AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

John Morthland (Préfacier, etc.)Jean-Paul Mourlon (Traducteur)
EAN : 9782907681490
494 pages
Tristram (06/04/2005)
4.19/5   29 notes
Résumé :
Depuis la publication de Psychotic Reactions & autres carburateurs flingués, chez Tristam en 1996, chacun sait que Lester Bangs (1948-1982) est l'auteur le plus inspiré que l'on puisse lire sur le rock et la " contre-culture " en général, en même temps qu'un pur écrivain - de la classe de Burroughs, Kerouac ou Bukowski qu'il vénérait. " En ces années farouches, son écriture est à son zénith : summum de délire rebondissant du coq-à-l'âne, ponctuant brutalement des ph... >Voir plus
Que lire après Fêtes sanglantes & mauvais goûtVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Deuxième recueil d'articles de Lester Bangs sorti en France après "Psychotic reactions et autres carburateurs flingués", "Fêtes sanglantes et mauvais goût" (ces titres !) est, comme toute compilation de textes, forcément inégal. Il est d'ailleurs difficile d'écrire une critique de ce genre de recueil qui soit structurée. Je livrerai donc mon ressenti de façon un peu pêle-mêle.

Si certains textes sont très anecdotiques et ne présentent pas de grand intérêt (tout en restant bien écrits), d'autres sont de franches réussites. Et ce, sur plusieurs niveaux.

Tout d'abord, certains textes n'évoquant que des aspects musicaux sont très intéressants et montrent l'érudition de Bangs en la matière. Les articles sur Miles Davis, Black Sabbath, Nico ou encore Patti Smith sont à ce titre remarquables, apportant des réflexions intelligentes et pertinentes sur le sens de la musique de ces artistes. Quant au portrait de Don van Vliet (alias Captain Beefheart), c'est un chef-d'oeuvre de sensibilité artistique et d'humilité. Tout en admettant ne pas comprendre l'homme (Don van Vliet semble vivre dans une autre galaxie, tant il est décalé), Bangs parvient à saisir et à transcrire l'essence de ce qui fait le génie de cet artiste.
Cette érudition et cette finesse d'analyse fait du bien. Et même lorsqu'il éreinte des artistes que l'on admire, on lit ses critiques sans colère. Même s'il y a parfois de la mauvaise foi, des jugements hâtifs, on les lit avec plaisir. On sourit même en voyant ses idoles ainsi maltraitées, parce que ce qui ressort de tous ces textes, c'est la passion. S'il est parfois injuste, parfois méchant, Bangs est surtout animé d'une passion pour la musique qui enflamme ses textes.

Certains textes, par exemple celui qui part de l'assassinat de Bob Kennedy pour évoquer la déliquescence de l'Amérique, montrent bien à quel point les articles de Bangs étaient bien plus que de simples écrits rock'n'roll. Bangs est un fin observateur de la société de son temps et ses articles se révèlent souvent porteurs de réflexions sociologiques intéressantes.

Bien sûr on lit Bangs pour sa finesse d'analyse et pour son érudition musicale, mais pas que. Si on aime le Lester Bangs sociologue et musicologue, on adore aussi le Lester Bangs méchant. Celui aux saillies vénéneuses, celui qui éreinte les idoles avec un sens de la formule savoureux. Je ne résiste pas à vous proposer un tout petit florilège de ses méchancetés :

- à propos de David Johansen (ex New York Dolls) : "en fait il a toujours été chic parce qu'il était funky et désormais... il commence à... ressembler... à... de la merde"

- à propos des Dead Kennedys : "Je crois que l'originalité et l'importance musicale véritable des DK peuvent être déduites d'une conversation, entendue en sortant, entre 4 de leurs fans, qui étaient absolument incapables de dire si le groupe avait ou non joué un de leurs hymnes favoris"

- à propos de Paul McCartney (en solo) : "McCartney fait de charmants fonds sonores pour boutiques branchées, bien résolu à se montrer aussi insignifiant que les Carpenters"

Le côté vachard de Bangs ne doit pas faire oublier son humanité et sa tendresse. Son article sur Ian Hunter est très émouvant et tristement à côté de la plaque (lorsqu'on sait ce qu'il est advenu de lui). Bangs dit de lui : "tu es né vieux, et vu l'allure que prennent les choses, un tas de ces jeunes pousses sur les murs à pin-up vont claquer alors que tu seras toujours là à te cuiter".

Certaines chroniques sont aussi l'occasion de découvertes musicales et aiguisent la curiosité. Connaissiez-vous les variations, groupe français aux influences maghrébines (notamment l'utilisation d'un oud, instrument traditionnel marocain) ? Ou les Wet Willie, groupe de l'Alabama composé de sympathiques péquenauds étonnamment timides en présence de groupies ?

Parmi tous les textes qui composent ce recueil, il y en a deux qui m'ont particulièrement plu. D'abord, cet article formidable sur la Jamaïque. A travers ce texte, Bangs brosse un portrait musical et social saisissant de l'île tout en étant un récit de voyage ludique. du journalisme gonzo de haute volée.
Le second texte qui m'a particulièrement touchée est celui sur Sid Vicious, en forme de coup de gueule contre la punk attitude, qu'elle soit factice ou non. Malgré son aspect critique acerbe, ce texte est sans doute le plus compatissant, le plus humanisant envers Sid. S'il le traite d'épave, de loque, Bangs ne se réjouit jamais ni de sa misérable existence, ni de sa mort.

Ce second recueil, comme le précédent, fait encore regretter que Bangs soit décédé avant de se frotter à l'écriture d'une fiction.

Challenge Variété 8 (catégorie "un livre qui ne soit pas de la fiction")
Challenge Musique 1
Commenter  J’apprécie          304
La théorie du Big Bangs

Dans "Fêtes Sanglantes…" plus encore que dans "Psychotic Reactions..." (les articles recensés dans les 2 ouvrages, ne se recoupent pas), Lester Bangs s'éloigne de la banale critique rock pour plonger dans un univers délirant, mais néanmoins tenu qu'on appellera ici littérature d'autant plus sereinement qu'il est difficile d'admettre par ailleurs et sans renauder, qu'un prix puisse être attribué sous cette étiquette, à David Foenkinos.

Les personnes confondant trop facilement Bangs avec la multitude de ses suiveurs, se trouveront sans doute confortées par certaines pages qui se perdent parfois dans le triangle des Bukowski-Burroughs-Kerouac (de ce point de vue, l'article "lecteurs et lectrices en plein sado-maso", vaut son pesant de Quaaludes !).

Mais, de même que "Révolution n°9" ou "Within You Without You" ne condamnent pas leurs écrins respectifs, "Fêtes sanglantes…" supporte facilement quelques excès.

Car Bangs atteint souvent des sommets, et rarement là où on l'attend, d'ailleurs.
Si ces écrits semblent sortis tout droit d'une transe permanente, on devine qu'en réalité, ils sont patiemment travaillés.

On comprend aussi pourquoi, en ayant été si souvent copié, il a été aussi rarement égalé.
Bangs a deux avantages énormes sur la plupart de ses artéfacts : il sait écrire et il a le goût de l'autodérision.
(il connaît aussi la musique, mais comme je n'ai annoncé que deux avantages, je laisserai celui ci de côté : j'ai une éthique quand même !)

Il faut bien entendu, se frayer précautionneusement un chemin dans la touffeur de sa jongle avant de se pencher attentivement sur ses visions. Si ses prophéties ne sont pas toujours confirmées dans le temps, elles n'en restent pas moins toujours intéressantes, à condition d'accepter d'être bousculé.

Précisons tout de même qu'il y en a pour tous les goûts et que chacun peut y trouver son compte.

Commençons par quelques exemples tirés de son analyse de l'évolution de la musique.

Il y explique d'abord la naissance de la Pop par la volonté d'"exprimer des émotions malsaines sous une forme aussi trompeuse qu'apaisée", avant de crucifier la musique de la fin des seventies (Blondie…) en affirmant que celle que nous entendions avant était "destinée à mettre quelque chose dans la pièce", tandis que "la nouvelle a pour fonction de l'enlever".
Étonnant, non ?

Pour enfoncer le clou sur ce sujet, il précise aussi qu'"aucun ou presque des groupes des années 80 qu'on a proposés au public ces dernières années, ne peut se comparer aux meilleurs de l'époque des sixties".

Là, encouragé, vous êtes tenté d'ajouter, en détournant une formule célèbre : "Si vous vous souvenez des années 80, c'est que (malheureusement) vous y étiez".

Mais ce n'est pas si simple.

Bangs n'achète pas en gros, mais au détail et il explique alors que les "gens confondent nostalgie et goût".

Ainsi, il répond à un critique lui reprochant une intransigeance bovine : "…toute cette bouse que chaque mois tu dis à tes lecteurs d'acheter n'est pas une avant garde inéluctable qui sur le moment menace tout le monde […] C'est un tas de rien qui ne menace personne. […] les champions de l'actuelle "avant-garde" New Wave sont pour l'essentiel des effets de mode, et je peux vous garantir qu'il n'y aura pas de ressorties japonaises de Throbbing Gristle en 2000. […] les années 60, pour ne pas parler des années 50, étaient nulles […] mais préférer Hank Williams ou Charlie Parker ou les Sun Sessions ou le Velvet Underground à Squeeze et Rickie Lee Jones et aux Go-Gos et aux Psychedelic Furs, ce n'est pas de la nostalgie ; c'est du bon goût".

Continuons avec les acteurs de notre comédie préférée, le rock, et constatons qu'il peut allégrement éparpiller "façon puzzle".

Il est probable en effet, que les amoureux (ça existe ?) d'ELP grinceront des dents qui leur restent, en lisant l'interview de leurs idoles, habillées pour un hiver pré-réchauffement climatique.
Pour Bangs, ELP se compose de :
- Emerson : "Liberace tentant de jouer Mozart après une overdose au Dexamyl",
- Lake : "De toute mon hétéroclite carrière, je n'ai jamais vu quelqu'un passer aussi ingénument, s'agissant des normes établies, de la franche insulte à une admiration incongrue"
- & Palmer : "si tu étais jazzman...tu devrais, d'une manière ou d'une autre progresser au-delà de la Lourdeur à laquelle tu parviens dans ta présente incarnation".

Les thuriféraires de Dylan tiqueront également devant l'analyse au vitriol de "Desire" de Dylan, les fans des Beatles s'étrangleront en lisant la théorie de Bangs liant l'explosion initiale des Beatles à celle du crâne de Kennedy et les gypsyophiles s'ouvriront les veines sur son "interview" (en 76 !) de Jimi Hendrix.

Mais n'allez pas croire pour autant que Bangs n'est que dans le désamour, le dézingage et la pose. Il consacre même plusieurs pages laudatives à …Wet Willie, Helen Reddy, Patti Smith, voire -bien qu'hautement improbable a priori- à Stevie Nicks (pas trop éreintée) !

Et puis, Lester Bangs met toujours en exergue une qualité indispensable : savoir se tromper, du moment que c'est sincère.

A propos d' "Exile On Main Street" s'il reconnaît qu'initialement il a bien failli se "taper un ulcère et des hémorroïdes à vouloir trouver un moyen de l'aimer..()", c'est pour affirmer un peu plus tard : "..Maintenant, je pense que c'est sans doute le meilleur album des Stones".

Et à chaque fois, son argumentation est crédible, rappelant les grandes heures d'Edgar Faure ("ce n'est pas la girouette qui tourne, c'est le vent").

Un exemple définitif peut être ?
Tiens, à propos de Miles Davis : "Ce type a défini au moins 3 périodes de la musique américaine" , puis, après "On The Corner" : " Miles, espèce de minos !".

Érudit, frappadingue, attachant, sensible, insupportable...Bienvenu chez Lester Bangs !

Édition poche, couverture souple, 500 pages environ, police adaptée aux cinquantenaires et préface de John Morthland dont je n'hésite pas à reprendre l'ultime supplication : "Je vous prierai donc de vous jeter dessus".

Pas mieux.
Commenter  J’apprécie          10

Citations et extraits (4) Ajouter une citation
A son meilleur la New Wave/punk représente un vieux et utopique rêve fondamental: à savoir que si vous donnez aux gens la possibilité d'être aussi outranciers qu'ils le veulent, de n'importe quelle manière imaginable, ils seront créatifs et de plus ils feront quelque chose de bien à côté.
Commenter  J’apprécie          51
Ils ne seraient pas des héros s'ils étaient infaillibles, en fait ils ne seraient pas des héros s'ils n'étaient de misérable chiens malheureux, les parias de la terre, sans compter que la seule raison de construire une idole est de la démolir à nouveau.
Commenter  J’apprécie          50
La seule chose intéressante d'aujourd'hui est de savoir si les humains auront des émotions demain, et quelle sera la qualité de la vie si la réponse est non.
Commenter  J’apprécie          50
Préférer Hank Williams ou Charlie Parker ou les Sun Sessions ou le Velvet Underground à Squeeze et Rickie Lee Jones et aux Go-Gos et aux Psychedelic Furs, ce n'est pas de la nostalgie ; c'est du bon goût.
Commenter  J’apprécie          00

Dans la catégorie : RockVoir plus
>Généralités sur la musique>Reggae (Musique)>Rock (61)
autres livres classés : musiqueVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (102) Voir plus



Quiz Voir plus

Arts et littérature ...

Quelle romancière publie "Les Hauts de Hurle-vent" en 1847 ?

Charlotte Brontë
Anne Brontë
Emily Brontë

16 questions
1084 lecteurs ont répondu
Thèmes : culture générale , littérature , art , musique , peinture , cinemaCréer un quiz sur ce livre

{* *}