Inclassable et jubilatoire appel à une militance d'un genre nouveau, un régal qui heurte.
Paru en 2005 chez Verticales, après deux premières publications aux éditions
Al Dante, le troisième opus d'
Eric Arlix est un texte bien curieux, à la fois adresse, manifeste, construction idéologique secrète, journal de bord fictif, méthode de développement politique personnel ou encore pamphlet intransigeant de la non-résignation face aux rudesses ambiantes triomphantes.
« Je + Nous = Jou », en réduisant à sa plus simple expression, abusivement, l'équation complexe proposée par l'auteur, exprime sur un mode ludique et néanmoins extrêmement sérieux, nourri par un sens joyeux de la formule qui cible pile, une tentative d'extraire du désenchantement un militantisme radical et collectif, en rejet évident de l'abjection capitaliste terminatorienne, mais presque autant en volonté d'unir, synthèse désormais extraordinairement difficile, l'aspiration individuelle libertaire, trop nourrie par les sirènes consuméristes ou anarchisantes à la petite semaine, et l'indispensable émancipation collective, apparemment toujours davantage hors d'atteinte, égratignant d'ailleurs largement au passage la tentation peu productive de la fuite « freestyle » dans quelque paradis pirate ou zone d'autonomie temporaire…
Savoureuse initiation énigmatique où résonnent certains des accents magiques du
Hugues Jallon de «
Zone de combat », recensement des pièges sémantiques et désirants semés un peu partout qui évoque aussi le grand « United Emmerdements of New Order » de
Jean-Charles Massera, manuel de guérilla anti-marchande et anti-spectaculaire dans lequel surgirait par moments le Volodine /
Soudaïeva des «
Slogans » : « le monde Jou » est tout cela, et régale son lecteur de phrases qui détournent et retournent joyeusement les sens usuels pour poser, mine de rien, de diablement embarrassantes questions à nos résignations et à nos égoïsmes.