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EAN : 9782709670043
448 pages
J.-C. Lattès (23/08/2023)
3.86/5   32 notes
Résumé :
Le 11 octobre 1882, Jean-François Rocchini, un cultivateur de la région de Porto-Vecchio est assassiné parce qu’il est soupçonné d’avoir tué le chien de ses voisins. Xavier, son fils, le venge un an plus tard. Parti au maquis, égaré sur des chemins inconnus, il commet de nouveaux crimes et gagne le surnom d’Animali, la « Bête ». Arrêté, il est condamné à mort. Il a 24 ans.

Dans ce roman tiré d’un fait divers oublié qui passionna l’opinion intern... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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« …Car laisser sans réponse une offense revient à se transformer en spectre que personne ne salue plus dans les rues du village, un mezz'omu, une moitié d'homme, et il faut alors se parjurer en faisant couler le sang pour retrouver sa place dans la société des vivants, quitte à s'en retrancher pour le restant de ses jours. »

À Murattelu, sur les hauteurs de Porto-Vecchio, les tensions sont ancestrales entre le clan Rocchini et le clan Tafani, pourtant cousins. Et la mort d'un chien Rocchini va suffire à réanimer le processus de vengeance dans le sang qui a déjà coûté tant de vies. Mais c'est un code d'honneur auquel nul corse ne peut déroger.

L'affront lavé à coups de fusil, Xavier Rocchini n'a plus d'autre choix que de prendre le maquis rejoignant dans une vie d'exil, de larcins et de crimes, le clan des bandits cachés, avec à ses trousses, l'iconoclaste gendarme Franchi (qui a dû inspirer Columbo tant dans son look que dans son flair).

S'inspirant d'un fait divers déterré des archives corses après un colossal travail d'enquête, Antoine Albertini nous embarque avec Un très honnête bandit, dans une épopée romanesque épique au fil de la vie de ce Rocchini dit l'Animali.

Mais très vite, le roman épique se double d'un regard historique et sociétal, atténuant peu à peu le regard bienveillant des premières pages pour ces bandits d'honneur, au profit d'une approche plus critique. le romancier donne alors plus de place au journaliste et le ton change.

Et c'est là tout le sel de ce livre et l'habileté de l'auteur, capable de mettre un temps sa corsitude au vestiaire pour démythifier des comportements souvent glorifiés, mais finalement hautement condamnables.

Glorifiés, à l'image de ce qu'écrivait un auteur local en 1857 : « Qu'on ne confonde point le bandit corse avec le brigand continental, car ce serait une grande injustice. »

Condamnables, car « Jamais aucun bandit ne prit la défense de la veuve et de l'orphelin, jamais la Corse ne compta le moindre justicier s'enfuyant à triple galop à la barbe des gendarmes (…) Les bandits ne sont que putrescences vomies des boyaux de la terre, créatures de cauchemar chevauchant la peur et la nuit. »

Après avoir beaucoup apprécié ses précédents romans et malgré quelques longueurs dans les digressions historiques, je me suis délecté de ce livre addictif et intelligent, instructif et rythmé. Et bravo au passage pour ce petit clin d'oeil amical au troubadour de Couffoulens…
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Xavier Rocchini est une sorte de prototype du bandit, celui qui a vengé son père en tuant son cousin et a pris le maquis. Nous suivrons sa cavale dans les montagnes de la Corse, au XIXème siècle.
Nous parcourrons ainsi cette île, ses paysages, ses traditions, sa criminalité… et bien plus encore.

Le titre du livre est ironique et coupe court à l'idée du romantisme chevaleresque des bandits corses en montrant leurs vilenies (cf citation).
Le roman s'inspire de faits réels et oscille tout du long entre une étude ethnologique des criminels insulaires et une aventure épique.
La couverture affiche ainsi cette dualité : de couleur crème marquée “roman” avec un petit fusil au dessus du nom de l'éditeur et une jaquette reproduisant la Une consacrée à l'affaire dans “Le Petit Bastiais”, journal du 07 juin 1888.

Antoine Albertini a parfaitement documenté cette histoire ; la bibliographie, si elle est sélective, ne compte pas moins de neuf pages !
En regard des aventures du bandit décrites sans empathie aucune, l'auteur fournit des analyses sur la réalité de la violence qui avait cours sur l'île.
Il cite des compte-rendus officiels d'audiences, de procès, d'articles de journaux…
Il pimente son texte de mots et d'expressions en langue corse.
Il décrit avec naturalisme les cérémonies insulaires.
Enfin, il s'essaye avec succès à utiliser un style en lien avec l'époque.

Le luxe de détails nous fait parfois perdre un peu de la dynamique du roman au profit d'un témoignage journalistique. C'était le risque mais c'est aussi son intérêt.

Le travail de l'auteur nous offre une immersion dans la géographie et l'histoire de l'île de beauté à travers le prisme de la vendetta qui explique encore des caractéristiques de la Corse d'aujourd'hui.

J'ai apprécié ce livre avec un regret, celui de ne pas être un natif pour retrouver les paysages, la culture et l'histoire de l'île que je ne connais qu'en touriste.
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Un très honnête bandit est le 5ème roman d'Antoine Albertini, journaliste pour le Monde, dont les écrits s'inspirent le plus souvent de fait réels. Celui-ci ne fait pas exception puisqu'il raconte l'histoire véridique de Xavier Rocchini, dit l'Animali, la Bête, bandit corse, canaille de la pire espèce, assassin sanguinaire et voleur sans scrupule.

L'histoire débute avec le meurtre d'un chien appartenant à la famille Tafani, cousins éloignés et frères ennemis du clan Rocchini. En représaille, les Tafani, présume-t-on, éliminent le père Rocchini. Commence alors la Vendetta, cette coutume corse, extrêmement codifiée, par laquelle les membres de deux familles ennemies poursuivent une vengeance réciproque jusqu'au crime. Xavier Rocchini, 19 ans, décide d'occire son jeune cousin du même age que lui, de deux balles dans le dos, avant de prendre le maquis. Il y rencontre d'autres bandits, la plupart véritables, comme Pietro Giovanni, un sanguinaire redouté de tous qui lui enseigne les rudiments du métier, puis Pierre Nicolai, dit Barritone, le Baryton, surnom ironique qu'il doit à sa voix de crécelle, qui restera son complice jusqu'à la chute finale.
En parallèle de cette fuite en avant, on suit les exploits du gendarme Franchi, personnage fictif, sorte de Rambo avant l'heure, qui capture seul les bandits que des générations de policiers n'ont pu atteindre. Il est donc chargé de poursuivre Rocchini.

Un superbe roman oscillant entre roman classique, chronique judiciaire, thèse d'Histoire et polar historique. Dans la première partie du roman, le style y est clairement naturaliste et s'inscrit dans la lignée des auteurs du XIX° siècle : description minutieuse d'une veillée funéraire, portraits saisissant des bandits, croquis documentés des tenues et armes des gendarmes, mais aussi ode à la beauté époustouflante des paysages de Corse.
La figure du bandit "d'honneur" y est totalement démystifiée. En résumé "les bandits ne sont que putrescence vomie des boyaux de la terre, créatures de cauchemar chevauchant la peur et la nuit".
Les institutions françaises ne sont du moins pas en reste : les juges demeurent sourds aux demandes de justice de la mère Rocchini, préférant bâfrer dans les cafés de la ville. le Gouvernement organise les pires stratagèmes, très loin de la légalité Républicaine dont ils se prévaut, pour coincer, avec plus ou moins de succès, les bandits. Sur ce point, les choses n'ont pas beaucoup changé.
La peine capitale y est également combattue à travers l'histoire de Deibler, bourreau de père en fils, fonctionnaire ridicule, couard et tatillon sur ses états de frais, envoyé aux quatre coins de France pour mettre en oeuvre l'industrie de la Mort.
Enfin, l'auteur étrille la prose coloniale des romanciers et commentateurs de l'époque, au rang desquels Mérimée et Maupassant, grand poètes à Paris mués en tristes folliculaires lorsqu'il s'agit de la Corse. Ces derniers "tournent autour du pot au fond de quoi, à force de touiller la mélasse de leurs mots, mitonne toujours la même sauce : la Corse est belle, le serait encore d'avantage si on la débarrassait des Corses.



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A travers la vie de Xavier Rocchini, issu d'une famille républicaine de Muratello, ce roman retrace l'épopée des bandits corses au XIXème siècle.
Antoine Albertini nous plonge dans une aventure épique à travers les montagnes et les sentiers escarpés de l'île, sur les traces de ces hors-la-loi sanguinaires, obéissant à d'ancestrales règles et ne se soumettant à aucune loi.
Très documenté et mêlant la narration à des analyses historiques, l'auteur nous révèle « un inextricable réseau de complicité, d'amitiés, de passe-droits qui leur permet de passer entre les mailles du filet».
Il nous entraine dans la fuite, courte et intense, de ce bandit surnommé l'Animali (la Bête), nous parle des méthodes peu orthodoxes du gendarme Franchi qui l'a traqué et nous raconte la vie étriquée et ordonnée du bourreau Deibler chargé de son exécution.
Il est clair, qu'après avoir lu cette histoire, nous ne regarderons plus la Corse de la même façon et nous comprendrons certainement mieux les résurgences de ce passé, dans certains événements plus contemporains.
Quand un journaliste corse raconte son île avec tant de clairvoyance, le résultat est captivant, instructif et brillant.
Un roman coup de coeur qui m'a passionnée et que je conseille vivement à tous les lecteurs férus d'Histoire et de traditions insulaires.
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1882, la famille Tafani et la famille Rocchini sont en conflit depuis des générations. Personne ne sait plus très bien pourquoi mais la mort d'un chien va suffire à déclarer une vendetta sanglante entre les deux clans, obligeant Xavier Rocchini à prendre le maquis où il se transforme petit à petit en véritable bandit.

Antoine Albertini mélange le romanesque d'une histoire vraie avec une étude historique et sociologique du crime en Corse. On suit d'un côté le parcours criminel de Xavier Rocchini, et de temps en temps l'auteur vient glisser quelques pages éclairantes sur l'appréciation clémente de la violence sur l'île, sur un banditisme presque culturel. Comme parfaite illustration, j'ai relevé cet extrait d'un arrêté municipal de la commune de Levie à l'époque :
Art I – Il est formellement interdit de porter des armes sur le territoire de la commune
Art II – Exception est faite pour les personnes notoirement en état d'inimité

Comment à la première offense il convient de ne répondre que par le sang ? Pourquoi la honte frappe tout individu qui ne venge pas un déshonneur subi ? Et pourquoi l'Etat français semble déjà en cette fin de 19ème impuissant voire désintéressé ? L'auteur n'apporte pas de réponses, il examine les faits, et à travers le parcours de Xavier Rocchini nous plonge dans une ambiance far west.
Le tout est totalement réussi, parfaitement intelligent et difficile à lâcher.
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critiques presse (2)
LeFigaro
17 octobre 2023
Un roman vrai sur le thème de la vendetta à travers l’histoire de deux familles corses.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LePoint
11 septembre 2023
"Un très honnête bandit" n'est-il donc pas seulement la reconstitution fidèle et fort bien romancée de la trajectoire d'un simple bandit ; c'est LE bandit originel et rien de moins que la naissance de la fascination pour la vendetta, telle qu'elle perdure aujourd'hui.
Lire la critique sur le site : LePoint
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
"Qu'on ne confonde pas le bandit corse avec le brigand continental, car ce serait une grande injustice", écrit Jean de La Rocca dans "La Corse et son avenir" en 1857. Le bandit corse est en somme un très honnête homme et pourquoi pas un héros ?
Un héros, le bandit Agostini, surnommé Capretta, "la petite chèvre" , qui détruisit en 1820 les sept membres de la famille Filippi avec laquelle il était entré en inimitié avant de tuer un voisin, coupable d'avoir loué à ses victimes la modeste pièce d'une maison où il vivait ?
Et le bandit Antonini, du village de
Marignana qui enleva Toussainte Bartolini, âgée d'à peine dix-huit ans, sous les yeux de son jeune frère avant de la précipiter au fond d'un gouffre parce qu'elle se refusait à lui ?
Et les brutes anonymes qui tranchèrent la tête de Giovani-Natale Franceschi, lui arrachèrent coeur et poumons pour suspendre ses abats aux branches d'un arbuste, mutilèrent le sexe de son fils de quatorze ans, près de Levie, en 1846
Et le bandit inconnu qui fusilla Simonpietro Fiorella, un nourrisson de quarante jours, pour qu'il ne puisse jamais venger la mort de son père, exécuté queloues jours plus tôt dans un minuscule hameau près de Corte par une journée brûlante de juillet 1870?
Et les assassins des deux jeunes hommes aux cadavres calcinés, crânes et ventres ouverts répandant la bouillie fumante de leurs cervelles et d'entrailles noircies sur le sol gelé de l'hiver, du côté de Cuttoli ? Héros! Héros ! Héros ! Héros jusqu'à déshonorer les femmes parce que la mort, pour elles, ne suffit pas. II faut encore les humilier, butin exhibé à la compagnie des hors-la-loi, rires gras, tapes sur la bedaine :« Cette mignonne-là, je l'ai eue de force !»
Les gazettes, les romans, continuent de répandre leur lisier et de nommer « exploits » le guet-apens tendu à cinq contre un, le viol d'une enfant de seize ans, le massacre d'une famille qui ne paie pas assez vite, de bergers isolés, de cochers sans défense, vieillards, meuniers, paysannes, marins débarqués à l'escale, mutilés, carbonisés, trainés derrière un cheval, énucléés, dépecés, ébouillantés, criblés de balles, écartelés, martyrisés, ongles arrachés, clous de charpentier plantés dans les genoux, dents arrachées, fendus de haut en bas et mis à vif, frappés, insultés, humiliés, racines enfoncées dans la bouche pour dire que la race est exterminée, ruines humaines à présent, et dépouillés, contraints à l'exil, jetés au fond d'un puits.
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Dans les salons parisiens ou les revues littéraires, à la chambre ou au Sénat, toutes les causes de ce phénomène ont été débattues : un esprit de patronage attisé par de continuelles luttes politiques, un sentiment religieux imparfait, l'hystérie des femmes corses ou l'excès de vigueur d'hommes trop paresseux pour s'occuper de leurs champs, et auxquels la violence procure un exutoire. Des aliénistes déclarent la population soumise à des passions morbides qu'excite un climat trop froid en montagne et trop malsain près des étangs; des historiens mettent en cause les mauvaises habitudes contractées sous la domination génoise; des juristes convoquent Thomas d'Aquin, Cujas, Montesquieu dans de savants articles de doctrine et trouvent parfois des vertus à cette débauche homicide : n'est-elle pas au fond la marque d'un sens exacerbé de la solidarité familiale et de l'orgueil quand règnent partout l'individualisme né du progrès, la quête du confort, les plaisirs et les vices d'une société affaissée qui laisse sans réparation les femmes outragées et peuple les orphelinats ? Doctes traités et balivernes de café du commerce échouent à rendre compte de l'évidence : si le Corse tue, c'est simplement qu'on le trouve toujours armé. Ce port d'armes généralisé que magistrats et gendarmes dénoncent en vain, les rois et les potentats, l'Office Saint- Georges du temps des Génois, les préfets, des généraux et des ministres ont été incapables de le combattre. Les édits pris sur la Terre ferme, les ordonnances royales, les proclamations impériales, les lois et les règlements de la République, les promesses de traits de corde, de supplice de la roue, l'envoi aux galères, les menaces de raser les maisons des coupables, la peine de mort sans rémission pour le porteur d'escopette et l'interdiction faite à sa postérité d'occuper à jamais toute charge publique, la pendaison du premier arbre et sans autre forme de procès, tout cet arsenal de règlements est resté lettre morte. Il faudrait, pour contrarier cette cette manie insulaire qui fait du fusil un bien de nécessité courante, poster un gendarme et un procureur dans chaque maison, à chaque carrefour, à la messe du dimanche, même, où au moment du confiteor, les paroissiens en état d'inimitié se toisent en écartant le pan de la veste pour exhiber la crosse d'un révolver.
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"C'est une bonne action qu'ont menée les braves gendarmes, jure-t-il à chacun des magistrats, car ils ont forcé la résolution de me constituer prisonnier, à laquelle je ne me rendais pas assez vite." Au juge, il a donné du "Signor excellenza" , et a simplement appelé le greffier «monsieur» en s' excusant de n'étre pas au fait du protocole judiciaire. Il s'excuse à tout bout de champ de son mauvais français : «Les bons bougres comme moi n'ont pas reçu l'"instructionnement" , dit-il.
Et il faut encore l'écouter endosser le rôle de la victime. Des méfaits qui l'ont conduit à la paille humide du cachot, il rejette la responsabilité sur l'époque, les mauvaises fréquentations, une âme influençable de pauvre paysan tombé très jeune dans l'alcool. «La boisson, se défend-il, fut pour moi une maitresse destructive.» C'est toujours la même chose, avec les bandits. Nulle part il n'est question de volonté ou de responsabilité. A les écouter s'absoudre, le hasard seul et la nécessité expliquent les noeuds de leur destinée, les tranchent, les cousent ensemble. Dans son mélange de corse et de français, langue bâtarde et labyrinthique dans laquelle se perdent le juge et son greffier, il explique et détaille, noie son récit de digressions familiales et de savantes considérations sur la religion et l'art d'accommoder le gibier, repart en arrière, se vante et implore dans la même minute. Son verbe estropié s'entortille en phrases orphelines qui se mordent la queue, interminables lamentations sur la "cattiva sorte" , le sort funeste, au nom de la Madone, ignoble galimatias où le bien vaut le mal et le mal, le bien.
C'est ainsi qu'au fil des semaines, le prisonnier se fait insecte, cloporte pris dans la lumière, cherche à fuir mais finit toujours par buter sur ses propres mensonges, proférés avec un art si minimal que le juge d'instruction et son petit greffier en viennent à se taper les cuisses devant tant d'idiotie.
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Quand il y eut assez de monde, les condoléances commencèrent à défiler autour de la table où reposait le mort, dans un volètement de chuchotis compassés, de prières mâchées par les barbes grises et d'autres invocations encore, à la Vierge et aux saints qui, dans le pays, encombrent l'âme la plus simple. Doucement, d'un air infiniment triste, ils hochaient la tête et faisaient le signe de croix avant de laisser la place aux suivants.
Le frissonnement des lampes découpait sur les murs des silhouettes amputées d'un membre, d'où s'échappait parfois une main couleur de cierge aussitôt rendue à l'obscurité, et ce mouvant tableau du deuil, dans le froissement des étoffes, les balbutiements de prières psalmodiées, révélait de temps à autre une moitié de visage où un œil jetait l'éclat noir d'un caillou poli au fond d'une rivière.
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On n'avait soupé que de vin, deux bouteilles déjà, tirées de la cave par la mère silencieuse, qui avait refusé d'aller en chercher une troisième et ne pouvait quitter des yeux les fusils posés crosses contre terre, leurs canons appuyés aux murs de pierre qui sentaient le saloir à jambon et le souvenir du feu.
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