À sa façon, Montaigne dresse un bilan. Il était, si l'on peut dire, temps de le faire, car le trouble qui s'est, avec le siècle, installé dans la conscience de soi et du monde est aussi le produit de ce qui, à côté de l'Église et du Prince, constitue désormais un troisième pouvoir : la culture, ainsi que l'ont souligné Chastel et Klein. La "crise" du XVIe s s'inscrit dans un mouvement à long terme qui conduit, intellectuellement, du Moyen Âge à l'Âge moderne ou, pour reprendre la formule d'Alexandre Koyré, "du monde clos à l'univers infini". On perdrait une dimension essentielle de la Renaissance maniériste si l'on négligeait cette donnée fondamentale dans les mutations en cours et l'incertitude qui les accompagne.
C'est en 1543 seulement, treize ans après en avoir achevé la rédaction, que Copernic publie son "De Revolutionibus orbium coelestium". Ce petit ouvrage consacre la perte par l'homme de sa centralité dans le monde - et l'année 1543 marque, pour Koyré, la fin du Moyen Âge et le début des temps modernes. Pour décisive qu'elle soit, la révolution copernicienne s'inscrit néanmoins dans la durée, comme le suggère Copernic en personne quand, dans sa lettre de dédicace au pape Paul III, il indique avoir été incité à ses recherches en 1514 par Paul de Middelburg qui présidait alors à Rome, sous Léon X, au travail de réforme du calendrier qui ne verra le jour que sous Grégoire XIII, en 1584. Or Paul de Middelburg avait été un personnage important de la cour de Fréderic de Montefeltro à Urbino : médecin et astrologue du prince, il y enseignait en 1479 la géométrie et l'arithmétique et participait déjà aux débats sur la question de l'héliocentrisme. Les prémisses de cette révolution mentale avaient été cependant formulées dès la première moitié du XVe siècle, au plan philosophique et théologique et sans inquiétude particulière. En même temps que la "coïncidence des opposés", la "Docte Ignorance" de Nicolas de Cues posait en principe que la Terre est en mouvement, aussi infime soit-elle, et que tout homme, où qu'il soit dans le monde, sur terre ou dans le soleil, se pense le centre du monde. Plus diffusée alors qu'on n'a parfois tendance à le croire, cette pensée inaugurait une théorie de la connaissance fondée sur la relativité des points de vue, sur le mouvement universel du monde créé, et donc sur la disparition du cosmos hiérarchisé et fixe d'Aristote.
l'artiste maniériste "sent glisser sous ses pieds toute foi et toute certitude, il ne lui reste qu'à sauter l'obstacle et s'approprier les lois mêmes de cette fermentation infinie de la matière (…). Quand on craint quelque chose que l'on perçoit comme un danger constant, la réaction la plus immédiate est d'absorber ce qui effraie, en l'exhibant pour le conjurer."
Conférence dans le cadre des Congrès scientifiques mondiaux TimeWorld : TimeWorld expose et anime la connaissance sous toutes ses formes, théorique, appliquée et prospective. TimeWorld propose un état de l'art sur une thématique majeure, avec une approche multiculturelle et interdisciplinaire. C'est l'opportunité de rencontres entre chercheurs, industriels, universitaires, artistes et grand public pour faire émerger des idées en science et construire de nouveaux projets.
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Après un Diplôme National des Beaux-Arts à Montpellier, Francesca Caruana étudie l'esthétique à Paris 1-Sorbonne, avec Daniel Arasse, puis la sémiotique de l'art avec G. Deledalle. Docteur en arts plastiques et sciences de l'art, maître de conférences à l'université de Toulouse le Mirail de 1998 à 2005, puis à l'université de Perpignan, où elle vit. Chargée de mission culturelle pour l'UPVD. Initiatrice de la manifestation «Questions d'art» à l'UPVD. Son travail plastique s'appuie sur le rapport entre le hasard et le construit, donnant lieu à une diversité de formes : la fois à des installations réalisées à partir de résidus, d'objets trouvés ou issus de cultures tribales, à des peintures mêlant la gestualité et la rigueur du dessin, et/ou à des versions multimédia.
Conférence : le construit est-il l'unique condition de la perception ?
Lue par Hervé Fischer
29 juin 2022, 13h45 - 14h30 — Amphi 24
Une conception matérialiste pourrait nous faire croire qu'il suffit d'être confronté à l'existant pour le rendre visible. La perception dépendrait donc de la seule visibilité de son construit. Si la posture scientifique nous autorise à le penser, elle n'exclut pas pour autant la perception de certains inconstruits, nous obligeant à interroger la relation entre l'existant et le réel. Une approche sémiotique du réel interroge d'une part ce que la construction fonde comme perception commune, et d'autre part la présence d'éléments exogènes et variables dans la construction tels que le cadrage, la sérendipité, l'imaginaire, l'intentionnalité, comme autant de facteurs non visibles, mais qui réduisent la perception du réel à être le miroir de notre culture.
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