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EAN : 9782845873162
204 pages
Tarabuste editeur (31/05/2015)
5/5   3 notes
Résumé :
Toujours, dans les poèmes, c’est le jour qui commence. Dans les premiers surtout. Ceux où, pour la première fois, s’est levée cette clarté. Parce qu’ils sont du langage à l’état naissant, le monde y apparaît comme on ne l’avait jamais vu. Non plus comme un spectacle mais comme cette lumière où les choses n’ont pas encor pris forme, où elles se cherchent, comme les premiers mots au bord du vide de ce qui les appelle.
Oui, les poèmes sont du jour dans le langag... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
La lecture d'un recueil de poésie agit toujours comme une parenthèse placée au coeur du temps, ouverte sur le seul instant et les résonances secrètes que portent en eux les mots. J'ai particulièrement éprouvé cette impression à la lecture du livre de Jacques Ancet, le Jour commence.

Je connaissais déjà la poésie de Jacques Ancet au travers de plusieurs de ses recueils mais aussi de ses traductions faites de l'espagnol des oeuvres de Saint-Jean-de-la Croix, de Roberto Juarroz ou encore de Jorge-Luis Borges et d'Alejandra Pizarnik.
Le jour commence est le premier volume d'une série d'ouvrages consacrés à l'oeuvre poétique de Jacques Ancet. Il regroupe des poèmes écrits de 1966 à 1976

La durée et le rythme sont des composantes importantes de son écriture. Chacun accentue le sens et la tonalité des mots et fait naître des images évanescentes au charme envoûtant.

« souvenons-nous toujours de la lumière
sur les fleurs roses du pêcher
de la lenteur des gestes
une main sur un front
de la lenteur des choses
cette lenteur terrible de la vie
comme une boucle qu'on dénoue »

Pris séparément, chaque vers porte en lui une image, une sensation. Accolé progressivement à d'autres, il créé un récit d'une troublante beauté, comme un sens qui se démultiplie et fait naître le poème.

Dans des textes de longueur variable, le poète s'enquiert de l'intime, du temps passager, d'un geste simple, d'un jeu d'ombres et de lumière, des rumeurs du dehors, de la présence d'un objet pour faire advenir les mots, les sonorités les plus sensibles.
Le corps, les mains, les yeux, le son d'une voix, un paysage lointain ou encore un arbre dans le jardin, une saison finissante, le vol d'un oiseau, sont quelques-uns des réceptacles les plus utilisés par Jacques Ancet pour rendre compte des nuances, des changements, des surgissements de couleurs, de temps et de silences.

« et chaque fois que nous posons les yeux
sur la page quelque chose
se dérobe à nous
de l'incroyable beauté des choses
le temps à peine de le dire
la montagne brûle et s'éteint
la rose dans la haie retient le silence
comme la lèvre son haleine
les oiseaux dans leurs cris
semblent se disputer
ce que le vent en passant a laissé
de l'éphémère parfum d'un monde qui s'en va »

Même si les textes de la fin du recueil tendent vers l'abstraction, où les vers semblent se désagréger, les mots se séparer les uns des autres, ils restent tous empreints de nostalgie, de fatalité mais aussi et surtout d'émerveillement, et rendent compte d'un précieux rapport au monde.

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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
ALPHABET

Chaque jour
puisqu'il faut vivre
- ce qu'on appelle vivre -,
chaque jour je bâillonne
cet enfant bleu qui crie
derrière la mémoire,
je casse en deux sa voix,
la frêle flûte d'air,
je le boucle
à double tour,
je refuse d'entendre
son eau coulant très loin,
de voir ses pas de neige,
je ne veux plus sentir
cette angoisse du temps
perdu, cette absence,
cette vie qui s'en va,
je me jette tête baissée
dans la grisaille,
je mets le masque,
j'avale tout, les horaires vides,
matins et soirs,
je n'écoute plus,
je m'aveugle d'images,
jusqu'à ce coin de rue,
ce jardin triste,
cette chambre peut-être,
où, malgré moi,
ma bouche épelle encore
un alphabet d'insectes et de nuages.
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LUEUR

Écoute en ta mémoire la rumeur
de l'enfance, cette averse égrenée
sur la vitre, tandis que bouge et tinte un rameau sous le vent. Écoute aussi

quand tout n'était encore que reflets pénombre et cils d'une pluie fugitive, parler cette voix que tu ne comprends pas
dans la douceur d'une chambre imprécise.

Il n'y avait alors que ce frisson
sur la peau, ce froissement de nuages, cet immobile égouttement des heures qui peu à peu luisaient dans le silence.

Quelqu'un te souriait. Tu regardais
le jardin gris à travers le flocon lumineux du rideau, tu attendais,
et, lentement, du devenais la pluie.


(extrait de "Le songe et la blessure" - p. 66).

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CHANSON

Tu me regardes. Tu souris :
les choses brillent dans tes yeux.
Tu dis: "arbre" et l'arbre fleurit,
poudre de neige, feuilles bleues.

Tes mains enfantent des oiseaux
fuyant en un bruissement d'ailes
au fond du jour, et tout est beau
quand la nuit monte au bord du ciel.

Et ton pas trouve les échos
perdus au ventre gris des pierres,
sourdes rumeurs, presque des mots
qui parlent d'une autre lumière

la même qui, obscure, douce,
luit toujours au creux de ton corps
et m'appelle, comme en la source
la perle bleue de l'eau qui dort.
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Un rayon d'or poudroyait et fumait
sur les meubles lustrés par le silence
et l'haleine du temps. A la fenêtre
l'après-midi jaunissait sur les champs
puis rougeoyait à la cime des arbres.
Un calme immense illuminait le ciel.
Contre la vitre une mouche bruissait.
Muets, nous regardions tomber le soir
toujours semblable, toujours différent,
où se mêlaient souvenirs et présages
comme au miroir de cette chambre morte,
et l'ombre de la branche sur le mur
frémissait en un grêle dessin,
signe secret et tendre de la vie.


(extrait de "L'Autre pays" - p.54)
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LE SONGE ET LA BLESSURE (1969-1970)



(Nocturne inachevé)

Aujourd'hui le temps saigne sur la vitre.
Un vent d'absence y vient mêler les cendres
d'on ne sait quel feu mort. Un volet grince
et claque par moment. On guette encore
cette rumeur de vie sous les échos
et la rumeur des jours, comme une eau lisse
où vient sauter la pierre. Mais on sait bien
qu'on ne pourra jamais l'entendre.
On reste là quand même, et on attend :
peu à peu le soir glisse sur la page,
couvrant les mots et la main qui les trace.

La lampe qu'on allume elle aussi saigne
et les mots s'illuminent un instant.
Puis tout s'éteint. Que crois-tu donc, poète,
qu'une lampe suffit à éclairer
la nuit têtue de l'encre et du destin?
Car tout retombe au centre de la page,
tout se brise toujours, telle la pluie
qui s'est mise à tomber contre la vitre.
On écoute pourtant : le long des murs
le temps suinte et coule ; on se regarde
dans le reflet étrange d'un regard.

La nuit est une eau noire où flottent des
lambeaux d'espoirs, des lueurs, des regrets,
des voix perdues, des mains, un froissement
trouble et très lent d'images déchirées,
une lente agonie de chaque chose
en chaque chose et de l'homme en lui-même.
Une porte se ferme. Une fenêtre.
Dans le silence effrayant des paupières,
au bord du puits obscur de la mémoire
dont nul ne sait s'il pourra revenir,
tous se cachent pour perdre leur visage.

La nuit. Le lieu de l'impossible amour
où chaque fois nous nous brûlons en vain.
Tu me souris, mais tu es trop fragile
pour que sans te briser ma main te touche,
ô toi si proche, si lointaine, seule
à l'orée de ce songe où tu m'attends:
un jour de ciel, un silence d'oiseaux,
un champ de terre rouge et un cyprès
dressé contre le mur d'une maison de pierre,
un lent chemin que frôlent nos deux ombres
au cercle d'or d'un éternel été.


Mais on vieillit et le songe s'éloigne,
tel un écho de pas dans la rue vide,
léger mais persistant. La main se pose
sur la page inutile où çà et là
sont échoués les mots. Les yeux se ferment.
Il n'y a plus qu'à écouter encore
sous le silence et la cendre des heures
éparpillées, ce feu de la mémoire
craquant très loin, voix de flamme et de braise,
voix d'enfance et de mort. Le vent s'est tu,
la pluie aussi: il faut attendre l’aube.
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Videos de Jacques Ancet (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jacques Ancet
POÉSIE HISPANIQUE – l’Espagne contemporaine : de l'Ultraísmo à Sanchez Ortiz (France Culture, 1982) Une compilation des émissions « Albatros », par Gérard de Cortanze, diffusées les 3, 10, 17, 24 et 31 janvier 1984 sur France Culture. Invités : Jacques Ancet, Saül Yurkievich, Claude Miniere et Severo Sarduy. Poètes évoqués : José Angel Valente, Pere Gimferrer, Andres Sanchez Robayna, Julian Rios et Emilio Sanchez Ortiz.
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