Imaginez un petit patelin du nord de l'Italie, un coin perdu, un endroit pour paumés, pour désabusés. Eh bien c'est là que se situe l'action du roman
Comme Dieu le veut. Dans ce lieu misérable, Rino Zena fait de son mieux pour s'en sortir mais les temps sont durs. Il n'a pas d'emploi stable (les entrepreneurs locaux préfèrent les immigrants clandestins qui sont moins exigeants, qui ne posent pas de questions…), pas de femme, et ses seuls amis sont des magouilleurs peu fiables. La seule lueur d'espoir dans sa vie : son fils unique Cristiano. Cette relation père-fils est au coeur de ce roman. Mais les services sociaux sont préoccupés de cette situation.
L'auteur
Niccolo Ammaniti nous présente un univers dur, souvent vulgaire (je pense entre à l'épisode avec la prostituée droguée dans la chambre de Rino) et parfois violent (par exemple, le meurtre et le viol d'une jeune fille). Un univers qui n'épargne personne. Chaque fois qu'un personnage essaie de s'élever au-dessus de sa situation minable, un contre-coup du sort le remet à sa place, même pire. Rino, toujours sans emploi, décide de « faire un coup » pour s'enrichir rapidement. Comme si l'argent allait tout régler ! Dans tous les cas, rien n'est aussi facile et les emmerdes s'accumulent trop rapidement, surtout quand ses potes Danilo Aprea et Quattro Fromaggi ne sont pas à la hauteur… Son fils qui veut plaire à tout prix, qui a mauvaises fréquentations, les gosses du coin sont superficiels, ne pensent qu'à s'en aller ou à consommer. Même l'assistant social Beppe Trecca chargé de veiller sur Cristiano a des squelettes dans son placard. Bref, des problèmes partout.
En tant que lecteur, on peut s'appitoyer un moment sur le sort des deux Zena mais ils sont toujours confrontés à la vulgarité et à la violence. À la fin, leur misérabilisme devient lourd à porter. Puis les malheurs successifs de chacun finissent par les abrutir et leur faire perdre le peu de pitié qu'on ressentait pour eux. Voire, à ne ressentir qu'indifférence à leur endroit.
J'avais beaucoup aimé
Je n'ai pas peur, un autre roman d'Ammaniti. Toujours cette Italie… Mais il ne nous présente plus un univers d'enfant innocent et un tantinet enchanteur, peut-être pauvre – quoique, qui s'en soucie à un jeune âge ? – mais encore caressé par le soleil chaud et réconfortant du sud. Non, dans
Comme Dieu le veut, il nous confronte à une histoire plus crue, à la nuit, la pluie, aux torrents de boue, à tout ce que la vie peut balancer à la figure. Dès le début, on plonge de plein fouet dans le monde des adultes, dégueulasse, sombre, sordide.
Ce qui sauve ce roman, selon moi, c'est deux éléments. D'abord, les personnages. Ils sont criants de vérité. J'y ai cru, quand Cristiano explique dès le début ses déboires avec son père alcoolique, ou bien quand il raconte la mort de son chien, écrasé par un camion. Ces petites tranches de vie donnent le ton rapidement tout en dévoilant beaucoup en peu de mots. Pareillement pour les autres personnages, haut en couleurs mais crédibles : Danilo Aprea et Teresa, Quattro Fromaggi, Fabiana Ponticelli et son amie Esmeralda, Beppe Trecca. L'auteur a un don pour faire ressortir le pire en chacun, mais également le meilleur ou, du moins, une lueur d'espoir avec laquelle il s'amuse pour garder l'intérêt du lecteur. L'autre élément, c'est la narration et l'organisation du récit. de brefs chapitres, changeant de point de vue, permettant d'avoir l'idée de chacun sur les événements de l'histoire. Rythme rapide, émotions intenses.
En terminant, même si
Comme Dieu le veut ne m'a pas plu autant que je l'aurais souhaité, il m'a tout de même intéressé. Je lirai d'autres romans de
Niccolo Ammaniti. Sa plume très évocatrice (certaines scènes sont dorénavant gravées dans mon cerveau !), son don pour décrire les situations, surtout les plus pénibles, n'a pas son égal, ou si peu. Aussi, il force la réflexion sur des enjeux qui, s'ils sont amenés sous un angle spécifique à l'Italie, ont une une portée universelle. On n'en sort pas indemne.