Probablement grâce à notre criminel de triste réputation mondiale, l'horrible Marc Dutroux, j'ai complètement "loupé" la ténébreuse affaire Alègre et ses conséquences pour l'auteur, malgré lui, de cet ouvrage. Lorsque la semaine dernière par une amie babeliote j'en ai pris connaissance, je dois avouer que cela m'a fait un fichu coup, puisque je garde de
Dominique Baudis (1947-2014) un excellent souvenir de nos rencontres à Bruxelles et Strasbourg. Je me rappelle, comme si c'était hier, lorsque je lui ai serré pour la première fois la main, chez lui à Toulouse, où j'étais sur invitation de son père, Pierre Baudis (1916-1997). J'avais été désigné d'assister son père, comme rapporteur du Parlement européen sur un programme pluriannuel de promotion de la sécurité routière en Europe. Un sujet qui tenait Pierre Baudis à coeur après la mort, à 26 ans, de sa fille Chantal dans un accident de la circulation. Comme le sujet du rapport était vaste et complexe, nous avons collaboré pendant une période relativement longue. L'aimable invitation à Toulouse était pour me remercier de mon assistance après l'adoption du Rapport-Baudis.
Le jour où j'ai appris ce drame, je me suis commandé, outre "
Face à la calomnie" de
Dominique Baudis, le livre "Libre et intègre" et d'
Alexandre Duyck "La République des rumeurs". Comme l'ancien maire toulousain, démarre son ouvrage en notant : "Ce livre j'aurais préféré ne jamais avoir à l'écrire", je regrette aussi devoir lire ces ouvrages. J'aurais franchement préféré lire à la place son "
La passion des Chrétiens du Liban" ou son "Raimond 'le Cathare".
L'ouvrage se présente comme un journal intimé, qui commence le 12 mai 2003, le jour où l'auteur, à ce moment président du Conseil Supérieur de l'audiovisuel, CSA, apprend par son directeur de cabinet, ce qui se trame contre lui, et s'arrête le 2 novembre 2004.
Deux ex-prostituées, proches du tueur multiple et violeur Patrice Alègre (° 1968 à Toulouse), accusent
Dominique Baudis d'avoir été au centre de soirées sadomasochistes, de trafic de cocaïne, de valises de billets et du meurtre d'un travesti. Rien que ça ! Pour quelqu'un qui a été réélu 2 fois à la mairie de la 4ème ville de France et a exercé cette fonction pendant 18 ans, c'est vraiment en dessous de tout !
En arriver là, après une vie bien remplie de journaliste, écrivain, parlementaire et maire, c'est carrément lamentable. En être réduit à défendre son honneur, après tant d'années et d'efforts pour la cause publique, cela a été pour l'auteur, son épouse Ysabel, sa fille Florence et ses fils Pierre et Benjamin, kafkaïen et cauchemardesque. En un mot : l'enfer ! À la page 38, il note : "La tête sur son épaule (d'Ysabel), je laisse couler les larmes."
Signalons que
Ysabel Saïah-Baudis est l'auteure de "
Haram : itinéraire d'une femme arabe", paru tout au début du calvaire de son mari.
Le récit de telles soirées "spéciales" ou festivités analogues, auxquelles participent des politiques constitue un classique de la diffamation "bon marché". Lors de l'affaire Dutroux en Belgique, des rumeurs comparables ont circulé, lancé par des journalistes en mal de copie, accusant pratiquement l'ensemble du gouvernement et trois quarts de l'opposition d'y avoir été mêlés, sans qu'un seul parmi eux soit sérieusement inquiété,bien sûr, faute de preuves.
Si de telles affaires gagnent une telle ampleur c'est le plus souvent la faute à des journalistes par trop zélés, qui croient que leur heure de gloire a sonné. Mais l'affaire Baudis n'est pas l'affaire Dreyfus et
Gilles Souillès de la Dépêche du Midi ni
Karl Zéro (Marc Tellenne) de Canal+ ne sont l' Émile
Zola des temps modernes, loin s'en faut.
Il est frappant de constater que le Canard enchaîné, un organe de presse pourtant pas exactement très peureux, a dans un article intitulé "Langue de pute et cassoulet" tourné l'histoire en dérision, se référant aux accusations fantaisistes et invérifiables.
Deuxième facteur important : les violations quasi systématiques de l'instruction juridique ou pour citer l'auteur : "...une détestable période où l'instruction se déroule pour ainsi dire à ciel ouvert". Et à chaque nouvelle rumeur, c'est un nouveau drame pour les Baudis. À ce propos Dominique note : "J'ai la chance de pouvoir dormir. C'est le reveil qui est difficile".
Trois ouvrages auxquels je ne compte pas perdre mon temps, mais que je mentionne par un sens de fair play, sont du journaliste précité
Gilles Souillès "
L'affaire Alègre, la vérité assassinée", de
Michel Roussel "
Homicide 31 : Au coeur de l'affaire Alègre, l'ex-directeur d'enquêtes parle" et celui de l'une des ex-prostituées, Fanny (alias Florence Khelifi), le témoignage au titre "colorié" : "Mes nuits noires dans la ville rose" !
Dominique Baudis mentionne l'intention de l'éditeur Denoël de publier les mémoires de l'autre ex-prostituée, Patricia, alias Christèle Bourre, avec son "nègre", l'inévitable Souillès, mais j'ai l'impression que cela en est resté à un projet, puisque mes recherches sont restées vaines.
Quoi qu'il en soit ces 2 dames ont reçu assez d'attention pour leurs divagations : de nombreux passages à la télé et la fameuse Fanny a reçu, en prime, grâce à son bienfaiteur
Karl Zéro (qui apparemment n'a pas volé son nom), 15.000 euros pour son "témoignage" rocambolesque avec quoi elle s'est acheté une Volkswagen Sharan V6, la pauvre !
Ce qui me console un tout petit peu dans cette scabreuse chasse aux sorcières, c'est que Pierre Baudis, pour qui je garde toute mon amitié, n'était plus de ce monde quand la bombe a explosé qui a failli annihiler son fils, pour qui je conserve tout mon estime et respect.
Si j'ai le bonheur de pouvoir retourner à la ville rose, je ne manquerai sûrement pas de me recueillir au cimetière en mémoire et hommage du père et fils Baudis.