Après avoir consacré des ouvrages à Baudouin IV le Lépreux, à
Godefroy de Bouillon et à l'histoire de l'empire normand en Méditerranée et en Terre Sainte,
Pierre Aubé en est venu à faire la biographie de Renaud de Châillon.
Ce Renaud de Châtillon n'était pas un personnage très recommandable.
Ambitieux et sanguinaire, il se mit a la tête d'une véritable bande de pillards qui ravagea l'île de Chypre, laissant dans son sillage une longue traînée de sang. Cela irrita le Basileus de Byzance qui devait lui demander des comptes un peu plus tard.
Il s'illustra lors de la bataille de Montgisard (Tell el-Geser), le 25 novembre 1177, qui permit au roi de Jérusalem Baudouin IV le Lépreux de contenir les forces de l'émir Saladin. Ce fut la seule fois où l'on put louer son action, même si les chroniqueurs passèrent ce fait sous silence, tant Renaud avait mauvaise réputation.
Celle-ci se confirma lorsque Renaud conduisit des bateaux en Mer Rouge dans le fol espoir de s'emparer des lieux saints de l'Islam au Hedjaz, et notamment de la Mecque, et lorsqu'il s'en prit à une caravane sur des pistes où l'on ne voyait généralement aucun chevalier franc, et il se livra alors, une nouvelle fois, à un horrible carnage. Saladin se jura de lui faire payer cet acte criminel.
Très lié à Gérard de Ridefort, grand-maître des Templiers, et à Guy de Lusignan, successeur de Baudouin IV sur le trône de Jérusalem, il entreprit avec eux d'empêcher Saladin de pénétrer en Terre Sainte. Mais le plan qu'ils adoptèrent n'était pas bon : ils s'aventurèrent dans une zone aride, et furent battus à plate couture par les troupes de Saladin dans les Cornes d'Hâttin, le 4 juillet 1187. Ce jour-là, Renaud, tombé aux mains des vainqueurs, eut la tête tranchée, en raison de tous les méfaits qu'il avait commis.
Pierre Aubé n'a rien caché des aspects les plus sombres de la personnalité du seigneur d'Outre-Jourdain, mais il a aussi mis en évidence que cet homme qui n'avait peur de rien et qui eut finalement une lourde responsabilité dans la reprise des hostilités avec Saladin et la perte de la ville de Jérusalem pour les Croisés, eut néanmoins un rôle majeur dans la survie provisoire de ce royaume latin, dans la décennie 1177-1187.
Le personnage n'en reste pas moins profondément antipathique et sa réputation est à jamais entachée par les nombreux crimes commis par lui.
François Sarindar, auteur de :
Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu (2010)