'ils sont tristes.
Vraiment, je vous recommande la lecture de ce minuscule recueil où la sensibilité nous enveloppe et nous colore le coeur …en rouge ?
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Ô comme j'aimerais que mon père me tienne la main, quelques secondes seulement, sentir toute la confiance du monde autour de mes doigts, presque distraitement, comme si ça allait de soi.
Mon vieil ami est mort.
Quelques jours plus tard, je l'ai croisé, le long du canal. Il était sur son vélo, il m'a fait un signe de la main et, en disparaissant doucement, sa vareuse bleue s'est mélangée au ciel.
Je m'y présente debout, les mains l'une dans l'autre, la tête un peu baissée, le regard au centre de la Terre. Je guette l'émotion, en fixant les lettres de cuivre accrochées sur la pierre. 1928-1985. Le lieu est plus intime qu'une chambre à coucher. Les gens y parlent bas, ils sont entre eux. On entend ce qu'ils disent, on reconnaît les accents. La peine est un langage universel.
Au loin, des rires d'enfants. Tout près, des pleurs d'adultes. Ils disent tous la même chose, ils disent: reviens, sans toi c'est dur, tu sais, écoute mon cœur qui cogne, je te le donne, je le jette dans le trou, prends-le, allez, réveille-toi, reviens, rien qu'un peu, viens, fais un signe, si tu m'entends.
J'écoute les rumeurs des familles qui partent dans de beaux trains tout neufs vers des vacances éternelles. Je suis un vieux wagon sur une voie de garage, squatté par le remords, rouillé par le bonheur des autres.
J'élevais mes enfants hier, aujourd'hui je les garde. De fin de semaine en fin de semaine.