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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
C'est la crise, n'est-ce pas ? C'est l'angoisse : les feux partout, le pouvoir d'achat en berne, des perspectives bien moins réjouissantes que celles de la Renaissance italienne. Bref, autant de bonnes ou de mauvaises raisons de ne pas partir en vacances (je vous laisse soupeser et assaisonner à votre sauce la part du non vouloir et du non pouvoir). Et donc, vous risquez d'être fort dépourvus : qu'allez-vous raconter à vos collègues, à votre famille, à vos amis, quand la bise sera venue ? Rassurez-vous, j'ai la personne et le livre qu'il vous faut !

On sait déjà que Pierre Bayard aime beaucoup prendre son lecteur à rebrousse-poil, jouer avec les paradoxes. En effet, ses essais ou analyses sont toujours stimulants à lire, car ils tentent de bousculer les idées reçues : vous pensiez connaître le fin mot du Meurtre de Roger Ackroyd ? du Chien des Baskerville ? ou, plus récemment, des Dix petits Nègres ? Point de tout cela, le chevalier Bayard, sans peur et sans reproche, pourfend toutes vos certitudes en la matière.

Concernant l'acte même de la lecture, il nous enseigne — aussi incroyable que cela puisse paraître — l'art de ne pas lire tout en ayant l'air de l'avoir fait dans son ouvrage demeuré le plus fameux : Comment parler des livres qu'on n'a pas lus ?

Ici, vous aurez compris qu'il s'agit d'une habile déclinaison de la formule avec Comment parler des lieux où l'on n'a pas été ? Évidemment, le postulat est apparemment paradoxal, mais, mais, mais, et c'est là tout l'art de Pierre Bayard, apparemment seulement.

Dans une première partie, l'auteur nous offre une sélection d'oeuvres ou d'auteurs demeurés célèbres en qualité de voyageurs, ou, plus précisément, en qualité de rédacteurs de récits de voyage, ce qui, on le verra, n'est pas exactement la même chose. Car, il est vrai, quand on y réfléchit, qu'est-ce qui nous prouve que celui qui dit avoir voyagé a effectivement voyagé ?

La Chine de Marco Polo ? Hmm, c'est louche… Jules Verne, qui nous a légué tant de récits de voyages au travers de ses héros ? Encore plus louche… Édouard Glissant et son Île de Pâques ? En voici un, au moins, qui nous dit ouvertement qu'il n'y a jamais mis les pieds. L'Amérique de Chateaubriand ? Très étrange, décidément…

Ensuite, après ce bref panorama, Pierre Bayard nous présente — et c'est là que c'est assez osé, je trouve — différentes situations où il peut être intéressant de donner le change, de faire illusion, de donner à son lecteur ou à son auditeur l'impression que l'on a effectivement parcouru les lieux dont on parle (hormis le cas sus-mentionné de n'être pas parti en vacances) : vous êtes scientifique, par exemple, (anthropologue notamment), vous êtes journaliste, vous êtes sportif (et vous voulez faire croire que vous avez accompli tout le périple quand tel n'est pas le cas), ou, plus immoral s'il est possible, vous souhaitez tromper des membres de votre entourage (pour toutes sortes de raisons, souvenez-vous du " héros " de l'horrible fait divers raconté par Emmanuel Carrère dans L'Adversaire). Eh bien oui, vous êtes conduits à parler de lieux où vous n'êtes jamais allés.

Si l'on se résume : 1) cela existe ; 2) vous pouvez être amenés à devoir le faire, donc, assez logiquement 3) comment vous y prendre ? Selon Pierre Bayard, il convient tout d'abord de bien cerner ce qu'attend celui ou celle qui va écouter ou lire vos discours : sa bienveillance vis-à-vis de vous tiendra à ce que vous aurez su ou non écouter et retranscrire dans votre soi-disant expérience les fantasmes ou les attentes de cet autre.

En second lieu, vous devez prendre de la hauteur afin de déceler l'esprit du lieu, plus que le lieu lui-même. Ensuite, ne pas hésiter à créer un composite entre ce que vous savez du lieu (par d'autres sources que votre expérience propre) et la part assumée de votre subjectivité. Plus votre expérience paraîtra personnelle et plus elle sera convaincante.

Il existe un quatrième point dans l'analyse de Pierre Bayard, qui, personnellement, m'a très peu convaincue (toujours les vieux démons de l'auteur où il nous fourre de force sa psychanalyse foireuse dans le gosier) et que je vous laisse le soin de découvrir par vous même. Il demeure pour moi un ouvrage assez intéressant, certes, peut-être pas autant que d'autres que j'ai déjà pu lire du même auteur, mais de cela comme du reste, ce sera à vous de décider, car, ce lieu précis de ma propre subjectivité, où vous n'êtes jamais allés, ne signifie manifestement pas grand-chose.
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Si vous pensez, en lisant ce lire, pouvoir ensuite rivaliser avec vos amis de retour d'un voyage au Mexique, c'est raté. Vous ne pourrez pas briller en échangeant vos points de vue sur Mexico, capitale où vous n'avez jamais mis les pieds, sauf si vous vous êtes énormément documenté avant et que vos interlocuteurs demeurent polis ou prêts à plonger dans vos délires.
Non, ici, on a affaire à un essai de type universitaire mais lisible car plein d'humour et pas trop bourré de termes savants. Il vous faudra uniquement appréhender le terme "atopique", qui n'est pas ici une allergie, mais le concept d'espace littéraire et artistique d'une oeuvre dont on étudier la perméabilité des frontières entre réalité et fiction. (Enfin, j'espère avoir bien compris...). Pour faire simple, l'auteur nous parle de tous ces écrivains, considérés comme grands voyageurs mais qui ne sont, pour la plupart, jamais sortis de chez eux.
Et, ils sont assez nombreux. Ainsi, Marco Polo, dont les récits de ses voyages en Chine ont fait rêver des générations, n'est jamais allé au delà de Constantinople, inventant ses récits pour plaire à sa fiancée. Pierre Bayard multiplie les exemples : Chateaubriand décrit des régions des Etats Unis qu'il n'a jamais foulées, Blaise Cendrars n'a jamais effectué le trajet fondateur de son oeuvre, c'est à dire son voyage en transsibérien de Moscou à Vladivostock. Margaret Mead, la célèbre anthropologue, n'a jamais observé les moeurs sexuelles des habitants des îles Samoa, se contentant de rapporter les récits débridés d'informatrices pas vraiment scientifiques de formation mais débordantes d'imagination.
En multipliant les exemples, l'auteur nous balade dans des contrées littéraires où se mêlent imaginaire, histoire et psychanalyse. C'est relativement facile à lire et on apprend, mine de rien, une foule de choses car l'auteur n'est pas avare de partage de connaissances, qualité suffisamment rare dans ce genre d'ouvrage pour être soulignée.
Pour conclure, je retiendrai le portrait de cet écrivain allemand, Karl May (1842-1912), grand classique dans son pays pour ses romans d'aventures dans le Far West où il n'avait jamais posé le moindre orteil. Son imagination lui a fait représenter une réalité de la conquête de l'Ouest américain et du massacre des indiens très éloignée des concepts colonialistes de l'époque ou des récits de ceux qui étaient sur place.
La fin sur le blog :
http://sansconnivence.blogspot.com/2012/02/comment-parler-des-lieux-ou-lon-na-pas.html
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Suivant l'esprit de Comment parler des livres que l'on n'a pas lus?, Pierre Bayard s'attaque ici aux lieux. Évidemment, Bayard étant fidèle à sa mission, il s'agit des lieux principalement présents dans la littérature. Voici donc « différentes manières de ne pas voyager » à l'usage de celles et ceux que Bayard nomme les voyageurs casaniers. On aura droit à des autobiographies d'auteurs qui n'ont pas eu l'heur de visiter les lieux qu'ils décrivent, à des essais écrits par des gens qui ne se sont pas rendus aux emplacements qui font l'objet de leur texte, à des écrivains mythomanes et à divers cas où la littérature a créé des univers fictionnels au grand plaisir, souvent, des lecteurs que nous sommes. de Marco Polo à Emmanuel Kant, De Chateaubriand à Édouard Glissant qui décrit l'île de Pâques, Bayard nous transporte et nous trimballe en nous chavirant et nous emballant. Il a encore frappé juste avec cette incursion dans le monde du voyage sans déplacement.
Lien : http://rivesderives.blogspot..
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