Voilà un livre assez inclassable, situé entre le docu-fiction, l'essai, le carnet de voyage, l'autobiographie et le livre de développement personnel. Peut-être aussi avait-il l'ambition d'être un récit initiatique, mais si tel était le cas, je n'ai pas perçu cet objectif comme atteint.
Certes,
Pierre Adrian n'est pas manchot. Son étendue lexicale est impressionnante, son style "très affirmé" (mais j'y reviendrai) et, étant donné son jeune âge, on ne peut s'empêcher de penser qu'il "en a dans le stylo"... D'ailleurs certaines phrases, certains paragraphes résonnent vrai, et parviennent à toucher à l'alliance esthétique de la forme et du fond. Malheureusement pour lui (et pour moi, lecteur), ces passages sont trop rares pour sauver son entreprise.
Car son style, que l'on sent très travaillé, très ciselé, est en fait ce que j'appellerai "boursouflé." Entendez par là qu'il gagnerait fort à une cure d'amaigrissement, notamment en métaphores.
Un exemple très parlant parmi tant d'autres, au début du chapitre 11. Il neige. Rien que pour dire qu'il neige, il y aura deux paragraphes formant trois quarts d'une page. En 18 lignes entièrement consacrées à la neige, cette dernière sera comparée à : des morceaux de papier, de la lumière ("qui gicle"), des vomissements soudains, un vieillard qui s'assoit, du blanc électrique, une couverture lumineuse, une poussière zénithale, une légende...
Les métaphores, c'est beau, mais trop, c'est trop. Et le problème (enfin, du coup ça n'a pas trop été un problème pour moi), c'est que ce livre est court, et que quand l'auteur consacre 18 lignes à la description lénifiante de la neige, il ne parle pas d'autre chose. Et comme il en fait constamment de même pour la pluie, la montagne, la route nationale, les nuages, le ciel, les toits des maisons et j'en passe et des meilleures, on en vient assez rapidement à considérer que son livre est... rempli de vide.
Car finalement, ces personnages brisés et abîmés qui viennent chercher refuge dans ce monastère, qui étaient la raison première de mon choix pour ce livre... Eh bien ils ne seront que survolés. Une brève description et puis s'en va, quasiment pas de dialogues, on ne saura presque rien de leurs blessures profondes. C'est à l'image de tout le livre, et si je cherche un adjectif pour le résumer, ce sera : superficiel.
La forme a son importance, mais le contenu n'est pas négociable.
Ce n'est pas tout de bien savoir dire les choses (et encore faut-il savoir modérer son emphase), il faut avant tout avoir quelque chose à dire.
Merci aux éditions Folio et à Babelio pour ce livre, reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique, et dont la magie n'aura malheureusement pas opéré sur moi.