Merci à Babélio et aux éditions Théâtrales pour l'envoi de «
Cathédrale des cochons » pour l'opération masse critique. Merci pour le petit mot glissé par l'éditeur, ça ne coûte rien et ça fait moins impersonnel.
Pour tout dire, «
Cathédrale des cochons » est un choix par défaut. Vu les horaires d'ouverture de « masse critique », neuf fois sur dix le choix restant quand je suis disponible, est minime.
«
Cathédrale des cochons » trônait là au milieu des laissés pour compte. A peine sorti d'Haïti avec
Lyonel Trouillot et son remarquable «
Antoine des Gommiers », je n'ai pas hésité une seconde à y retourner.
Laissé pour compte, c'est une expression qui prend toute sa signification dans un pays comme Haïti.
Jean D'Amérique, poète Haïtien, offre un grand texte à la face d'un monde fermé, peureux, égoïste.
Un long poème qui bouscule, qui gifle. Un long poème qui se récite haut et fort, un texte qui se scande, qui se déclame sur scène en un seul acte. Un acte militant.
«
Cathédrale des cochons » c'est la liberté embastillée, la parole emmurée, la pensée sclérosée, la vie niée. C'est le poète emprisonné pour, ici, un amour que certains encore aujourd'hui appellent « contre nature », là pour des publications poétiques mettant probablement la sureté de l'état en danger ou je ne sais quelle autre justification à deux balles. Un « contre nature » où la nature fait payer la misère d'un pays au prix fort entre raz de marées et tremblements de terre.
«
Cathédrale des cochons » c'est l'église des porcs et leurs évangiles où sont écrits en lettres capitales PORC au PRINCE ou plutôt porcs de princes, successeurs des duvalier et autres aristide. Corruption et intimidation qui font de Haïti l'un des pays les plus pauvres au monde.
La famine n'épargne pas la population, cette famine qui tue chaque seconde plus de monde sur la planète qu'un mois de corona, cette famine entretenue et qui ne fait pas la une des journaux chaque jour.
«
Cathédrale des cochons » c'est un cri, un hurlement, un appel à la conscience, à la révolte, un courage de mettre en accord actes et paroles. Une clameur teintée de défiance adressée aux «uns puissants » qui nous gouvernent.
«
Cathédrale des cochons », c'est une revendication humanitaire, de la poésie à l'état brut, une poésie qui vient du fin fond des entrailles. Oh oui il y en a des tripes dans ces pages où les mots bousculent et touchent là où ça fait mal.
Court et musclé, excellent texte, nécessaire.
Début mars le premier roman de Jean D'Amérique paraîtra chez
Actes Sud, un gage de qualité pour moi. Inutile de préciser que je serai de ses futurs lecteurs et que je vais me pencher sur ses recueils déjà parus.
« Je connais les mots que j'ai du mal à prononcer
Ils sont là piégés dans cet alphabet entouré de barbelés
Ils respirent mal
Ravagés par l'hiver traversant mon sang
Face au rebelle qu'on torpille sans obstacle dans la foule
Ils sont là écrasés
Rassemblés sous des cieux rouges
Qui pèsent trop fort sur ma poitrine
Je connais ces mots que bloque mon mal
Ils se préparent à mourir
Ils vont bientôt mourir
Contusionnés par des sanglots dont
Seul un coup d'oeil au pénitencier national détient la recette »