Qu'est-ce qui a bien pu se passer dans la loge du Lycée T. à Paris, en décembre 1984, pour que la narratrice de cette histoire, bien des années après, décide d'enquêter et d'expliquer un drame familial qui s'est joué en quelques heures et a détruit une famille apparemment très heureuse ?
C'est à un long flash-back que nous convie
Laura Alcoba, qui va pendant plus de cent pages raconter la vie de Griselda, une femme argentine ayant émigré en France, et retrouvé Claudio, l'homme de sa vie pour lequel elle éprouvé un coup de foudre dès leurs débuts dans une librairie de Buenos Aires, et lui donner trois enfants dans la loge du lycée où ils sont hébergés.
Il nous faudra attendre la page 106 pour connaître les détails de « l'accident », ou du « drame » ou encore de « la tragédie ». Auparavant, avec la narratrice qui écoute les témoins de cette époque, on aura appris à connaître l'histoire de Griselda et on aura tenté de comprendre ce qui a pu conduire cette belle femme à agir ainsi lors de cette funeste journée de décembre 1984.
On aura au passage tracé le portrait de Flavia, la fille de Griselda et Claudio, qui va se reconstruire grâce notamment à un couple d'instituteurs très aimants, Colette et René.
Il y a beaucoup de délicatesse et de douceur sous la plume de
Laura Alcoba, qui réussit le tour de force de ne jamais juger, accabler, ou vilipender la femme qu'est Griselda, quoi qu'elle ait pu faire dans le secret de sa loge un petit matin.
Traversée par le mythe de
Médée, «
Par la forêt » convoque des souvenirs anciens de femme ogresse, dévorant ses propres enfants. Il faut se souvenir de la tragédie grecque d'
Euripide, puis de la pièce de
Corneille, ou de tous ces récits d'infanticide insoutenables : une femme n'a pas le droit de tuer ses propres enfants, cet acte est trop infamant.
Avec beaucoup de patience donc,
Laura Alcoba nous conduit sur le chemin qui mène à la forêt sombre de l'inconscient, nous rassurant au passage comme l'ont fait Colette et René avec la petite Flavia sur les sentiers près d'une forêt métaphorique où ils sont allés ensemble, pour terminer sur une note magnifique, à l'image de ce que dit Flavia à la narratrice à propos de sa mère Griselda :
« Présente, aimante. Très aimante ».
Une belle leçon de tolérance et d'empathie à laquelle seule la littérature ou la culture en général nous donne accès.