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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Splendeurs et misères des courtisanes, c'est d'abord un magnifique titre pour le second plus long roman d'Honoré de Balzac après Illusions perdues, dont il constitue une suite ou un prolongement. Il fait du personnage central des Illusions, Lucien de Rubempré, un personnage secondaire mais essentiel autour duquel vont graviter deux personnages successivement centraux : la courtisane tout d'abord et le mentor ensuite.

L'ouvrage est constitué de quatre parties, à peu près équivalentes en volume, les deux premières centrées sur le personnage de la courtisane et les deux dernières sur celui du mentor. Dès à présent, on pourrait remarquer que cet ensemble aurait pu constituer deux ensembles distincts et que son titre, fait en réalité référence uniquement à la première moitié du livre.

Ouvrage composite, ouvrage complexe car il se présente comme une clef de voûte de la Comédie Humaine. C'est une pièce centrale qui relie mécaniquement beaucoup de chefs-d'oeuvres de cet ensemble en ogive : les sublimes Illusions perdues, déjà mentionnées, mais également le très fameux Père Goriot, ou encore des petits romans comme Gobseck, La Maison Nucingen, L'Interdiction ainsi que quelques autres, de façon plus ténue.

Splendeurs et misères des courtisanes, c'est une sorte de portrait en creux : le sujet étant la réussite sociale et mondaine, l'accession à un poste de premier plan à l'échelle nationale, à l'époque de la Restauration (aux alentours de 1830). Il y est bien sûr question de la réussite de Lucien, qui passerait par un beau mariage, mais ce n'est pas le centre d'intérêt de l'auteur. Celui-ci s'intéresse aux à-côtés de cette ascension.

En ce sens, l'analyse d'un phénomène humain sous la Restauration au XIXè s. que nous propose ce roman pourrait étayer avantageusement et nous être précieuse pour la compréhension fine de phénomènes humains similaires du XXIè s. tels que l'ascension vertigineuse d'un certain Emmanuel M., par exemple, mais on pourrait en cibler beaucoup d'autres. Et c'est en ce sens, quoi qu'on en pense et quoi qu'on en dise, que Balzac est vraiment très, très fort : il touche à des caractéristiques universelles de la mécanique humaine, ce qu'il nommait " la comédie humaine ". Et bien qu'on ne parle plus ni de monarchie, ni du XIXème siècle, ses observations et ses conclusions restent valables des siècles après leur formulation et n'importe où dans le monde. Voilà la force De Balzac.

La courtisane, très comparable au personnage de Coralie dans les Illusions perdue et qui annonce grandement la Josepha de la Cousine Bette, sera ici la jolie juive, la sublimissime Esther, surnommée " la torpille " tant elle tape dans l'oeil de tous les hommes qui posent le regard sur ses charmes. Cette femme, cette demi-mondaine, va subir une transformation sous l'action de qui vous verrez (il ne faut pas que je vous en dévoile de trop). de sorte qu'Esther va peu à peu se muer en formidable tremplin pour Lucien. Tremplin pour quoi ? Qu'advient-il du tremplin ? Ça, je vous laisse le plaisir de le découvrir par vous même, quoique, si vous êtes perspicaces, le titre vous donnera peut-être une légère indication.

Le destin d'Esther n'est pas sans m'évoquer celui de Christine Deviers-Joncour. Rien dans le cynisme et l'utilisation incroyablement méprisante voire humiliante des femmes aux plus hauts échelons de l'État n'a véritablement changé de nos jours. Combien d'Esther encore de par le monde à l'heure qu'il est ? Balzac a le mérite de nous sensibiliser à leur triste destin, même s'il peut paraître enviable, vu de loin, de très loin…

Venons-en à présent à la seconde moitié du livre et à ce mentor d'exception qui souhaite à tout prix faire réussir Lucien. C'est bien le " à tout prix " qui compte ici. On pourrait même ajouter un proverbe : la fin justifie les moyens. Qui donc, parmi la galerie de portraits de la Comédie humaine a les épaules assez solides et l'audace assez haut placée pour ne reculer devant rien, mais ce qui s'appelle rien ? Vous l'avez reconnu ? Nom de code : Trompe-la-mort, cela évoquera peut-être quelques souvenirs à certains, quant aux autres, je vous invite à venir découvrir le personnage si vous ne le connaissez déjà (peut-être sous une autre appellation).

C'est l'occasion pour Balzac de nous emmener dans les coulisses de la justice de 1830 mais dont vous constaterez qu'elle n'a pas si fondamentalement changé depuis lors. C'est aussi l'occasion de nous évoquer l'action souterraine de la police secrète, qu'on désignait il y a peu encore par les deux lettres RG et qui depuis a encore changé de nom, mais dont les attributs plus ou moins troubles demeurent.

Le romancier s'inspire très fortement d'un personnage historique ayant réellement existé : Vidocq. Mais, et c'est là encore une des grandes réussites sociologiques de la Comédie humaine, à divers endroits du monde des 3/4 malfrats ont joué des rôles d'auxiliaires de " justice " (avec toutes les réserves possibles que l'on peut émettre sur cette notion). On sait par exemple que pour chasser les banksters des années 1930, Franklin D. Roosevelt a fait appel à l'un des meilleurs d'entre eux, un certain Kennedy, père d'un futur président américain assassiné, on se demande bien pourquoi.

Plus près de nous, en France, il y a peu encore, Étienne Léandri a joué ce rôle du temps de Charles Pasqua. de nos jours, de par le monde, combien de Trompe-la-mort continuent d'officier en sous main, parfois pour la cause de leur gouvernement, parfois pour leurs intérêts propres ?

Bref, vous le voyez, un très, très grand Balzac, encore une fois, dont le projet littéraire n'est pas si éloigné de ce qui se fait à l'heure actuelle en terme de séries, je pense notamment à la série exceptionnelle The Wire (Sur écoute en français) de David Simon.

Littérairement parlant, j'aurais peut-être un ou deux petits bémols à apporter, notamment dans la troisième partie où les descriptions de la Conciergerie ne me semblent pas toutes indispensables. L'accent systématique yiddisho-alsacien de Nucingen est un peu fatigant à la longue. Certains personnages sont peut-être un peu exagérés, je pense principalement à celle qui est surnommée " Asie ". C'est sûrement vrai aussi de quelques autres, mais pour le reste, un vrai grand plaisir de lecture sans cesse renouvelé sur plus de 500 pages, ce qui m'incite à vous conseiller vivement la lecture de ce roman. En outre, souvenez-vous que tout ceci n'est que mon avis, splendide pour certains, misérable pour d'autres donc, si l'on fait une moyenne, pas grand-chose. (CQFD)
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Un Balzac giratoire !
Combien de rues, avenues, carrefours, stations de métro, animaux de compagnie, boutiques, restaurants ou gâteaux (ah, non le Saint Honoré, ce n'est pas lui !) portent déjà le pédigrée du Napoléon des Lettres ? Et pas un seul croisement ne porte sa dédicace alors qu'il est le génie du carrefour littéraire.
A quand donc le baptême d'un rond-point pour honorer Honoré et ce chef d'oeuvre absolu qui concentre pas moins de 273 personnages dont la plupart sont de vieilles connaissances de nos lectures scolaires plus ou moins imposées et qui symbolise si merveilleusement le projet gargantuesque de l'inventeur du roman moderne.
Je n'aurai pas la prétention d'annoncer comme une ancienne ministre aux traits très étirés, qui parle trop pour ne rien dire pour avoir le temps de lire, que j'ai dévoré les 93 romans de la Comédie Humaine (c'est un challenge que je réserve pour mes très vieux jours) mais j'ai déjà consommé du Balzac sans modération et Splendeurs et misères des courtisanes mérite le panthéon de mes lectures.
C'est autant la suite d'Illusions Perdues que l'apothéose du Père Goriot. C'est surtout la vengeance ultime du personnage de Vautrin et la victoire sans appel de l'ambition sur la morale. Fini le roman d'apprentissage et les dépucelages de jeunes provinciaux par des bourgeoises désoeuvrées. Les héros de splendeurs et misères des courtisanes ont été déniaisés par la vie. Rastignac est un arriviste qui est arrivé, Lucien de Rubempré n'a plus beaucoup d'illusions et devient la marionnette de Vautrin, la belle Esther est une ancienne courtisane surnommée la Torpille (tout un programme !) qui ne survit que pour l'amour de Lucien et le banquier Nucingen est dévoré par le démon de midi qui s'éveille plutôt dans un cinq à sept.
L'histoire ne se raconte pas, elle se dévore. Elle a autant enrichi mon été qu'un voyage. Vautrin, l'ancien bagnard déguisé en prêtre, alias Trompe-la-Mort, alias Carlos Herrera, sosie caché de Vidocq, sponsorise le retour de Lucien de Rubempré dans le Grand Monde à Paris avec l'ambition de lui faire épouser une jeune fille d'une illustre famille aristocratique, label bleu, AOC, Appellation d'Origine Cossue.
Le plan se heurte à plusieurs écueils : Lucien est amoureux d'une ancienne courtisane, Esther Gobseck, le potentiel beau-père se méfie des intentions du bellâtre, exige une caution d'un million pour autoriser le mariage et les comploteurs doivent faire face à des policiers aussi retors qu'eux. Un plan avec accrocs.
Pour financer l'opération, Vautrin va utiliser les charmes de la belle Esther et son esprit de sacrifice pour plumer le banquier Nucingen, lourd volatile.
Balzac offre ici avec un panache extraordinaire le mode d'emploi de la machinerie sociale de son siècle, aussi complexe à déchiffrer qu'un canapé Ikea. Jeux de masques et des apparences, tout est dans l'emballage. La vie chez Balzac se résume à une conquête dépourvue de morale pour le pouvoir, les hommes ou les femmes, l'argent et le statut social. Des vertus réduites à peau de chagrin, à faire chouiner un chouan, du développement personnel qui ne passe pas par la méthode Coué ou des séances de yoga en tenue de lycra façon Salami mais par une ambition impitoyable, et un dénouement qui consacre la canaille. Balzac n'était pas un génie de la pensée positive. Ses personnages se suicident encore plus facilement que ceux de Zweig.
Balzac écrivait des histoires pour que les gens arrêtent de se raconter des histoires. Il portait déjà le deuil des transcendances.
Un rond-point incontournable !
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Le plus passionnant des volumes de la Condition Humaine...Il fait suite aux Illusions perdues: Lucien de Rubempré, veule, fragile , au bord du suicide- mais ô combien sexy tout éploré et tout mouillé- y faisait la rencontre -et la conquête- in extremis d'un bien curieux évêque espagnol , vraiment pas très catholique, Mgr de Herrera, alias Vautrin (voir Père Goriot) alias Trompe-la-Mort.

L'évêque signait avec ce malheureux candidat à la noyade un pacte faustien: la gloire, la richesse, l'amour des plus belles femmes contre une obéissance aveugle et l'abandon de tout scrupule moral..

C'est ce pacte et cette promesse que vont remplir Splendeurs et misères des courtisanes, livre foisonnant, aux chapitres courts, s'arrêtant toujours sur un "suspense" insupportable-car Balzac le publiait en feuilleton!

Lucien aura l'amour des dames de la haute,l'argent et la notoriété, le pouvoir qui les accompagne, et aussi la fidélité passionnée de la plus rouée des courtisanes, Esther, dite la Torpille...

Splendeurs...est le roman des conversions et des métamorphoses: la gourgandine devient sainte, le pauvre chéri devient puissant...tant qu'il reste sous la férule de Herrera, mais comprendra son malheur quand il croira pouvoir impunément voler de ses propres ailes. Quant à l'évêque ex-taulard, il finira dans la peau ...du chef de la police parisienne, Balzac s'étant inspiré de Vidocq, personnage historique au destin romanesque.

Balzac tout frétillant de cette mauvaise compagnie -giton, pute , maquereau , indic'- nous balade avec délices dans un univers parisien interlope...sans résister aux parenthèses didactiques -la langue des forçats, marquée de la fleur de lys aurait dit Hugo son collègue en bas-fonds, nous est longuement détaillée...mais autant les parenthèses notariales des Illusions perdues m'ont exaspérée -comment rédiger un avis de saisie en dix leçons!- autant les parenthèses exotiques dans les prisons et le bagne m'ont ravie...Mieux vaut un bad boy que dix clercs de notaire!

Autre audace: les amours homosexuelles à peine avouées de l'évêque et de son joli protégé...

Un Balzac page-turner, on vous dit!
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Dès que j'ai eu achevé Illusions perdues, je me suis jetée sur Splendeurs et misères des courtisanes, le 3ème roman de la trilogie Vautrin.
J'ai retrouvé avec plaisir une bonne partie des personnages de Illusions perdues, même si l'atmosphère est plus pesante avec l'omniprésence oppressante de Vautrin.
Elément étonnant, à la 543ème page, on sait que l'on ne parlera plus de 2 des personnages principaux...
Reste plus de 180 pages pour parler de qui ? de Vautrin, personnage auquel, à mon grand étonnement, on finit par s'attacher.
On peut aussi prolonger le plaisir avec le film Vautrin de 1943.
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J'avais laissé Lucien Chardon au bord du chemin, désillusionné, accablé de remords, déterminé à se suicider mais miraculeusement sauvé par un mystérieux abbé espagnol nommé Carlos Herrera. Je l'ai retrouvé quelques mois plus tard, arpentant le foyer de l'Opéra de Paris au bras d'une belle femme, élégamment vêtu et d'une beauté suscitant la jalousie des hommes et faisant chavirer le coeur des femmes. Lucien semble s'être enrichi et a réussi à anoblir son nom d'une particule. La Fortune lui sourit, mais la femme dont Lucien s'est épris est une ancienne prostituée, Esther, surnommée la Torpille, qui vient d'être identifiée par les camarades de Lucien, anciens clients de la courtisane. Pour l'abbé Carlos Herrera, ce coup du sort peut mettre un terme à l'ascension sociale qu'il est en train de bâtir brique après brique pour son protégé. Esther doit être sacrifiée pour préserver la réputation et les intérêts de Lucien.

Cette suite des Illusions perdues se lit beaucoup plus aisément : d'une facture peut-être moins classique mais bien plus feuilletonesque, Splendeurs et misères des courtisanes se dévore, Balzac prenant plaisir à enchaîner les rebondissements et les retournements de situation pour nous accrocher jusqu'à la fin du roman. Le roman se divise en 4 parties dont les deux premières sont consacrées à Esther et à Lucien et les deux dernières sont centrées sur le véritable personnage principal du roman, l'abbé Carlos Herrera, dont on découvrira la véritable identité et les multiples avatars au cours du roman. Au fil des pages, on retrouvera bon nombre de personnages de la Comédie Humaine, comme Rastignac, Delphine de Nucingen (l'une des filles du Père Goriot), le baron de Nucingen, et bien d'autres, certains juste esquissés comme Joseph Bridau (La Rabouilleuse) dont on apprend avec plaisir qu'il est devenu un peintre reconnu...

Dans la première partie qui nous raconte l'histoire tragique d'Esther, Balzac ne peut s'empêcher d'y mêler des scènes de théâtre et même de pur vaudeville avec tromperie, farce et substitution de personne dont la victime est le baron de Nucingen. Avec la prononciation et l'accent ridicules du baron (d'ailleurs assez pénibles à lire et à comprendre parfois), cette partie serait presque du registre de la comédie si elle n'était pas si dramatique sur le fond.

La dernière partie se veut plus policière et se consacre à la figure magistrale de Carlos Herrera, réincarnation de Vautrin, ex-locataire de la Maison Vauquer dans le Père Goriot, mais aussi plus connu de la police sous le nom de Jacques Collin. Balzac s'est inspiré de Vidocq et de ses lectures sur le bagne pour décrire cet homme terrible, d'une dimension hugolienne, qui gouverne les bas-fonds de Paris, celui des voleurs et des assassins, aidé par des comparses experts dans l'art du déguisement. Il y a du Eugène Sue et du Adolphe d'Ennery dans ces pages-là ! Tout au long du roman, l'abbé manipule son monde : la pauvre Esther, Lucien - cet être lâche capable de trahir son amour et ses principes pour la fortune et un titre -, mais aussi les grands seigneurs, les hommes de loi et de la police, les voleurs, les prisonniers et les condamnés à mort. J'ai beaucoup aimé ce jeu du chat et de la souris auquel se livre l'abbé avec la Sureté, même si les retournements de situation flirtent avec une invraisemblance assumée par le romancier qui la justifie en arguant que la réalité dépasse souvent la fiction. Avec l'exemple du fabuleux parcours de Vidocq, on ne peut guère le lui reprocher ! Cette dernière partie est l'occasion pour Balzac de nous décrire si minutieusement la Conciergerie qu'il arrive à nous la faire voir et qu'il m'a donné l'envie de la visiter dès que possible.

Mais les passages les plus délectables du roman sont peut-être les belles études psychologiques de l'âme féminine que Balzac brosse à travers les portraits d'Esther bien sûr mais aussi de Mme de Sérizy, de la duchesse de Maufrigneuse, de la marquise d'Espard et de Mme Camusot. Le romancier excelle à analyser finement les remous de l'esprit qui agitent ces dames par l'interprétation d'un soupir, d'une contraction de la bouche, d'une syllabe accentuée ou d'un regard éperdu. A cet égard, toutes ces figures féminines peuvent paraître secondaires mais c'est bien elles qui seront la cause involontaire de l'inflexion étonnante du parcours de Carlos Herrera. Alors feront-elle triompher la morale et la vertu ? Vous ne le saurez qu'à la dernière page du roman...

Challenge multi-défis 2020
Challenge XIXème siècle 2020
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Somptueux !

Ce roman est la suite d'Illusions Perdues qui est déjà un pur chef d'oeuvre de réflexion sur la Société, mais celui-ci est différent. Il m'a plus donné l'impression d'un livre d'aventure dont le style pouvait parfois se confondre avec celui d'Alexandre Dumas père. Oh bien sur je ne suis pas en train de dire que Balzac a écrit comme Dumas, non pas du tout, mais à certains moments je me suis cru en train de lire le Comte de Monte-Cristo qui hante encore mes lectures.

Jacques Colin alias Vautrin alias Carlos Herrera est vraiment LE personnage que j'adore dans l'oeuvre De Balzac (enfin dans l'infime partie que j'ai lu). C'est un personnage qui à lui tout seul peut faire basculer un roman dans une affaire sombre et tout de suite plus énigmatique, sombre et plus inquiétante. Alors dire cela d'un homme qui dénigre les femmes, les vend comme esclaves sexuelles n'est pas vraiment morale. Mais pour moi je trouve vraiment que c'est le symbole du "voleur intelligent", un bandit anarchiste, un meurtrier qui détourne la société avec brio, une telle malignité, un tel sang-froid. Il exprime aussi le rachat entier avec le métier avec lequel il compte débuter une nouvelle vie.

Alors bien sur Balzac écrit au delà d'une aventure romanesque, une véritable remise en question du lien entre la Police et la Justice, symbolisé par le juge Camusot qui est mis sous pression par le procureur-général et Corentin.

Massif pilier de la Comédie Humaine , le Père Goriot, Illusions Perdues et Splendeurs et Misères des Courtisanes, est à lire absolument ! Et à étudier !
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Pour apprécier Balzac à sa juste valeur il me semble qu'il faut avoir un peu vécu afin d'être à même de percevoir toute la saveur de l'écho de ses observations avec notre époque. Dans Honoré et moi, Titiou Lecoq mettait l'accent sur l'extrême modernité de l'auteur de la Comédie Humaine et ce n'est pas une tromperie. L'envie qu'elle a suscitée chez moi s'est transformée en régal de lecture, d'abord avec Illusions perdues dont le film avait provoqué mon passage à l'acte, et ensuite avec ce Splendeurs et misères des courtisanes qui reprend les aventures de Lucien de Rubempré là où nous l'avions laissé.

Le voici de retour à Paris, grâce au soutien financier et tactique de l'abbé Carlos Herrera derrière lequel se cache Vautrin, alias trompe-la-mort, alias Jacques Collin, bagnard évadé et spécialiste des transformations. L'homme a de grandes ambitions pour son poulain dont l'orgueil et l'envie d'être admiré trouvent ici à s'épanouir. Guidé par Herrera, Lucien travaille dur dans les salons et les antichambres : succès mondains, carrière, admiratrices protectrices, mariage lucratif en vue... la voie semble royale même s'il ne peut s'empêcher de tomber amoureux d'Esther, une ancienne courtisane. Une relation qui pourrait contrarier ses plans et que l'abbé va tout mettre en oeuvre pour retourner en leur faveur grâce à ses talents hors norme de manipulateur sans scrupules pour lequel tout a un prix. Pourtant, l'étau se resserre. Polices et contre-polices sont sur ses traces, et à trop jouer avec le feu... Balzac devait certainement avoir envie de nous faire une conférence sur la Conciergerie, lieu qui semble l'impressionner au plus haut point et dans lequel il situe la deuxième moitié du roman qui est de loin la plus passionnante à mon sens. L'occasion d'explorer les mécanismes de la police et de la justice au sein d'un système assez complexe où - à l'instar du fameux Vidocq - on peut parfois changer de position. Balzac met deux mondes en parallèle, celui de la bonne société où les intrigues, réseaux d'influence et autres moyens de pression sont légion et celui du peuple d'en bas qui rivalise d'inventivité et de culot dans l'organisation de ses activités criminelles ; au point que le lecteur ne peut que constater que les uns n'ont rien à envier aux autres.

Si la première partie m'a parfois lassée par ses intrigues de salons ou la difficulté à suivre le terrible accent du banquier Nucingen, la seconde moitié m'a totalement captivée dans les pas du personnage de Vautrin/Jacques Collin, complètement taillé pour le genre du feuilleton, forme sous laquelle a d'abord été publié ce roman. le récit est alors centré sur les intérêts des différents protagonistes et les moyens employés pour les faire avancer ; on y découvre sans surprise et avec une pointe d'ironie l'influence des femmes qui trouvent leur rôle sur l'échiquier. Et l'on en sort sans plus trop d'illusions quant à la marche du monde. "Les voilà donc, ces gens qui décident de nos destinées et de celles des peuples ! " constate Jacques Collin, mi-amer, mi-moqueur et un poil misogyne, "Un soupir poussé de travers par une femelle leur retourne l'esprit comme un gant". On avait déjà pu remarquer un bon nombre de piques adressées à la gent féminine tout au long du roman, ça se confirme donc même si leurs pendants masculins ne sont pas épargnés, en premier lieu pour être si facilement manipulables.

Une lecture qui m'a confortée dans l'idée de revenir de temps en temps vers Balzac et d'autres auteurs dits classiques, pour la saveur d'une plume habile à piquer autant qu'à divertir. Reste à choisir le prochain.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Cela faisait bien longtemps que je voulais me plonger dans ce roman De Balzac: le titre fait en effet référence aux courtisanes du XIXème siècle qui me fascinent tant, et dont je découvre les différentes facettes à travers mes lectures (Ma cousine Bette", "La dame aux camélias", ...).Je ne sais pas exactement ce qui me fait aimer cette période, si ce n'est le fait de savoir que des personnes ne pouvaient vivre que de délices et de divertissements, sans autres soucis que de faire partie de l'élite parisien, entourés de soieries et de dentelles... Phénomène que l'on retrouve d'ailleurs largement chez Proust...

Quoi qu'il en soit, pour parvenir à ce roman, j'ai dû passer par l'étape des "Illusions perdues", qui plante bien le décor et les personnages de "Splendeurs...". Cependant, les "illusions..." m'ayant quelque peu déçue, j'appréhendais de me lancer dans ce nouvel épisode. La présence d'Esther m'a largement rassurée, bien que je n'ai pas cependant retrouvé cette verve qui m'avait emporté avec la "Cousine Bette". Par contre, les références continuelles au personnage ambigu que de Vautrin m'engagent à me tourner vers "Le père Goriot", ce qui me parait en plus être une bonne manière de poursuivre ma lecture De Balzac.
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Splendeurs et misères des courtisanes…d’abord splendeur et misère du romantique Lucien de Rubempré, créature mélancolique par excellence, doué pour le malheur.
Lucien, nouvel espoir d’un Vautrin ne faisant pas mystère de sa déception d’avec Rastignac – cet ambitieux plein de promesses et devenu un vulgaire mondain de la capitale –, réapparait en majesté, alors qu’il avait quitté Paris sans gloire à la fin d’Illusions perdues et rencontré sur une route, en pleine errance, cet individu protéiforme qui se proposait d’être son protecteur, le même Vautrin. Car Vautrin cherche absolument à vivre par procuration une grandeur qu’il aurait façonnée pour un autre que lui, définitivement banni du monde de la lumière.
Mais Lucien, nouveau protégé de ce criminel dont le pouvoir en place s’accommodera finalement en s’adjoignant ses services – à la manière d’un Vidocq –, ne peut éternellement faire le jeu fourbe de son mentor tyrannique, et c’est ce qui le perdra. On ne façonne pas aisément les cœurs entiers ; Vautrin l’apprendra à ses dépens et cela le conduira à une sorte de rédemption.
Il y a aussi la tragique Esther, courtisane moquée et devenue le jouet d’ambitions qui ne lui sont pas destinées à elle non plus. Une figure de femme balzacienne attendrissante, comme le sont la duchesse de Langeais ou Henriette de Mortsauf. Dit autrement, ce sont des proies pour l’amour, avec ce que cela implique de souffrances.
Une fois de plus, le Paris de Balzac étale ses grandeurs et ses bassesses, ses machinations fangeuses et ses apparences propres, avec une maestria inouïe, ce qui fait de ce roman l’un de ses plus réussis. Les bas-fonds, ici, sont même restitués avec une justesse à la Dickens.
Les âmes les plus innocentes sont emportées ; leur survit les plus viles. L’auteur, qui se voulait réaliste, ne peut mentir sur son temps – si peu éloigné du nôtre, quand on y pense !
Les illusions s’évaporent, et la misère des uns n’empêche pas la splendeur des autres. Le scandale est évité, le spectacle de la société peut continuer, qu’importe les victimes. Cela laisse un goût amer.
La fin est-elle morale ? A chaque lecteur d’en juger. Toutefois, si la morale gouvernait le monde, ça se saurait…depuis le temps !
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Mon prof de français au lycée avait coutûme de classer ce Balzac-là comme le plus beau roman de la langue française.
Peut-être, après tout..
Pour moi, c'est avant tout un grand polar, le plus grand de tous.
Ce roman permet de vivre les personnages, d'habiter la peau de certains, d'en mépriser voire violemment détester d'autres.
Si Esther est délicieuse, Lucien de Rubempré est un être profondément vil, lâche, abject..
Nucingen m'interesse: il sait, au fond, qu'on se joue de lui. Mais il aime, il veut donner pour donner, aimer pour le plaisir d'aimer, seul éclair de génerosité dans une vie vouée à l'accaparement.
Vautrin, ah Vautrin ! Vautrin est LE personnage par lequel Balzac se met lui-même en scène, l'homme des combinaisons diaboliques et des amours homosexuelles contrariées.
Les deux pour lesquels j'ai du respect sont Rastignac, un roué nettement plus intelligent mais aussi humain que celui un peu énervant d'Illusions Perdues, ainsi que le marquis de Sérizy: en voilà un qui est digne, sait souffrir en silence, fait preuve de bonté et d'abnégation, sans toutefois ni se renier ni jouer le brin de moquette... Digne, tout simplement.
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