SENTIER D’AUTOMNE
Extrait 2
Je n’ai que ce sentier d’automne à vous ouvrir à travers
tant de vacillements et d’immobilité. Il passe par la source
discrète, aux lèvres martelées sous le sabot des bêtes. Par la
souche et l’écorce, l’acacia vermoulu des clôtures oubliées,
l’escargot, la limace, l’étonnement de l’effraie.
Il passe par la main qui tâtonne aussi, le pied qui se
risque, le geste qui épouse, par la pente et la faille, le détour
et la halte. Par le vertige, la fatigue et la faim.
Et par le corps engagé dans le bois tendre du monde
comme un coin.
Il passe par le vieux Pan sommeillant en tout marcheur
frustré.
Pour descendre dans le paysage, vers le réel trouver
passage, je n’ai rien à vous offrir d’autre que l’étreinte d’un
sentier.
Seilh, octobre 1992.
SENTIER D’AUTOMNE
Extrait 1
Je n’ai que ce rêve à vous offrir : descendre dans le
paysage. Vers le réel trouver passage par les ornières et
les bourbiers, les ronces, les haies, les branches basses, l’arbre
au travers du chemin. Par les talus, les ravins, les fossés.
Trouver passage par le crachin, le vent, l’orage aussi.
Par ce qui mouille, essouffle et griffe, surprend, se défend,
se dérobe ou promet.
Trouver passage par les odeurs d’humus et le chemin
frayé dans le parfum des baies. Par la brume flâneuse et le
soleil frileux, la clairière surprise à son bain de lumière,
l’envol d’un cri dans le fourré voisin.
C’est un rêve modeste qui s’incarne dans le froissement
d’aller, si près de la caresse, le bois qui craque sous le pied,
la feuille tombée dans le trou d’eau d’un pas.
…
Bruno Doucey lit le texte "Merci à la vie" de Michel Baglin, extrait de l'anthologie "Courage ! Dix variations sur le courage et un chant de résistance", publiée aux Éditions Bruno Doucey en 2020.