Un très honnête bandit est le 5ème roman d'
Antoine Albertini, journaliste pour le Monde, dont les écrits s'inspirent le plus souvent de fait réels. Celui-ci ne fait pas exception puisqu'il raconte l'histoire véridique de Xavier Rocchini, dit l'Animali, la Bête, bandit corse, canaille de la pire espèce, assassin sanguinaire et voleur sans scrupule.
L'histoire débute avec le meurtre d'un chien appartenant à la famille Tafani, cousins éloignés et frères ennemis du clan Rocchini. En représaille, les Tafani, présume-t-on, éliminent le père Rocchini. Commence alors la Vendetta, cette coutume corse, extrêmement codifiée, par laquelle les membres de deux familles ennemies poursuivent une vengeance réciproque jusqu'au crime. Xavier Rocchini, 19 ans, décide d'occire son jeune cousin du même age que
lui, de deux balles dans le dos, avant de prendre le maquis. Il y rencontre d'autres bandits, la plupart véritables, comme Pietro Giovanni, un sanguinaire redouté de tous qui
lui enseigne les rudiments du métier, puis Pierre Nicolai, dit Barritone, le Baryton, surnom ironique qu'il doit à sa voix de crécelle, qui restera son complice jusqu'à la chute finale.
En parallèle de cette fuite en avant, on suit les exploits du gendarme Franchi, personnage fictif, sorte de Rambo avant l'heure, qui capture seul les bandits que des générations de policiers n'ont pu atteindre. Il est donc chargé de poursuivre Rocchini.
Un superbe roman oscillant entre roman classique, chronique judiciaire, thèse d'Histoire et polar historique. Dans la première partie du roman, le style y est clairement naturaliste et s'inscrit dans la lignée des auteurs du XIX° siècle : description minutieuse d'une veillée funéraire, portraits saisissant des bandits, croquis documentés des tenues et armes des gendarmes, mais aussi ode à la beauté époustouflante des paysages de Corse.
La figure du bandit "d'honneur" y est totalement démystifiée. En résumé "les bandits ne sont que putrescence vomie des boyaux de la terre, créatures de cauchemar chevauchant
la peur et la nuit".
Les institutions françaises ne sont du moins pas en reste : les juges demeurent sourds aux demandes de justice de la mère Rocchini, préférant bâfrer dans les cafés de la ville. le Gouvernement organise les pires stratagèmes, très loin de la légalité Républicaine dont ils se prévaut, pour coincer, avec plus ou moins de succès, les bandits. Sur ce point, les choses n'ont pas beaucoup changé.
La peine capitale y est également combattue à travers l'histoire de Deibler, bourreau de père en fils, fonctionnaire ridicule, couard et tatillon sur ses états de frais, envoyé aux quatre coins de France pour mettre en oeuvre l'industrie de la Mort.
Enfin, l'auteur étrille la prose coloniale des romanciers et commentateurs de l'époque, au rang desquels
Mérimée et
Maupassant, grand poètes à Paris mués en tristes folliculaires lorsqu'il s'agit de la Corse. Ces derniers "tournent autour du pot au fond de quoi, à force de touiller la mélasse de leurs mots, mitonne toujours la même sauce : la Corse est belle, le serait encore d'avantage si on la débarrassait des Corses.