La révolte des Tuchins, l'une des jacqueries les plus longues, s'étendit de 1363 à 1384 et toucha l''Auvergne à partir de 1363, puis se propagea dans tout le Languedoc et s'intensifia entre 1381 et 1384. Le tuchinat (...) fut bien davantage qu'une simple jacquerie antitaxes, car il incarna la manifestation d'une solidarité villageoise et un réflexe de survie tentant de soustraire les biens de la communauté à la convoitise des pillards. Sa forme d'organisation révéla une prise de conscience de la nécessité de mettre en place une défense commune reposant sur des regroupements de communautés. Le tuchinat s'appuyait sur des liens de sociabilité qui sous-tendaient la vie communautaire des villages et sur une logique géographique et de voisinage. Les révoltés, qui ne se désignaient pas sous le vocable de Tuchins mais sous celui de companhos, sous-entendaient ainsi la permanence d'un lien social et l'existence d'un devoir d'entraide et étaient perçus ainsi par tous les membres des communautés concernées.
Au long du XXème siècle, la logique de concentration a produit une civilisation urbaine sans villes véritables; dans les agglomérations se trouve un centre inhabité où tout le pouvoir est concentré dans les mains d'une élite industrielle, financière et immobilière, entouré d'aires suburbaines de plus en plus étendues et peuplées par des masses salariées.(...) C'est un produit de la décomposition de la réalité urbaine qui est apparu avec l'émergence de l’État moderne; constitué d'un ensemble de fragments dénaturés et disséminés dans l'environnement, sans vie publique, sans communication normale, un espace brisé où est malheureusement entassée la population massifiée et uniformisée.
L'aménagement du territoire, dont la conception dépendait des ingénieurs et des architectes, a prétendu être une discipline scientifique; il ne fut que la caution juridique apportée à l'action des "agents économiques" et servit à légaliser les actes arbitraires et les excès des constructeurs, des industriels et des spéculateurs immobiliers. Il n'était finalement rien d'autre que le déguisement scientifique de la promotion immobilière.
Sécession et résistance n’ont pas pour seul objectif une survie isolée : elles doivent permettre la consolidation de la communauté et l’abolition du capitalisme. Le rétablissement des anciennes communes libres, la création d’une monnaie “sociale”, ainsi que de circuits courts de production et de consommation coopératifs, ou encore la récupération des terres communales, ne doivent pas devenir des voies “alter capitalistes” et des prétextes à l’inactivité et au citoyennisme. Leur but dans le domaine de l’oikos est la production de valeur d’usage, et non de valeur d’échange. Ce ne sont pas des traits identitaires du ghetto rural convivial, mais des aspects distincts d’une même lutte pour un territoire émancipé de la marchandise et de l’État, dont l’atmosphère peut libérer ceux qui la respirent.
Landauer décrit admirablement ce qu'il appelle un "grandiose raccourci", ce "laps de temps incroyablement court" où s'accomplit, comme dans un rêve, la totalité du possible révolutionnaire, avant que ne revienne le "jour gris" du long découragement, qui pourtant n'effacera pas la mémoire de cette irruption de l'esprit, jusqu'au retour de la lumière, lorsqu'une fois encore, comme il l'écrit dans l'Appel au socialisme (1911), "l'incroyable, le miracle se déplace vers le royaume du possible".