Voilà un petit livre qui m'aura laissée bien dubitative... Terminé depuis quelques jours, je peine à en parler, comme si sa lecture n'avait laissé en moi qu'une brume mouvante pleine de tristesse, de mélancolie, de regrets...
Quand j'ai reçu l'envoi, dans le cadre de la Masse Critique, le premier mot qui m'est venu à l'esprit, en décachetant l'enveloppe et découvrant le livre, a été "raffinement" tant ces éditions - Editions de la Reine Blanche - sont soignées, faisant du livre un écrin qui promet déjà beaucoup, un papier doux au toucher, des illustrations colorées… Une présentation tout en élégance.
Et pourtant, aujourd'hui, je dirais : " il est des apparences trompeuses..." tant ce petit livre, malgré sa délicatesse affichée, distille une sensation de malaise au fil des nouvelles qui le composent.
Les rapports humains y sont ternis de cupidité, d'intérêts avoués ou tus, de gestes et d'actes calculés. Les sentiments en sont absents ou s'ils s'en échappent, ils sont violents, non pas passionnés, mais disant l'envie, la convoitise, respectant, le cas échéant, la bienséance et laissant apparaître l'évidence de la rigidité qui accompagne celle-ci.
Quand au détour de quelques pages, on reprend son souffle en rencontrant des personnages perméables aux émotions, ceux-ci ont toujours vécu un drame comme si les malheurs de l'existence avaient pouvoir d'ouvrir les coeurs à d'autres perceptions et de laisser s'exprimer d'autres sentiments : il faudrait avoir été éprouvé pour éprouver, à son tour, la palette des émotions.
Les autres, plus nombreux à habiter les phrases, se débattent dans des amours stériles, des illusions imaginaires, des mariages convenus avec celui qui n'est pas l'être aimé, la frustration les habite, les fait se consumer de désirs, se mouvoir dans l'agitation et finalement s'éteindre et mettre fin à des existences aussi tragiques que désespérées. Quand ce n'est pas la folie qui se profile...
A lire ces nouvelles, on en serait presque à se dire que tout rapport humain s'enveloppe d'un voile sombre de calcul et de cupidité...
Pourtant, la langue qui tisse ces morceaux de vie est envoûtante car bien que l'atmosphère en soit, je me répète, plutôt enténébrée, on se prend à lire sans retenue, cette narration imagée, suggérée plutôt qu'appuyée - certains ont parlé, pour l'écrivain, d'impressionnisme pour le style comme il en est de cette suggestion en peinture. Elle s'étire en une façon de conter qui retient le lecteur dans les pages, peut-être finalement pour que, de touche en touche, il voit apparaître le tableau final d'une existence malmenée . Et il demeure en compagnie de ces personnages de toutes conditions qui s'agitent dans des existences sans reflet.
J'ai tout particulièrement aimé les nouvelles qui laissent le jardin ou les chemins parcourant la nature s'inviter au coeur du récit. Mais ce sont celles dans lesquelles les personnages y sont beaucoup plus accablés que victimes de leurs agissements.
C'était un écrivain que je voulais rencontrer, j'avais espéré lire "
Ida Brandt". Grâce à Babélio et aux Editions de la Reine blanche que je remercie, la porte d'entrée aura été autre mais le style original d'
Herman Bang l'a laissée entrebaillée pour que je continue à découvrir son oeuvre avec curiosité.
"Le soleil brille, flamboie et inonde les parterres de roses. Une chaleur sereine recouvre les graviers et la pelouse à moitié brûlée. Les cerisiers en espalier commencent à rougir sous cet embrasement. Les moineaux, qui d'habitude s'ébattent au soleil, trouvent sûrement cela un peu extrême, et se cachent derrière les feuilles d'aubépines."