La photographie de Lucerne

Tess Berenson, jeune artiste performeuse, vient d'obtenir une bourse qui lui permet de se consacrer à son art et de quitter son compagnon pour voler de ses propres ailes. Elle s'installe dans un luxueux loft de Oakland, petite ville de la baie de San Francisco. Avant elle, c'est Chantal Desforges, une dominatrice BDSM, qui habitait les lieux. Il reste d'ailleurs encore des reliefs de son activité hors normes : une cage et une croix de Saint-André contre un mur. Tess est immédiatement intriguée par l'appartement et par son ancienne locataire qui est partie précipitamment sans laisser d'adresse. Quand elle apprend que Chantal a été assassinée, Tess ne peut s'empêcher de se lancer dans sa propre enquête.

A partir de cette situation, William Bayer brosse une intrigue très élaborée qui mêle performances artistiques, BDSM, psychanalyse, IIIè Reich, mémoires d'un psy juif allemand installé en Amérique et bien sûr la fameuse photographie de Lucerne qui donne son titre au roman. Sur ce célèbre cliché, pris en 1882, Lou Andreas-Salomé pose avec Nietzsche et Paul Rée. Debout dans une sorte de charrette, un fouet à la main, la jeune fille semble vouloir mater ses deux compagnons attachés aux bras de l'engin. A différentes époques, de 1882 à nos jours, tous les personnages, réels ou imaginaires, ont un rapport de près ou de loin avec la photographie. de Lou qui a posé à Chantal qui en a fait une interprétation personnelle, en passant par un jeune peintre autrichien qui l'a peinte selon sa vision ou le major allemand chargé de retrouver cette oeuvre de jeunesse jusqu'à Tess qui va s'en servir dans sa propre performance.
Polar, roman noir ou thriller psychanalytique, La photographie de Lucerne est une oeuvre compliquée qui ne s'appréhende pas facilement. Elle tire son originalité du savant mélange entre les époques et les personnages qui se répondent les uns aux autres, des liens tissés minutieusement par William Bayer qui en profite pour mettre à l'honneur Lou Andreas-Salomé, écrivaine, psychanalyste, intellectuelle, trop souvent réduite à ses amours célèbres avec Niezsche ou Rilke. Un roman documenté, imaginatif, original mais un peu difficile d'accès, parfois glauque et au rythme très lent.

Un grand merci à Lecteurs.com, les Explorateurs du polar et les éditions Rivages.

Ayant aimé certains livres de William Bayer (La Ville des couteaux et Pélerin notamment), d'autres beaucoup moins (dont Punis-moi avec des baisers), je me suis laissé tenté par une nouvelle incursion dans son univers.

Ce récit nous balade dans plusieurs époques différentes, et l'auteur dresse un lien entre celles-ci, c'est la photographie prise à Lucerne et représentant Lou-Andrea Salomé, en dominatrice, armée d'un fouet dans une carriole traînée par Friedrich Nietzsche et Paul Ree. Cette photo existe réellement et est célèbre.

William Bayer y mêle alors un épisode intervenant trente ans plus tard à Vienne, Lou Salomé est suivie par un étudiant d'art, ensuite un épisode lié à Hitler et au troisième Reich et enfin de nos jours, à Oakland quand Tess Berenson, une artiste de performance s'installe dans un appartement précédemment occupé par Chantal Desforges, une dominatrice qui bizarrement, l'a quitté précipitamment.

Ces époques s'entrecroisent, des liens obsessionnels également : Chantal était obsédée par Lou, Tess est obsédée par Chantal.

Je n'ai pas accroché, je l'ai lu jusqu'au bout cependant sans y trouver du plaisir ; j'ai trouvé le récit confus, et ultime paradoxe, alors qu'il y est fait nombre de références à la psychanalyse, les personnages m'ont paru manquer de profondeur.

De nos jours, Tess Berenson est une artiste performeuse bénéficiaire d'une bourse - une rente annuelle de 50 000 dollars durant 5 ans - en contrepartie de laquelle elle n'a d'autre contrainte que de se consacrer à ses créations. Elle emménage à Oakland, dans un luxueux loft laissé vacant par Chantal Desforges, une dominatrice professionnelle, qui a en toute hâte vendu ses biens avant de disparaître puis d'être retrouvée assassinée.


A partir de cet événement tragique, Tess entreprend des recherches pour comprendre qui était Chantal. Rapidement, la curiosité laisse place à la fascination puis à l'obsession. A travers la bibliothèque de Chantal, Tess découvre une personne éduquée aux multiples intérêts convergents, IIIème Reich, SS, Gestapo, architecture, art, musique, cinéma, théâtre, littérature... Tess rencontre des amies de Chantal. Elle apprend que contrairement aux apparences et aux préjugés répandus sur les pratiques sexuelles BDSM (bondage, discipline, sado-masochisme), Chantal n'aimait pas infliger des souffrances, mais voulait s'insinuer dans la tête de ses clients pour en faire sortir le démon caché au tréfonds de leur être. Pour faire simple, elle aimait ranger ce qui était dérangé, se considérait comme une guérisseuse, une psychothérapeute : « Nous utilisons la souffrance pour vaincre la souffrance ». Chantal était aussi et surtout obsédée par Lou-Andreas Salomé, l'une des intellectuelles les plus célèbres d'Europe à la fin du XIXème et au début du XXème siècle, en raison de ses écrits, de son histoire d'amour avec Friedrich Nietzsche, de sa liaison avec Rainer Maria Rilke. Disciple de Sigmund Freud, et devenue psychanalyste, elle a bravé l'ordre moral en 1882 en posant pour une photographie (consultable sur internet) où on la voit, un fouet à la main, sur une charrette, que tirent deux hommes attelés, Friedrich Nietzsche et Paul Rée. Or, Tess retrouve justement une reproduction de cette photographie dans les archives de Chantal. Quel est le rapport entre sa mort et la Photographie de Lucerne ?


La photographie de Lucerne qui raconte l'histoire de trois femmes, Tess, attirée par Chantal, elle-même envoûtée par Lou est un roman virtuose et érudit qui rassemble les thèmes de prédilection de William Bayer, l'art, L Histoire, la psychanalyse, la sexualité déviante, pour les porter à leur point d'incandescence. Quel talent !

De nos jours, Tess Berenson, une jeune actrice - performeuse, emménage dans un loft à Oakland en Californie. La précédente locataire, Chantal Desforges, était une dominatrice pratiquant le bondage, discipline sadomasochiste. Elle recevait des clients très particuliers. Elle a laissé dans l'appartement une croix de Saint André et une cage à hauteur humaine fermant à clés.
Tess est d'autant plus intriguée par Chantal Desforges, qu'elle est retrouvée assassinée quelque temps plus tard. Elle décide de fouiller dans le passé de celle-ci.

"La photographie de Lucerne" est, on peut le dire, un roman historique. L'auteur, William Bayer, fait d'incessants allers retours entre trois époques : 1913 à Vienne, 1937 en Allemagne et aujourd'hui à Oakland.
Cette photographie a vraiment existé. Elle a été prise en 1882 et inspire tout le livre. Elle représente Lou Andreas-Salomé (auteure et psychanalyste) dans une carriole avec une badine à la main et ses deux soupirants tirant cette carriole. Il s'agit de Paul Rée (physicien) et Friedrich Nietzsche (philosophe).

William Bayer bâtit, donc, une intrigue à plusieurs niveaux, dans laquelle il imagine deux autres versions de cette scandaleuse photographie : Tess est fascinée par Chantal qui était elle-même fascinée par Lou Andreas-Salomé.
"La photographie de Lucerne" est aussi un polar psychologique mêlant nazisme, psychanalyse, sadomasochisme, photographie, théâtre....

L'oeuvre de William Bayer, âgé aujourd'hui de quatre-vingts ans, ex-agent de la CIA, est hantée par l'art et la psychanalyse ; comme le démontre bien ce nouveau polar.

"Si tu n'as pas de bonheur à me donner, donne-moi ta souffrance !"

Cette citation, par ailleurs fort belle, est inscrite au dessus de l'arche qui sépare la pièce principale du vestibule du loft que visite Tess Berenson.

Enigmatique. Et troublant. L'espace semble suspendu comme pour s'imprégner de ce message brut.

Le propriétaire, un jeune sino-américain, lui précise, bien qu'elle le sache déjà que c'est d'une oeuvre de la grande Lou Andreas-Salomé, et que c'est l'ancienne locataire des lieux qui l'a fait inscrire en lettres cursives..

Une certaine Chantal Desfroges, qui bien qu'amoureuse des Belles Lettres et de la beauté des textes de Andreas Salomé, avait aussi une passion dévorante pour le bondage et autres jeux sado-masochistes, comme le témoigne un cachot incrusté dans un mur, et sa croix de Saint-André comme ultime décor...

Tess est envoûtée par ces lieux...

Très vite, elle voudra en savoir plus sur cette si mystérieuse Chantal, dont bien des personnes chantent sa beauté et sa discrétion... L'imparfait est de mise car cette Chantal est retrouvée morte, dans un coffre de voiture

Tess s'enfoncera, au cours de ses recherches, dans l'univers dans lequel semblait flotter Chantal Desforges...

Elle voudra la connaître, mais sait-elle que la réciprocité fut de même ?....

Et pourquoi ?

Et quel est ce lien avec Lou Andréas-Salomé, morte depuis plus de 70 ans ?....

Il faut reconnaître que William Bayer avec "La photographie de Lucerne" va chercher loin ses idées...
Car partir d'une simple photographie de 3 jeunes gens (pas encore illustres) pour un faire un roman, il faut une grande originalité.
Comme dans bien des romans de Bayer, c'est bien documenté, fouillé, "freudien", mais on s'y sent comme chez un spécialiste médical : pas trop à l'aise et on a hâte que ça se termine...

De plus, il est difficile d'éprouver la moindre sympathie, même si ce n'est pas le but recherché, pour ce jeune homme, qui aborde en 1913, dans une rue de Vienne la sublime Lou Andreas-Salomé...
Très vite, on devine qui il est et le monstre abject qu'il deviendra...

Enfin, en conclusion, je citerai en hommage à "Maitresse Chantal Desforges" une autre citation célèbre de Lou Andreas-Salomé :
"Le monde ne te fera pas de cadeau, crois-moi. Si tu veux avoir une vie vole-la."