Tout objet acheté à l'étranger est une réserve de mémoire. Le Christ baroque posé au mur m'empêche d'oublier l'instant passé avec des amis dans une boutique poussiéreuse de Caracas, l'ange polychrome légèrement détérioré me rappelle la dame qui, à Santiago, me disait "J'aime sa blessure à la tempe" et la statue du petit moine qui régit sur le bureau me console d'un marchandage malheureux dans une foire japonaise. Ces pans de vie comment les aurais-je préservés sans de pareilles aides ? Les objets conservés sont de véritables repères d'orientation dans un passé qui sans cela risquerait de se défaire. Ils le sauvegardent encore. Il y a là du proustianisme délibéré (p. 70).
Après discussion, un brocanteur accepte, avec amertume, le prix offert pour un objet que "j'oublierai vite" conclut-il. L'oubli comme revanche (p. 64).
La mémoire est à la fois un héritage et une contrainte.
Oublie, pour te sauver !
Rencontre avec Wajdi Mouawad et Marcel BozonnetÀ l'heure où le rôle et l'avenir de l'Europe font l'objet de nombreuses controverses et où le spectacle vivant subit de plein fouet la crise sanitaire, un nouveau cycle de conférences donne la parole à des figures emblématiques de la scène contemporaine.Georges Banu, professeur émérite à l'université Sorbonne Nouvelle Paris 3 et Joël Huthwohl, directeur du département des Arts du spectacle de la BnF, reçoivent les metteurs en scène Wajdi Mouawad et Marcel Bozonnet.Rencontre enregistrée le 16 février 2022 à la BnF I François-Mitterrand