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EAN : 9782842608460
48 pages
Editions Théâtrales. (05/11/2020)
4.21/5   7 notes
Résumé :
D'une prison haïtienne, une voix s'élève. Elle scande, dans une seule longue phrase, les malheurs du pays : pauvreté, famine, catastrophes naturelles, pouvoir corrompu, église hypocrite. C'est un cri. Un poème dramatique qui ne cherche pas l'esthétisation de la misère et de la violence politique car le poète les vit, du fond de son cachot de Port-au-Prince. Sa parole emprisonnée résonne d'autant plus qu'on l'a bafouée, empêchée, retenue. Eminemment théâtral par son ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Merci à Babélio et aux éditions Théâtrales pour l'envoi de « Cathédrale des cochons » pour l'opération masse critique. Merci pour le petit mot glissé par l'éditeur, ça ne coûte rien et ça fait moins impersonnel.

Pour tout dire, « Cathédrale des cochons » est un choix par défaut. Vu les horaires d'ouverture de « masse critique », neuf fois sur dix le choix restant quand je suis disponible, est minime.
« Cathédrale des cochons » trônait là au milieu des laissés pour compte. A peine sorti d'Haïti avec Lyonel Trouillot et son remarquable « Antoine des Gommiers », je n'ai pas hésité une seconde à y retourner.

Laissé pour compte, c'est une expression qui prend toute sa signification dans un pays comme Haïti.
Jean D'Amérique, poète Haïtien, offre un grand texte à la face d'un monde fermé, peureux, égoïste.
Un long poème qui bouscule, qui gifle. Un long poème qui se récite haut et fort, un texte qui se scande, qui se déclame sur scène en un seul acte. Un acte militant.
« Cathédrale des cochons » c'est la liberté embastillée, la parole emmurée, la pensée sclérosée, la vie niée. C'est le poète emprisonné pour, ici, un amour que certains encore aujourd'hui appellent « contre nature », là pour des publications poétiques mettant probablement la sureté de l'état en danger ou je ne sais quelle autre justification à deux balles. Un « contre nature » où la nature fait payer la misère d'un pays au prix fort entre raz de marées et tremblements de terre.
« Cathédrale des cochons » c'est l'église des porcs et leurs évangiles où sont écrits en lettres capitales PORC au PRINCE ou plutôt porcs de princes, successeurs des duvalier et autres aristide. Corruption et intimidation qui font de Haïti l'un des pays les plus pauvres au monde.
La famine n'épargne pas la population, cette famine qui tue chaque seconde plus de monde sur la planète qu'un mois de corona, cette famine entretenue et qui ne fait pas la une des journaux chaque jour.
« Cathédrale des cochons » c'est un cri, un hurlement, un appel à la conscience, à la révolte, un courage de mettre en accord actes et paroles. Une clameur teintée de défiance adressée aux «uns puissants » qui nous gouvernent.
« Cathédrale des cochons », c'est une revendication humanitaire, de la poésie à l'état brut, une poésie qui vient du fin fond des entrailles. Oh oui il y en a des tripes dans ces pages où les mots bousculent et touchent là où ça fait mal.
Court et musclé, excellent texte, nécessaire.
Début mars le premier roman de Jean D'Amérique paraîtra chez Actes Sud, un gage de qualité pour moi. Inutile de préciser que je serai de ses futurs lecteurs et que je vais me pencher sur ses recueils déjà parus.

« Je connais les mots que j'ai du mal à prononcer
Ils sont là piégés dans cet alphabet entouré de barbelés
Ils respirent mal
Ravagés par l'hiver traversant mon sang
Face au rebelle qu'on torpille sans obstacle dans la foule
Ils sont là écrasés
Rassemblés sous des cieux rouges
Qui pèsent trop fort sur ma poitrine
Je connais ces mots que bloque mon mal
Ils se préparent à mourir
Ils vont bientôt mourir
Contusionnés par des sanglots dont
Seul un coup d'oeil au pénitencier national détient la recette »
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Je découvre ce jeune auteur grâce à Babelio dans le cadre de l'opération Masse critique.
Il a déjà reçu de nombreux prix dont le prix Jean-Jacques Lerrant des Journées de Lyon des Auteurs de Théâtre en 2020 pour ce texte qui lui permet d'être édité et mis en voix.
Jean D'Amérique est né en Haïti en 1994. Il est poète, dramaturge et directeur artistique du festival Transe Poétique à Port-au-Prince.
Le personnage est un poète haïtien en prison. Il parle à son amour pour la première fois au téléphone depuis 6 mois. Il s'exprime dans un flot continu. Il n'y a pas de ponctuation, les mots s'enchaînent avec rythme. On ne peut qu'être touché par la poésie de ces mots. J'aurais aimé entendre ce texte. Les mots doivent être encore plus forts lorsqu'ils sont interprétés par un comédien. Ce monologue est court et intense. En 34 pages, on ressent toute la tristesse, la révolte et la douleur de cet homme torturé au sens propre comme au sens figuré.
L'auteur dénonce toute la pauvreté et tous les malheurs de son pays. Il fait référence à d'autres poètes et écrivains emprisonnés, comme Federico Garcia Lorca, Asli Erdogan, Nâzim Hikmet.
Un texte et un auteur à découvrir absolument ! Je m'en vais de ce pas commander un de ses recueils de poésie.
Merci aux éditions Théâtrales pour l'envoi de ce magnifique texte, l'occasion pour moi d'ajouter une nouvelle rubrique à mon blog : « Théâtre ». J'espère pouvoir vous proposer prochainement d'autres textes et auteurs contemporains à découvrir !
Lien : https://joellebooks.fr/2021/..
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Cathédrale des cochons est le genre de pièce qui nous fait méditer longtemps sur ce qu'on vient de voir ou lire.

Le vocabulaire est riche, et gorgé d'images tout aussi horribles que sublimes.

La plume de l'auteur nous porte le récit d'un poète emprisonné, torturé.

Malgré sa brièveté le texte est dense, et pas toujours évident. Ce n'est déplaisant comme j'ai cru que cela allait être lorsque j'ai débuté ma lecture. Au contraire, je pense que cela m'a permis de mieux apprécier les mots, d'apprécier tous ces symbôles.

En bref, j'ai beaucoup apprécié cette pièce et surtout la façon dont elle a été écrite. C'est une longue tirade, un grand souffle, un grand soupir de sentiments. C'est un beau texte. C'est même plus qu'un soupir c'est une hurlement qui réclame justice et paix.
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Cathédrale des cochons est un texte court à la beauté fluide, lumineuse et précise. Théâtral par son style mais puissant par son cri du coeur, Jean D'Amérique nous transcende du premier au dernier mot par une douleur, une rage, un profond désespoir au nom du peuple haïtien dont les injustes prisonniers font écho à d'autres cités tout le long de l'oeuvre mais aussi à l'actualité : Madame Aung San Suu Kyi.
Merci Babelio et les éditions théâtrales de m'avoir fait découvrir un auteur qui m'a bouleversé au plus profond de mes tripes par ses verbes, sa vision, sa maturité et que je ne risquerai pas d'oublier, il fait partie pour moi des grands du Panthéon.


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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Ils ont inventé ici une espèce de faim
qui t'autorise à te prendre pour un héros
si ton souffle y résiste quelques jours
voir des semaines
une sorte de faim qui pousse certains
à chercher des miettes de poussière à mettre sous la langue
elle porte d'autres à s'allonger sur le sol
pour s'emplir l'estomac de l'arôme des urines
t'imagines
que du vent pour balayer les bouches
ce n'est qu'au milieu de la journée qu'on te balance
une parcelle dégoûtante à avaler
préparée dans des conditions
qui ne procurent pas plus que de la répugnance
pour arriver dans ta cellule ça traverse la cour
sans prudence sous des sachets de merde
latrines ambulantes qui voguent vers je ne sais quel ailleurs
mais tu la prends
tu la prends quand même pour de la nourriture
afin d'apaiser le bal alarmant des tripes
car tu tiens à survivre
tu espères au bout de ce cauchemar
tourner la lourde page des nuits
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je connais la boue à l'affût des bouches
et Croix-des-Bossales*
et les tripes qui lâchent au vent leurs litanies brisées
je connais l'instrument cassé
qui remonte de la gorge de ces marchandes ambulantes
il mène à cette unique tasse de café
où l'on ne trempe pas plus qu'un morceau de pain
il mène à un midi muet
comme la pierre qui ignore le goût des vitres
et au soir incertain
où vont se jeter vides des milliers de ventres

* Croix-des-Bossales, plus grand marché d'Haïti situé à Port-au-Prince.
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Je connais des veines étouffées par une moderne déchirure
les murs
je connais peur abus et injustice
ce sont trois produits de l'usine policière
destinés à ceux qui portent des tresses à Port-au-Prince
comme à ceux qui portent à Paris
une peau que l'obscur a désigné noire
je connais ce poème ma douleur
il vient des aubes déchirées
il naît des yeux de Jacques Stephen Alexis* crevés par Duvalier
je connais la phrase qui débute par une larme commune
et celle qui se termine par un poing dans la gueule

* homme politique et médecin haïtien, qui s'est illustré par sa résistance à la dictature de Duvalier.
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Car j'habite ici je le sais un pays de silences

Ici les gens parlent mais crois-moi il n'y a pas de paroles

Les mots meurent et les langues brillent à être creuses

C'est un peuple élevé dans la culture du vide

Un peuple qui ne creuse pas
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je connais ces trois jours de juillet à Port-au-Prince
où la colère n’a pas attendu le bus
pour aller au travail dans la rue
ces trois jours de juillet rouge
où la faim s’est suicidée dans les supermarchés
sans demander permission à un portefeuille
la lumière parfois un pain chaud
la violence seule boulangerie
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Videos de Jean d' Amérique (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean d' Amérique
Avec douze écrivains de l'Anthologie Avec Anne le Pape (violon) & Johanne Mathaly (violoncelle) Avec Anna Ayanoglou, Jean d'Amérique, Camille Bloomfield & Maïss Alrim Karfou, Cyril Dion, Pierre Guénard, Lisette Lombé, Antoine Mouton, Arthur Navellou, Suzanne Rault-Balet, Jacques Rebotier, Stéphanie Vovor, Laurence Vielle.
Cette anthologie du Printemps des Poètes 2023 proposent 111 poètes contemporains et des textes pour la plupart inédits. La plus jeune a 20 ans à peine, le plus âgé était centenaire. Tous partagent notre quotidien autour de la thématique corrosive des frontières. Leurs écrits sont d'une diversité et d'une richesse stimulantes. Ils offrent un large panorama de la poésie de notre époque. Avec notamment des textes de Dominique Ané, Olivier Barbarant, Rim Battal, Tahar Ben Jelloun, Zéno Bianu, William Cliff, Cécile Coulon, Charlélie Couture, Jean D'amérique, Michel Deguy, Pauline Delabroy-Allard, Guy Goffette, Michelle Grangaud, Simon Johannin, Charles Juliet, Abdellatif Laâbi, Hervé le Tellier, Jean Portante, Jacques Roubaud, Eugène Savitzkaya, Laura Vazquez, Jean-Pierre Verheggen, Antoine Wauters…
Mesure du temps La fenêtre qui donne sur les quais n'arrête pas le cours de l'eau pas plus que la lumière n'arrête la main qui ferme les rideaux Tout juste si parfois du mur un peu de plâtre se détache un pétale touche le guéridon Il arrive aussi qu'un homme laisse tomber son corps sans réveiller personne Guy Goffette – Ces mots traversent les frontières, 111 poètes d'aujourd'hui
Lumière par Iris Feix, son par Lenny Szpira
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