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EAN : 9782369145035
160 pages
Libretto (18/10/2018)
4.09/5   221 notes
Résumé :
À la recherche de la source de l’âme humaine.

Au cœur de la forêt, à l’écart du reste des hommes, un père et son jeune fils mènent une existence sauvage, dure et désolée, semblable à celles des bêtes qu’ils côtoient. Un jour, l’inévitable collision entre cette réalité et celle du monde civilisé se produit, et le fragile édifice mental construit par eux se lézarde, puis s’écroule. Roman d’amour halluciné, à haute teneur métaphorique, Le Jour des cornei... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (55) Voir plus Ajouter une critique
4,09

sur 221 notes
Le Jour Des Corneilles m'a été chaudement conseillé par l'une de mes plus proches amies qui, connaissant mes affinités pour le style, m'a assurée que " tu vas adorer, j'en suis sûre ".

Et effectivement, dès les premières lignes vous êtes embarqués dans un français incroyable, comme surgit d'outre-tombe, un françois comme Français Rabelois l'eût probablement escrit et appresté, si agréable à l'esgourde par sa sonnaillerie plaisante et insolite.

Cet effet très maîtrisé par Jean-François Beauchemin est rendu presque naturel par le fait que le narrateur et protagoniste principal de l'histoire a vécu, complètement isolé et reclus avec son père dans une cabane au fond des bois depuis sa plus tendre enfance.

Ainsi, ce langage bourré d'archaïsmes québécois, lesquels archaïsmes ressemblent comme deux gouttes d'eau au moyen français qui se pratiquait à l'époque de Rabelais, est censé coller à l'archaïsme du mode de vie, loin de la civilisation et des moeurs de notre époque.

Donc, sur le volet du style, je trouve ce petit roman très réussi et très dépaysant, vous transportant en moins de cinq lignes à cinq siècles en arrière, comme au temps du bon roi François, premier du nom.

Il me faut maintenant parler des choses qui fâchent, à savoir que, malgré cette grande originalité de style, je n'ai pas goûté cette romance au ragoût de chipmonque et d'atrabile. Si vous aimez le glauque de chez glauque assaisonné au gore de chez gore, alors vous aimerez très certainement le Jour Des Corneilles.

En revanche, si comme moi vous n'affectionnez ni glauque ni gore, vous risquez d'éprouver quelques malaises durant cette lecture. de quoi est-il question ?

Dans ce récit à la première personne, le fils Courge explique à un juge tout son parcours, depuis sa naissance jusqu'à cette session devant le tribuneau. Il y fait donc la longue litanie des mauvais traitements semi-sadiques qu'il a subit de la part de son père, faute d'avoir connu sa mère, décédée à sa naissance.

Ce père, véritable brute des bois, qui a tout fait pour le faire périr, volontairement ou involontairement, avec ou sans le recours d'un fort dérangement cérébral est le véritable héros (anti-héros) de cette histoire.

Tout du long, on essaie de comprendre les motivations de cet homme, d'une part à vivre à l'écart du monde et à interdire à son fils tout contact avec ses semblables. Ensuite, l'origine de l'espèce de culte sacrificiel païen qu'il voue à sa défunte épouse, ainsi que quelques uns de ses dérangements psychiatriques.

Dans l'ombre du père Courge, vivote — survit plutôt que vit — son frêle fils, qui passe lui son temps à se demander si son père éprouve quoi que ce soit d'affection envers sa personne.

On peut lire en quatrième de couverture une citation de Martine Laval dans Télérama qui dit : " Ici, l'horreur flirte avec la grâce. " Tout dépend comment l'on entend le mot flirte, si comme moi, l'on considère que cela signifie " qui s'en approche sans jamais l'atteindre ", alors oui, je suis d'accord.

Pour ma part, j'écrirais plutôt que l'horreur flirte avec le morbide et roule un patin à l'immonde. Les scènes de dépeçage de créatures diverses, animales ou humaines, viennent à l'appui de ce sentiment.

Bref, très belle rencontre quant au style, mais grande déception quant au fond. Je pense qu'il est possible de parler d'amour filial sans aller dans des terrains aussi glauques et bourbeux, d'où cette appréciation mitigée et assez généreuse par rapport au plaisir réel que j'y ai pris à la lecture.

Mais ce n'est là que mon avis de sinistre corneille, un avis qui volera en fumée, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Vous pensiez que Rabelais était relégué au placard ? Qu'il était dépassé, voire ringard ? Eh bien, vous vous trompiez ! Jean-François Beauchemin réhabilite cette langue truculente qui, faisons tomber tous les préjugés se profilant à l'horizon, se lit particulièrement bien. Malgré la noirceur des propos, j'avais un sourire jusqu'aux oreilles, tournant les pages de façon frénétique, voulant en lire toujours plus.

L'histoire, je le disais, est rude : un homme, M. Courge, vit comme un sauvage en forêt. Lorsque sa femme donne naissance à leur fils, elle décède. M. Courge élève donc seul le petit. Jusque-là, vous allez me dire, il n'y a pas de réels problèmes, si ce n'est que l'homme, asocial, vit en autarcie. Oui, mais rajoutons à ceci qu'il "n'est pas tout seul dans sa tête", et vous comprendrez dès lors le danger de la situation pour le fils. Et c'est ce dernier qui va raconter cette histoire au juge. Oui, inévitablement, il va se passer quelque chose... Mais il faudra lire le livre pour le savoir !

J'ai adoré ce bouquin qui m'a d'ailleurs donné envie d'aller relire mes Rabelais. Je vous le conseille vraiment.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Au coeur de la forêt, à distance du village, le fils raconte. La vie quotidienne rude, la chasse et la cueillette pour assurer la pitance, une autarcie basée sur des connaissances de la nature parfois insuffisantes, et surtout les coups et les sévices, qui surviennent quand le père est pris par ses démons. La mère est morte en couches, à la naissance du narrateur, mais reste présente pour l'enfant qui dialogue avec les défunts.

Si le sujet n'est pas neuf, (mais existe t-il des thèmes vraiment originaux ?), la manière étonne. Ce fils analphabète utilise un langage étrange, des mots inventés, ou issus d'une forme ancienne, dont on ne connaît pas l'origine . Et l'on découvre qu'il s'agit d'une façon propre de s'exprimer lorsque l'enfant se rend au village pour chercher du secours pour son père qui a fait une mauvaise chute: là, le langage des personnes auxquelles il s'adresse à tout d'une langue ordinaire.

C'est quasiment un exercice de style que nous propose l'auteur, ce récit construit avec des néologismes incessants, et des tournures de phrases particulières, mais tout à fait compréhensibles. On s'y fait d'ailleurs assez vite, comme une langue étrangère que l'on apprivoiserait en quelques pages.

Un court roman original, sur le thème de l'amour inconditionnel d'un fils pour son père , que n'étaye aucun langage, sinon celui de la brutalité, une survie quasiment bestiale et un comportement guidé sur l'instinct et marqué par des coups de folie furieuse.

A découvrir pour le style et la violence des sentiments.

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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J'ai longtemps cherché comment décrire ce livre. En vain.
Et puis, voilà, j'ai trouvé le mot juste : c'est une bizarrerie.
Il ne rentre dans aucune case et ne ressemble à rien de ce que j'ai pu lire jusqu'ici.
L'auteur, québécois, l'a écrit dans une langue incroyable. Une langue venue du fond des siècles, du vieux françois ou plutôt du vieux québécois ; en tout cas, une langue qui réjouit nos oreilles... oh, pardon : nos esgourdes !
Dès le début, le lecteur se retrouve donc plongé dans un autre univers, une sorte d'univers parallèle.
La lecture est un enchantement, du moins en ce qui concerne la forme (la langue). Parce qu'en ce qui concerne le fond (l'histoire), c'est une autre paire de manches.
Le titre nous prévient. Ce n'est pas le jour des toucans, des martins-pêcheurs ou des rouges-gorges, non : c'est le jour des corneilles. C'est noir. Très noir.
Il faut rentrer dans ce texte sans craindre les descriptions assez crues, entre autres celles des dépeçages de bêtes en tout genre, mais le lecteur que cette sorte de choses ne rebute pas sera enchanté de sa lecture.
Durant quelques courtes heures de lecture (le livre est très mince et se lit vite) j'ai partagé la vie d'un père et de son fils, hors du temps, hors du monde, et j'ai vraiment aimé ça.
J'ai aimé ça, parce que c'est ce qui me plaît dans la lecture : voyager dans le temps et/ou dans l'espace, vivre des aventures que je ne vis pas dans ma vie réelle... bref, sortir de mon quotidien. Et ce livre-là m'a emmenée loin, très loin !
Un roman que je recommande à ceux qui n'ont pas peur de sortir des sentiers battus... et qui ont le coeur bien accroché.
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Né dans la cabane que ses parents ont choisie pour se retirer du monde, le fils Courge - c'est son nom - apprend la vie, parfois la survie, du peu que son père à la parole rudimentaire lui concède. Il grandit loin de la société. Sa mère est morte en lui donnant le jour.
L'âge lui conférant l'entendement, prospère alors en lui une ombre. Celle d'un manque qu'il ressent de plus en plus comme fondamental. Sans pourvoir y donner ni contour ni matière, le fils Courge comprend peu à peu qu'avec l'homme naît le besoin de trouver auprès de ses semblables, de ceux qui lui ont donné le jour en particulier, un sentiment de sécurité, de bien-être dans la proximité, une notion à laquelle il ne saurait donner de nom mais dont il en ressent inconsciemment l'impérieuse nécessité.
Privé de bienveillance maternelle, il reste confronté à ce seul père souvent pris lui-même par les visions de ses folies passagères. Ce dernier ne conçoit de nécessités que celles du corps. D'esprit il n'est question que dans ses lubies, de cœur jamais. Son abord n'est que rudesse voire même sauvage brutalité.
Dans le jour des corneilles, Jean-François Beauchemin réalise sous les yeux de son lecteur une expérience de laboratoire. Dans cet huis clos qu'il restreint à la confrontation père-fils, il étudie la construction de l'être humain, l'écartant des nécessités du cœur.
Mais voilà qu'un événement le rapprochant de la société que père et mère ont fui, le fils Courge va entrevoir dans la rencontre inattendue d'une jeune fille du village voisin, Manon, la raison du mal qui le ronge. Il découvre que, tapis au fond de l'être, se blottit le germe d'un besoin instinctif, aussi fondamental que nourriture du corps : le besoin d'amour. Le besoin de partager l'amour plus exactement, car lui n'en manque pas à l'égard de ce père plus cruel qu'aimant. Le besoin d'avoir un retour à cet élan spontané qui le fait rester auprès de cet être atrabilaire et imprévisible.
Le thème est prenant en soi. La façon de l'aborder est très originale. Par la forme qu'il donne à son texte, construit sur la base d'un parler archaïque, d'un langage fleuri, parfois cru, pour aborder des notions primaires, Jean-François Beauchemin le rend ardent, d'une lecture filante, jamais pesante et divertissante au final. Formidable contraste calculé au regard de la gravité du sujet.
En narrateur-acteur, son héros se livre à tous les excès qu'autorise le naturel, le spontané, à toutes les violences de langage et d'action. Cette façon de juxtaposer le comique du verbe, la brutalité des comportements et l'extraordinaire sensibilité de deux êtres frustres est stupéfiante et tellement porteuse d'émotions. On ne peut qu'être séduit par cet ouvrage qui reste au final un grand message d'amour.
J'ai donc moi-même été conquis par ce fabuleux roman. Fonds et forme, c'est très réussi à mon goût. Dès les premiers mots j'ai été saisi par son originalité, puis par ses thème et artifice de construction. Je le recommande vivement.
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Citations et extraits (89) Voir plus Ajouter une citation
Ma naissance terminée, mère commença à mourir sur la paillasse, car je lui avais donné ample fil à retordre avant d'aboutir ici-bas. Père, cependant, avait attendu à l'extérieur de la cabane que mère mette bas, profitant des bonnes heures du jour pour éviscérer un chevrillard achevé par haut matin. Tandis que, né, je hurlai, père entra, me saisit entre ses bras muscleux et me mena bien vite devant l'âtre crépitant. Mère, de son côté, nous quittait si silencieusement que père ne s'avisa de rien. Ce n'est que lorsqu'il me ramena sur paillasse enaccoutré de ma défroque nouvelle et qu'il se tourna finalement vers sa compagne qu'il nota : mère, qu'il adorait telle une pierrette rarissime, avait rendu l'âme.
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Parvenu avec lui à notre logement, je dus procéder à la plus détestable composition culinaire de mon existence. Père m'ordonna en effet de poser sur le feu la grosse marmite, puis d'y fourrer les ingrédients que voici : quantité d'eau de la barrique, une couleuvre, les tripes d'un garenne, un godillot, abondances de petits cailloux, une poignée de fourmis, une hotte complète de dalibarde, une famille de lombrics et toutes humeurs extraites d'un chipmonque : sang, flegme, sève, bile et atrabile. J'avais été soumis, déjà, à avalement d'autres sordides repas : crevard de mouffeton, troublé de bif, répugnant de poularde ou piteux de fétuque. mais le rata que me fit apprêter père ce jour-là outrepassa, en infamie, toute empifrade d'avant.
Une fois mes ingrédients jetés dans la marmite, père s'assied devant l'âtre. [...] Puis il prend la louche, brasse un brin, et gorge de cette affreuse mixture nos écuelles à soupiasse. Entamant la sienne, il dit : " Avale, Fils ! " D'un bond, je me répands à son genou, pleurniche presque et rouspète : " Mais pourquoi ? Pourquoi me faire avaler ce tord-bedain ? " Seulement, nul discours ne traverse sa lippe. Plutôt, il ingère sa méprisable bouillade goulûment, lèche sa cuillère. " Pourquoi ? Pourquoi ? ", serinais-je, toujours à son genou, tandis qu'il se servait déjà une nouvelle portion. À la fin, il se dresse brusquement, pointe son doigt menaçant vers moi et relance avec courroux : " Avale, Fils ! " Résigné, je rebrousse sur taboureau et commence à m'enfourner cette chose. Je manque vomir encore aujourd'hui rien que de l'évoquer.
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Sa voix fut rude et commandeuse : " Parnoir ! Fils ! J'ai faim ! Sers-moi donc sur l'heure de cette viande-là ! " Mon rétorque fut à peu près ainsi : " Mais, Père, c'est que je mijotai cette pitance pour mon usage personnel, sans songer que tu y poserais la lippe.Aussi y mis-je quantité d'assaison d'herbe-aux-rats, que je goûte fort, mais qui d'ordinaire te fait venir, à toi, pustules et boutons variés ! Mais si tel est ton souhait d'avaler un peu de chair, laisse-moi assomer de mon godillot quelques-unes des souricelles qui circulent en notre cabane. Je te les embrocherai vitement et te les grillerai à ta satisfaction. "
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J'ambitionnais de retrouver père. D'où me venait que, malgré ses cruels mouvements à mon endroit, je le chérissais plus que l'existence même ? Était-ce là l'effet puissant et impénétrable de la lignée ? Le sang qui course dans nos veines est-il à ce point porteur de sentiment ? Mystère de nos jours ! Diablerie de la naissance, de la souche et de la famille !
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J'incline à croire qu'il me fallait, pour mieux vivre, entrevoir la destination des choses, et ainsi imprimer signification à tout ce qui précédait cette conclusion, un peu à la manière de la fourmi qui rapporte en sa fourmilière la goutte de miel assurant la survie de ses sœurs insectes. M'était besoin de savoir que m'attendait quelque part une fourmilière, et que ce que j'y promettais en mon trajet lui était nécessaire. Et peut-être étais-je moi-même une sorte d'insecte rapporteur, cherchant en ce monde à se lier à sa société de semblables afin de lui fournir contribution. Quelle contribution ? Je n'avais en vérité que peu de choses à offrir, hormis la besogne de mon cœur, mon ouvrage de sentiment.
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