Sache que je suis la matrice
D'où surgit l'ensemble des êtres ;
C'est en moi que naît l'univers,
C'est en moi qu'il sera détruit
Il n'est rien de plus primordial
Que moi : les mondes et les êtres
Sont tous suspendus en moi, comme
Un rang de perles sur un fil.
Je suis la clarté de la lune
Et du soleil, le son dans l'air,
La syllabe Ôm dans le Véda,
Et je suis la saveur de l'eau.
Je suis le parfum de la terre
Et la virilité des hommes,
L'éclat du feu, la vie des êtres,
Et l'abstinence des ascètes.
Je suis le germe primordial
Au sein même de tous les êtres,
La sagesse de ceux qui savent,
La splendeur des grands de ce monde.
Je suis la force chez le fort
Libre d'attache et de désirs,
Et je suis le désir lui-même
Lorsqu'il se conforme au devoir.
Je suis commencement et fin,
Origine et dissolution,
Foyer, refuge, amant fidèle,
Matrice et germe impérissable.
Je suis la chaleur du soleil,
Je retiens ou verse la pluie ;
Je suis la mort et l'immortel,
Et tout ce qui est ou n'est pas.
Il t'appartient d'agir sans jamais un regard
Pour les fruits de l'action.
Ne fais jamais du fruit de l'action ton mobile,
Mais ne sois pas non-plus attaché à la non-action.
C'est en agissant au coeur de l'action
Qu'on est délivré de toute attache, Arjuna.
Demeure égal dans le succès comme dans l'insuccès.
C'est cette égalité même,
Qui est détachement intérieur.
Lorsque ta conscience aura traversé
Le labyrinthe des ténèbres,
Tu n'auras plus besion de savoir
Ce qui se dit et ce qui se dira.
Lorsque ta conscience,
Ecartelée par tout ce qui se dit,
Deviendra immobile,
Immuable en elle-même,
Alors tu atteindras
Au détachement intérieur.
Arjuna :
Tu pleures sur des êtres qui n'ont pas à être pleurés,
Et tu dis des paroles de sagesse.
Mais les sages
Ne pleurent ni les morts ni les vivants.
Jamais je n'ai été sans être, ni toi non plus,
Ni ces princes des hommes,
Et jamais ne viendra le temps où nous cesserons
D'avoir une existence.