AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Jacques Vandenschrick (Autre)
EAN : 9782841162925
74 pages
Cheyne (21/09/2020)
3.88/5   4 notes
Résumé :
ville
tes cafés tes rues au feu
vertige qui te prend par la nuque
quand le jour se penche pour ramasser rêves
sans avis préalable la beauté te tranche
tes briques scintilles et vont plus loin que le sang
J.D'A.
Que lire après Atelier du silenceVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Je découvre ici pour la première fois les mots de Jean d'Amérique, jeune poète et dramaturge haïtien, je découvre sa parole poétique à travers ce recueil qui m'a touché, bousculé, Atelier du silence.
Dans un élan viscéral tendu comme un rap ou enroulé dans un slam, les mots sont martelés, les phrases sont lacérées, tout au long de ce recueil. Ce sont autant de coups portés aux murs du silence avec beauté et douleur pour dire les soubresauts et les blessures d'une terre natale.
C'est une poésie souterraine, tellurique, vertigineuse.
Dans cet Atelier du silence, des mots nouveaux se forgent, continuent de porter leurs coups, comblent le vide, arment peut-être pour la vie des coeurs jusqu'ici fragiles. L'Atelier du silence devient alors cet arsenal du bonheur...

« Au vent nos enfances, mais le sang remonte à la source assécher toute lumière, le chant tète aux mamelles que durcit un sanglot. Gorge infertile face à la partition libre, quelle récolte à poindre ? Tout oiseau, sans doute, reconnaît dans la région muette la plus froide saison. »

Belle, rebelle, en colère... Elle est ainsi cette poésie que je découvre, celle de Jean d'Amérique...
Il célèbre le rythme inlassable des saisons que les maux de la terre cherchent à rendre incohérent. Des fleuves, des arbres, des pierres, des choses tiennent lieu en apparence d'un paysage ordinaire et immuable... Mais on peut brusquement les voir comme des choses fragiles, éphémères.
Vouloir les étreindre comme des êtres chers, les tenir dans nos bras, nos gestes eux aussi éphémères...
Et si la poésie était le dernier art qu'il nous restait pour nous indigner ?
C'est une clameur humaine, où le poète dit la souffrance d'ici-bas et partout sur la terre.
La souffrance du monde, les contrées meurtries par les tragédies, qui pourrait mieux les dire et nous les transmettre qu'un poète ?
Il juxtapose les maux de notre humanité, ceux qui altèrent les paysages géographiques, ceux qui abiment les visages, les peaux, les gestes, les coeurs, les rêves... Les paysages humains...
La poésie sensible de Jean d'Amérique est à la lisière de notre monde à la dérive. Il nous fait y accoster le temps de quelques fragments de texte.

« sous les ponts ce qui se passe relève
d'un nom plus tragique que l'absence
d'amants dessus »

L'égarement du monde ressemble à ce qui anime nos pas de lecteurs.
Il y a forcément une dimension politique dans la poésie de Jean d'Amérique.
Toute poésie devrait être politique au sens noble du terme. Aimer, n'est-ce pas s'unir dans une cité ? Y ancrer cet amour ? Durablement, parfois contre vents et marées. Vivre, n'est-ce pas vivre dans une cité ? Souffrir... Mourir... Combattre... S'ériger contre... Aimer, donc...
La figure maternelle surgit brusquement, irradie la poésie de Jean d'Amérique. Elle ne vient pas de nulle part, comme cela par hasard, elle donne sens au texte.
Atelier du silence est un texte à l'écoute de notre époque. C'est cette poésie d'aujourd'hui qui doit nous aider à tenir debout, à nous accompagner, parce que tenir debout dans ce monde brutal est un combat, une lutte sans merci.

« robe au cyclone
perdre pied dans vos déluges
dans vos pluies m'étancher
quelle fête
si j'ouvre ma fenêtre
c'est que vous êtes une promesse »

Jean d'Amérique nous propose des clefs, nous délivre de nos doutes brusquement, de nos hésitations, nous donne envie d'affronter ce monde à la fois si proche de nous et qui ressemble de plus en plus à une terre inconnue au fur et à mesure qu'on avance...
Alors la poésie de Jean d'Amérique devient un territoire intime, un rivage, une île.

« L'éternité se penche
pour peupler passages »

Nous étourdir de chagrin et de rage, y mettre de la fureur, ou peut-être simplement de la détresse, allumer des feux pour guider celui qui va venir, la personne qu'on attend peut-être déjà depuis longtemps...
En découvrant un poète nouveau pour moi, chaque fois je me pose toujours la même question : est-ce un être comme un autre ? Ou bien est-il différent de nous ? Et si oui, en quoi est-il différent de nous ? En quoi participe-t-il à la beauté du monde qui m'est si chère ? En quoi ses mots pourront-ils s'ajouter à ceux des autres poètes et former une citadelle pour mieux nous protéger des barbaries, de la bêtise, des petits tracas ordinaires... ?
Les mots de Jean d'Amérique sont des briques qui scintillent, se posent l'une sur l'autre pour construire un édifice imprenable au milieu d'une volée d'oiseaux... Dans l'impatience de leur ailes.
Alors j'ai eu envie de m'envoler à mon tour...

« Si j'avais la parole
je demanderais une minute de silence
pour ma liberté d'expression étouffée. »
Commenter  J’apprécie          4726

Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
[ Temps mort ma langue ]

sur ma tête les jours
si gros silence
forfait contre le calendrier
quête-carcasse qui taille l'élan

se vouloir cœur
et se révéler faible tel l'os que ravage un feu

chaque visage
pays brisé ou fuguent les aurores
quel vent recueillera mes fragments

corps mien
mémoire que la mort se remue à remonter

dans la bouche
murailles qui pèsent aussi fort
que flamboie une colère
m'improviser oiseau
mais l'aile par les hyènes enveloppée
ai peine suffisante
à égaler sang putréfié

automnes dans la gorge
écrire ma chute à la fleur
elle délègue jusqu'à ma flamme
un imparable crachat
Commenter  J’apprécie          223
[ sous les ponts ce qui (se) passe ]

sous les ponts ce qui se passe relève
d'un nom plus tragique que l'absence
d'amants dessus
Commenter  J’apprécie          130
si tu entends une voix
c’est le vidoir qui fait chant
il y a longtemps
que le mât des cœurs s’est couché
pour compléter poussière

fleurs sous orage
vies rêves emplissent les sébiles du néant
comptées ne peuvent être les plaies
pour une ville élue au bal-charogne
si tu entends une voix
c’est le charnier qui fait chant
bouche-décharge qui mâche

une dernière étoile
le petit point bleu là-bas
on veut bien encore l'appeler ciel
le petit point bleu là-bas
c’est l'espoir
nom vaillant que porte cette lumière
à venir par les barbelés
météo où performe l'aube

à sortir des épines
le petit point bleu là-bas
c'est l'espoir
regarde autour
les balles gravitent

- notes sur un chant
Commenter  J’apprécie          10
imaginez
une rencontre à haute voix
entre des villes en fumée
cloison qu'on voile
comme si d'où qu’elles fusent
pareilles étaient les fumées

au fond si l’on regardait
brûlé serait-on

pendant que nuit et jour
s'allument des villes à la belle étoile
pendant que ça roule pas mal à Amsterdam
je défie Ghouta
de pointer une seule herbe fraîche
ou Gaza
ou Alep
toutes ces villes
mariées de force au soir des os
grises sans le vouloir
qui n’en veulent rien au déjeuner des tombes
villes qu’une chimie haute en douleur
ne laisse choisir quoi brûler pour faire parfum

ces villes en fumée
les laissera-t-on partir ainsi


- villes en fumée
Commenter  J’apprécie          10
du point je suis
d'où fleurissent plaies
à fracturer l'espace

voix fermée dans la pierre
en attente d'eau fraiche
mon vent se détache de l'arbre
pour ramifier vertiges
comment atteindre d'autres fleuves
de quel temps extraire pluie pour ma terre

nord-grand-entier sud-petit-tiers
bruit-qui-compte voix-sous-bottes
basse moyenne
ai traversé monde que voici taillé en pays
me suis coupé les pattes

pays mien je te cherche en vain
il faut t'inventer
tu secoues mes artères
plu présent que le chanvre à ma lèvre
plus chaud que l'amoureuse contre ma peau
mais le monde mur autour des convulsions
me refuse où te domicilier

ni plus avancée ni moins avancée
à pas égal avec l'humain
mon pays n'ira pas aux sommets des grandes puissances
mais partagera son échelle
oiseau rouge rage-allumette
ce sera bleu ciel pour rive cri frais pour bouche
saison blanche pour les armes
je naîtrai dans ce pays
ministère-roseau
parlement-tourterelle
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Jean d' Amérique (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean d' Amérique
Avec douze écrivains de l'Anthologie Avec Anne le Pape (violon) & Johanne Mathaly (violoncelle) Avec Anna Ayanoglou, Jean d'Amérique, Camille Bloomfield & Maïss Alrim Karfou, Cyril Dion, Pierre Guénard, Lisette Lombé, Antoine Mouton, Arthur Navellou, Suzanne Rault-Balet, Jacques Rebotier, Stéphanie Vovor, Laurence Vielle.
Cette anthologie du Printemps des Poètes 2023 proposent 111 poètes contemporains et des textes pour la plupart inédits. La plus jeune a 20 ans à peine, le plus âgé était centenaire. Tous partagent notre quotidien autour de la thématique corrosive des frontières. Leurs écrits sont d'une diversité et d'une richesse stimulantes. Ils offrent un large panorama de la poésie de notre époque. Avec notamment des textes de Dominique Ané, Olivier Barbarant, Rim Battal, Tahar Ben Jelloun, Zéno Bianu, William Cliff, Cécile Coulon, Charlélie Couture, Jean D'amérique, Michel Deguy, Pauline Delabroy-Allard, Guy Goffette, Michelle Grangaud, Simon Johannin, Charles Juliet, Abdellatif Laâbi, Hervé le Tellier, Jean Portante, Jacques Roubaud, Eugène Savitzkaya, Laura Vazquez, Jean-Pierre Verheggen, Antoine Wauters…
Mesure du temps La fenêtre qui donne sur les quais n'arrête pas le cours de l'eau pas plus que la lumière n'arrête la main qui ferme les rideaux Tout juste si parfois du mur un peu de plâtre se détache un pétale touche le guéridon Il arrive aussi qu'un homme laisse tomber son corps sans réveiller personne Guy Goffette – Ces mots traversent les frontières, 111 poètes d'aujourd'hui
Lumière par Iris Feix, son par Lenny Szpira
+ Lire la suite
autres livres classés : poésieVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (11) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1221 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}