Sous couvert d'imaginer un futur potentiel,
Erwan Barillot compose une uchronie creative et mystique qui décrit une réalité virtuellement existante en y ajoutant une judicieuse analyse de nos moeurs et de notre mode de pensée. Dans une intrigue qui présente de façon romanesque la montée en puissance de Facebook mais aussi des GAFAM, on suit le parcours d'Ian Ginsberg, version techno messianique hybride de Mark Zuckerberg et d'
Elon Musk. le parfait archétype de tous ces pseudos prophètes visionnaires qui oeuvrent prétendument pour l'épanouissement et le bien-être de la société. de ces figures audacieuses qui prônent une dynamique du développement technologique sensément venir au secours de l'humanité mais qui en vérité pourraient engendrer le pire des totalitarismes. L'auteur extrapole un futur, implicite reflet de notre évolution, qu'il imagine entièrement sous le contrôle d'entreprises dont les dirigeants misent sur la sphère du dogme et des valeurs pour maintenir leur influence en alliant spiritualité et culte de l'émulation. Plutôt qu'un roman prospectif, le récit se présente comme une autobiographie fictive clairement centré sur un seul personnage, sans réelle intrigue, sans surprise ni mystère. Un scénario qui n'est du reste pas sans rappeler Transcendance, film avec Johnny Depp, version diabolique de l'être omniscient. Avec sa Pax Omega, centrée sur la philosophie de Teilhard de Chardin et son message prophétique, Omega, Christ ressuscité, évolue à l'inverse vers le bien et met fin à l'anarchie pernicieuse de l'individualisme pour bâtir un monde sécuritaire, sans conflits, sans dissidences ni paupérisation, un monde aseptisé, un monde insipide.
Beaucoup trop de discours rhétoriques, de longueurs injustifiées, d'exposés sur l'intelligence artificielle, la nanotechnologie, l'évolution, le Métavers, les datas ou la réalité augmenté alourdissent la lecture. Un verbiage technico-scientifique, des explications politico-moralistes passablement fastidieuses, une avalanche d'informations superflues sans grande utilité pour le développement spécifique de l'histoire.
La conclusion nous propose un dénouement apathique, prévisible et moraliste qui a quand même le mérite d'initier une réflexion pertinente à l'égard de notre dépendance impérieuse à la technologie. L'approche de l'auteur aurait pu être intéressante avec cette convergence originale entre le numérique et le divin, le roman d'anticipation informel et l'essai socio-théologique mais le résultat n'est pas à la hauteur de l'ambition. Les idées sont présentes mais le style est plat, didactique, sans véritable originalité et l'écriture manque de force, de personnalité, de relief comme de lyrisme.
Moi, Omega reste naturellement un ouvrage sympathique mais ne présente pas la substance d'une oeuvre prépondérante ou incontournable.