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Silvia Baron Supervielle (Traducteur)Claude Couffon (Traducteur)
EAN : 9782742758708
352 pages
Actes Sud (08/11/2005)
4.38/5   24 notes
Résumé :

" Alejandra habitait un appartement minuscule au cœur de Buenos Aires. [...] Près de son bureau, elle avait épinglé une phrase d'Artaud : " Il fallait d'abord avoir envie de vivre. " La chambre était sobrement meublée : le bureau, un lit, quelques livres et un petit tableau noir sur lequel elle ébauchait ses poèmes, à la façon d'un sculpteur, entaillant à petits coups un bloc qu'elle savait receler qu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Alejandra Pizarnik est une des voix majeures de la poésie argentine contemporaine. Si dans sa période de formation, Pizarnik a été marquée par le mouvement surréaliste, elle a également été influencée par les néo romantiques et les avant-gardistes argentins de la fin des années cinquante. Son écriture devient par la suite singulière et s'affirme dès son séjour à Paris pour prendre une ampleur et une profondeur remarquables.

Oeuvre poétique n'est pas un ouvrage exhaustif de sa production mais contient huit recueils essentiels de son art poétique. D'une très forte densité expressive et émotionnelle, l'écriture d'Alejandra Pizarnik est travaillée avec une exigence inouïe et une sincérité absolue, constamment traversée par un questionnement de la création et la quête d'un langage idéal, interrogeant le pouvoir des mots et de la langue, sorte de recherche d'écriture totale empreinte autant de musicalité que de fécond silence. Pour Pizarnik, seuls le poème et le langage ont une réalité.
Toujours à la frontière de la prose et du vers, condensée, souvent furtive, sa poésie douloureuse et très personnelle se met parfois en danger, joue avec la folie et le mal de vivre mais reste aussi vive qu'intelligemment pure, construite d'ellipses et d'allégories puissantes, où dominent le style fragmentaire et des poèmes formellement brefs.
De même que l'enfance perdue, l'innocence et la magie des mots sont des thèmes récurrents, le dénuement existentiel, la solitude, l'absence de l'être aimé et la mort sont également présents, comme les voix multiples et les jeux de miroirs qui diffractent un moi poétique qui se voudrait très concentré et en recherche d'identité.
Si Alejandra Pizarnik a interrogé l'écriture poétique comme possible refuge et instant de félicité, finalement rien dans son expérience esthétique n'a pu la sauver. Elle nous laisse en héritage une oeuvre poétique extrêmement talentueuse et incroyablement bouleversante.
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
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Après Texte d'Ombre, je continue la lecture de cette poétesse argentine en empruntant à la bibliothèque ce volume épuisé chez Actes Sud. L'objet livre tout d'abord attire l'attention par le rose de sa couverture et sa forme allongée. Je suis forcée de noter tout de même qu'il n'atteint pas physiquement la qualité des publications d'Ypsilon. Ce premier constat est l'occasion de remarquer le travail des typographes et éditeurs et l'impact qu'il a sur la lecture d'un texte poétique. le livre d'Actes Sud étant plus dense et moins aéré, je perds en confort de lecture et m'attarde moins sur les mêmes mots qui m'avaient bouleversés chez Ypsilon.

La traduction ensuite, ici Silvia Baron Supervielle er Claude Couffon se partage les huit recueils composant l'édition. Je ne m'attarderai pas sur ce point, si ce n'est que quoique ponctuellement différente, la traduction est très globalement similaire, pour un même poème, à celle d'Étienne Dobenesque pour Textes d'Ombre. Je constate également qu'Oeuvre poétique, contrairement à ce que son titre laissait présager n'est pas tout à fait exhaustif. Plusieurs textes inédits ont été intégré dans l'édition d'Ypsilon que je ne retrouve pas ici. Les éditeurs n'ont pas non plus fait les mêmes choix dans l'ordonnancement des poèmes.

Parlons poésie maintenant. Une fois encore, les vers d'Alejandra Pizarnik me saisissent. J'ouvre le livre au hasard :

un trou dans la nuit
soudain envahi par un ange

Et c'est bien ainsi que j'aime lire Pizarnik, au hasard des pages, m'emplir des vers, des mots. du temps suspendu, du temps triste, de l'espace sauvé. Chaque ligne est une surprise, une course arrêtée dans mon quotidien, et chaque fois la même émotion. Presque systématique.

Quelqu'un mesure en sanglotant
l'étendue de l'aube.
Quelqu'un poignarde l'oreiller
en quête de son impossible
place de repos.

A trop lire Alejandra Pizarnik, je suis facilement envahie par une profonde mélancolie, triste et parfois désespérée. A lire quatre vers de manière impromptue, je m'attache d'avantage aux espaces ouverts. Je suis rassérénée.

Tous les recueils n'ont pas la même tonalité, le rapport à l'Autre, s'il est toujours présent n'est jamais autant développé que dans Textes d'Ombre. le vide, l'impossible, l'inaccessible, le « presque là » sont autant de notions récurrentes et justement dites. L'exil, la mort, les fleurs, le vent. A tout lire d'affilée, j'en perd l'empreinte propre à chaque recueil.
Lien : https://synchroniciteetseren..
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Silvia Baron Supervielle écrit dans la préface de ce livre: « Quelqu'un se lance dans le vide, fait des tours sur soi-même et retombe dans un lieu ignoré, mais reconnaissable, qui est un centre absolu. le poème exécute une voltige et se pose sur la terre, y créant un nouveau battement.

(…) Ce qui s'offrait à mes yeux oeuvrait sur un champ intact que seules les forces et la fureur de l'innocence étaient capables d'atteindre.(...) très jeune, penchée sur ses écrits, Alejandra brave déjà le danger imminent, mortel, prend des risques, s'expose en se lançant toujours plus haut et plus loin dans le vide. Ses signes recréent les blancs, les retiennent, les libèrent, recréent les mots qui se plantent comme des couteaux dans le papier. La résonance du silence y reste suspendue. Mais malgré la mort qu'elle défie sans désemparer, elle hésite, elle a encore un léger espoir. C'est un espoir extra-lucide dépourvu d'illusion. »
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Pizarnik c'est le modèle de la poésie féminine moderne.
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Citations et extraits (66) Voir plus Ajouter une citation
VERT PARADIS
étrange que je fus
lorsque voisine de lointaines lumières
j'accumulais des paroles très pures
pour créer des silences nouveaux
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Rien que la soif
et le silence
nulle rencontre

prends garde mon amour prends garde
à la silencieuse dans le désert
la voyageuse au verre vide
prends garde à l'ombre de son ombre


sólo la sed
el silencio
ningún encuentro
cuídate de mí amor mío
cuídate de la silenciosa en el desierto
de la viajera con el vaso vacío
y de la sombra de su sombra
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ARBRE DE DIANE
(29) à André Pieyre de Mandiargues
Nous vivons ici-bas une main serrée sur la gorge.
Que rien ne soit possible était chose connue de ceux qui inventaient des pluies et tissaient des mots avec la torture de l'absence. C'est pourquoi il y avait dans leurs prières un son de mains éprises du brouillard.

(30) dans l'hiver fabuleux
la complainte des ailes sous la pluie
dans la mémoire de l'eau des doigts de brouillard.
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Sans toi
le soleil s'abat comme un mort délaissé
Sans toi
je me prends dans mes bras
et je me porte vers la vie
afin d'y mendier la ferveur
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La nuit, encore la nuit, la sagesse magistrale du noir, le frôlement chaud de la mort, un instant d'extase pour moi, héritière de tout jardin défendu.

Des pas et des voix du côté du jardin. Des rires à l'intérieur des murs. Ne va pas croire qu'ils sont vivants. Ne va pas croire qu'ils ne sont pas vivants. Á tout moment la fissure dans le mur et la subite débandade des fillettes que je fus.

Tombent des fillettes de papier multicolore. Parlent-elles les couleurs ? Parlent-elles les images de papier ? Ne parlent que les dorées et il n'y en a pas une seule par ici.

Je vais entre des murs qui se rapprochent, qui se rejoignent. Toute la nuit jusqu'à l'aurore je psalmodiais : s'il n'est pas venu c'est qu'il n'est pas venu. J'interroge. Qui ?

Elle dit qu'elle interroge, elle veut savoir qui elle interroge. Toi, tu ne parles plus à personne. Étrangère à en mourir elle se meurt. Autre est le langage des mourants.

J'ai gaspillé le don de transfigurer les interdits (je les entends respirer à l'intérieur des murs). Impossible de raconter mon jour, mon parcours. Mais elle contemple absolument seule la nudité de ces murs. Pas une fleur ne pousse ni ne poussera du miracle. Au pain et à l'eau toute la vie.

Au faîte de la joie je me suis prononcée à propos d'une musique jamais entendue. Et alors ? Plaise à Dieu que je puisse vivre en extase seulement, faisant de mon corps le corps du poème, rachetant chaque phrase de mes jours et de mes semaines, pénétrant le poème de mon souffle à mesure que chaque lettre de chaque mot aura été immolée dans les cérémonies du vécu.
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Videos de Alejandra Pizarnik (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Alejandra Pizarnik
INTRODUCTION : « Le siècle qui commence trouve une Argentine confiante en l'avenir. le positivisme à la mode met une foi illimitée dans les avancées du progrès et de la science, et la croissance de la jeune république autorise une vision optimiste du destin national. La classe dirigeante a bâti son programme sur la base d'une instruction publique et gratuite pour tous, destinée à réaliser l'intégration culturelle de la deuxième génération d'une masse énorme et hétérogène d'immigrants à peine débarqués d'Europe. Cette Argentine, qui est à l'époque une toute jeune nation - sa guerre contre les Indiens n'est terminée que depuis vingt ans -, dépend économiquement de l'Angleterre, est fascinée par la culture française et admire autant l'opéra italien que la technologie allemande. Ce qui ne l'empêchera pas de tâtonner à la recherche de sa propre identité, à la faveur d'un sentiment nationaliste exacerbé dès 1910 […]. L'avant-garde poétique porte le sceau du modernisme, largement diffusé à Buenos Aires par Rubén Darío qui […] marquera d'une empreinte durable la vie culturelle du pays. […] La quête de la modernité inscrite dans le nouveau courant anime déjà ce pays avide de rallier un monde qui ne jure que par Le Louvre, la Sorbonne et Montparnasse. […].  […]  La seconde décennie du siècle […] marque un tournant décisif dans la réalité argentine. […] Hipólito Yrigoyen accède au pouvoir. Avec lui surgit une nouvelle classe sociale, issue de l'immigration et amenée, pour un temps, à prendre la place de la vieille oligarchie qui a dirigé le pays depuis les premiers jours de l'indépendance. […] Cette modernité, qui relie les poètes argentins à l'avant-garde européenne, se concrétise avec le retour au pays de Jorge Luis Borges, en 1921. […] Dans un article polémique paru dans la revue Nosotros (XII, 1921), Borges explique : « Schématiquement, l'ultraïsme aujourd'hui se résume aux principes suivants : 1°) Réduction de la lyrique à son élément fondamental : la métaphore. 2°) Suppression des transitions, des liaisons et des adjectifs inutiles. 3°) Abolition des motifs ornementaux, du confessionnalisme, de la circonstanciation, de l'endoctrinement et d'une recherche d'obscurité. 4°) Synthèse de deux ou plusieurs images en une seule, de façon à en élargir le pouvoir de suggestion. » […] […] les jeunes poètes des années 20 se reconnaissent au besoin qu'ils éprouvent de revendiquer une appartenance et de se trouver des racines. […] Il faut attendre une dizaine d'années encore pour que, dans le calme de l'époque, de jeunes créateurs, avec l'enthousiasme de leurs vingt ans, apportent un élan nouveau et de nouvelles valeurs poétiques. Prenant leurs distances par rapport à l'actualité, ils remettent à l'honneur le paysage et l'abstraction, ainsi qu'un ton empreint de nostalgie et de mélancolie. […] Les années 60 correspondent en Argentine à une période d'apogée culturel. le secteur du livre est en plein essor ; de nouvelles maisons d'édition voient le jour et, conséquence du boom de la littérature sud-américaine, la demande d'auteurs autochtones augmente, ce qui facilite l'émergence de noms nouveaux. […] La génération des années 70, à l'inverse, est marquée au coin de la violence. Plus se multiplient les groupes de combat qui luttent pour l'instauration d'un régime de gauche, plus la riposte des dictatures militaires successives donne lieu à une répression sanglante et sans discrimination qui impose au pays un régime de terreur, torture à l'appui, avec pour résultat quelque trente mille disparus. […] » (Horacio Salas.)
CHAPITRES : 0:00 - Titre
0:06 - Alejandra Pizarnik 2:30 - Santiago Kovadloff 3:26 - Daniel Freidemberg 4:52 - Jorge Boccanera
5:51 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Horacio Salas, Poésie argentine du XXe siècle, traduction de Nicole Priollaud, Genève, Patiño, 1996.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Alejandra Pizarnik : https://universoabierto.org/2021/09/27/alejandra-pizarnik/ Santiago Kovadloff : https://www.lagaceta.com.ar/nota/936394/actualidad/santiago-kovadloff-argentina-pais-donde-fragmentacion-ha-perdurado-desde-siempre.html Daniel Freidemberg : https://sites.google.com/site/10preguntaspara1poeta
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