Yves Assouline n'est pas Stanislas Dehaene. C'est en profane qu'il entend vulgariser les aspects biologiques de l'intellect. Il est polytechnicien et l'intérêt qu'il porte à la biologie de l'évolution du cerveau est annoncé comme une sorte de projet de développement personnel. L'ouvrage pourtant est d'abord un livre de vulgarisation; pas de trucs et d'exercices pour développer ces facultés intellectuelles.
L'auteur semble croire qu'en démystifiant le cerveau et la pensée, son lecteur perdra tous ses complexes et se sentira plus intelligent: "Comprendre ce fonctionnement qui fait de nous l'objet de notre corps, de sa recherche permanente d'une adaptation optimale, c'est aussi comprendre la relativité de nos motivations, nos soucis, nos passions, nos problèmes; au final, c'est mieux vivre en harmonie avec nous mêmes" (p. 213).
Tout le livre déploie une vision d'ingénieur qui est un des nombreux avatars récents d'une vieille conception de l'homme et de la vie comme machine ou système (Descartes, La Mettrie etc.). La conclusion du livre le situe naïvement dans une sorte de vision du monde où l'entreprise serait le paradigme de toute activité dans l'univers (voir la citation); dans son développement il use de la notion de valorisation; "Par exemple, une charge positive cherche à gagner le maximum de charges négatives, un atome cherche à compléter à l'infini ses niveaux électroniques, une cellule cherche à se multiplier à l'infini. Et enfin un homme cherche à se valoriser infiniment (d'où l'expression 'plus on en a, plus on en veut')" (p. 225). Cette notion de valorisation apparaît comme un équivalent de la notion "volonté" chez Schopenhauer.
Cette tentative de vulgarisation réussie (on y apprend beaucoup) n'échappe pas aux travers du genre; raccourcis et simplifications - si inévitables que l'auteur les annonce en introduction - mais l'enthousiasme trop "Homairique" du jeune auteur polytechnicien l'aveugle sur le fond idéologique des idées qu'il manipule. Cette pensée là est bien dans l'air du temps, qui voudrait "naturaliser" la technique à un moment où un autre courant de pensée philosophique s'efforce d'abolir le clivage nature/culture.
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La nature nous a confié une grande responsabilité
Un être humain est donc un système à part entière, c'est-à-dire un ensemble de cellules qui, grâce à une forte collaboration et spécialisation, a réussi à atteindre un degré élevé d'adaptation.
Un tel "système", complexe et évolué, résulte d'une lente et longue évolution, qui au fil des millénaires, a permis l'apparition d'être doués d'une conscience et d'une intelligence. En programmant notre cerveau vers une recherche permanente de valorisation, l'évolution nous donne en permanence le chemin à suivre pour accroître encore notre adaptation; elle guide nos actes, pour le bien et l'intérêt de toute la communauté de cellules qui nous constituent.
Au final, notre pensée, générée par notre cerveau, est le "chef d'entreprise" de cet ensemble de cellules qu'est notre corps. C'est elle qui, à chaque instant, décide de la vie ou de la mort de toutes ces cellules.
En bref, la nature nous a confié la responsabilité de gérer le bien-être de l'ensemble des milliards de cellules qui forment notre corps!