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3,87

sur 479 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
A quoi sert l'art? Dans cette troublante et cérébrale autobiographie, Alison Bechdel donne de nombreuses réponses. Son père fait vivre sa famille dans un musée: meubles d'époque, tapisseries d'époque, encyclopédies rangées dans le Canterbury et ciseaux à retrouver dans le Chippendale. On peut penser que le lecteur se gondole plus que la gamine à qui on assène un « Pas de bol » laconique quand elle prétend détester les rideaux roses de sa chambre, final touch non négociable pour un décor parfait. Ce n'est pas pour rien que l'artisan de cette maison-témoin est également thanatopracteur: restaurant les cadavres pour les conformer à une vie disparue, restaurant la maison pour retrouver une époque moins révolue que mythique, celle d'une famille heureuse. L'art , donc, qui recherche la perfection et qui la fige: l'art qui combat la vie en poursuivant la beauté.
La mère, elle, joue: qu'elle s'installe au piano ou répète Oscar Wilde avec une troupe amateur, elle fuit dans un monde qui lui est propre et la place hors d'atteinte d'une réalité contraignante et parfois sordide.
L'art est aussi une posture morale qui rehausse votre prestige et vous donne des envies de Pygmalion: les livres quittent le Canterbury, prêtés à des jeunes gens en mal de conseils intellectuels qui, s'ils avaient lu Platon plus tôt, auraient su que les mentors s'intéressent aussi à l'enveloppe charnelle de leurs protégés.
L'art peut aussi devenir langage oblique, message codé, rébus rétractable dont l'expéditeur peut toujours feindre ignorer le double sens: Colette et Joyce pour se dire homosexuel à qui pourra ou voudra le comprendre.
Mais surtout la littérature déroule son fil d'Ariane. Alison Bechdel enquête sur sa famille dysfonctionnelle avec pour boussole les livres: indices laissés par les annotations des livres du père, récitation par la mère de son poème préféré… Mais surtout relecture de sa propre vie par l'intermédiaire des romans. Quand Proust permet à Alison de comprendre pourquoi elle a tenté de changer son prénom pour « Albert », Homère la convainc que le spécialiste de Joyce est un avatar de la déesse Athéna. Et Scott Fitzgerald devient un coupable idéal pour expliquer la mort du père.
Être lecteur de roman, c'est généralement découvrir qu'on est sur la liste des personnages et que l'auteur parle de nous, ou, plus exactement, que les mots du livre peuvent dire à la fois leur histoire et la nôtre, et qu'ils nous offrent une réalité moins alternative qu'englobante. le fun home du titre est bien un établissement funéraire mais aussi la maison d'une famille en bien des points heureuse (« Pour maman, Christian et John. On s'est bien amusé malgré tout. »). le sous-titre « A family tragicomic » évoque le comic strip mais aussi le tragi-comique de toute vie. La mort du père est un accident tout autant qu'un suicide. À entrelacer les romans et la vie, à croiser tous les sens possibles, Alison Bechdel parvient à renouer avec son père, à l'arrimer solidement à sa propre existence, à accepter qu'il ait été idéal et salaud et nous laisse ébahis de constater qu'elle nous dit tout cela par la grâce d'un art graphique où texte et dessin se complètent jusque dans leurs divergences.
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J'ai longtemps eu l'impression de voir le genre graphique souffrir d'une forme de suffisance, les gens prompts à critiquer qu'il s'agit d'un « livre d'images ». Pourtant, aujourd'hui formée à la facilitation graphique et à l'utilisation chaque jour même en formation, je peux confirmer encore une fois l'impact sur notre cerveau entre le mot et l'image : l'un est renforcé par l'autre offrant une réelle expérience sensorielle.

"Fun Home" d'Alison Bechdel est bien plus qu'une simple bande dessinée ou qu'un roman graphique. C'est une oeuvre artistique et narrative qui offre une immersion profonde dans l'histoire de l'auteure elle-même, tout en présentant une réflexion émotionnelle sur l'identité, la famille et la sexualité. Une recherche de soi, en soi, où le mot habille l'image, et l'image déshabille le mot.

L'histoire s'articule autour de l'exploration de l'enfance et de l'adolescence d'Alison, focalisée sur sa relation complexe avec son père. L'ouvrage se déploie comme un puzzle soigneusement assemblé, mêlant les souvenirs, les émotions et les découvertes. La façon dont elle entrelace ces éléments crée une trame narrative intéressante qui explore les couches profondes de son vécu. J'ai aimé me plonger dans ces souvenirs, comme si dans un sens, on tourne les pages d'un album photos.

Ce qui rend "Fun Home" attirant est le choix de la forme graphique. Bechdel intègre ses mots à des illustrations précises et expressives, créant un dialogue visuel puissant entre les images et le texte : le pouvoir de la pensée visuelle, je retrouve dedans les concepts que j'adore dans la facilitation graphique (qui ne se résume pas à de jolis cadres ou illustrations). Chaque illustration est chargée d'émotion et de subtilités, renforçant le récit de manière saisissante. L'utilisation du graphisme permet aux lecteurs d'entrer encore plus profondément dans les pensées et les sentiments d'Alison, créant une intimité, même si par moment, j'ai eu l'impression de franchir la limite de ma propre pudeur émotionnelle.

L'auteure aborde sa propre découverte et compréhension de son homosexualité. Elle explore sa relation avec son père, qui était également homosexuel, en mettant en lumière les complexités d'une famille qui cache des secrets et des désirs. Cette exploration intime de l'identité sexuelle se reflète à travers le mélange subtil d'illustrations évocatrices et de textes révélateurs. Encore une fois, suis-je spectatrice, confidente ou observatrice ? J'ai aimé me questionner durant la lecture.

En bref : Ce livre est une belle exploration artistique, émotionnelle et autobiographique qui utilise habilement le langage visuel pour capturer l'essence de l'expérience humaine. Alison Bechdel nous invite à plonger dans ses souvenirs, à ressentir ses émotions et à réfléchir sur des thèmes universels tels que la famille, l'identité et la sexualité. Nous avons encore une fois une preuve vivante du pouvoir de la narration graphique à captiver et à émouvoir les lecteurs. J'ai vraiment de plus en plus le goût au roman graphique et en apprécie toutes les subtilités et styles !
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Alison Bechdel raconte son coming out à travers la relation qu'elle a entretenu avec son père. Elle entraîne le lecteur très profondément dans l'intime. Elle se dévoile, elle dévoile l'intimité d'une famille, d'une génération, d'une relation père-fille.

Je me suis senti parfois mal à l'aise, me considérant comme un voyeur. Mais ce voyeurisme m'a semblé souhaité par l'autrice. Ce qui a parfois renforcé mon malaise.

L'autrice explore sa sexualité, son identité. Et aussi celle de son père, dont elle va apprendre le goût pour les jeunes hommes (voire très jeunes...) alors qu'elle choisit de révéler sa propre homosexualité à sa mère. La première moitié, grosso modo, du livre est un travail de déconstruction de l'image du père. Il est sur un piédestal, paré de toute une série de défauts. Alison Bechdel développe plutôt une image paternelle négative. Et la seconde moitié est un exercice de reconstruction de ce père, mort dans un accident qui fait aussi penser à un suicide. Cette reconstruction s'opère comme une image-miroir d'Alison elle-même. Comme si leurs homosexualités respectives se faisaient face, se répondaient. Comme un parallèle entre deux identités qui s'oppose mais se créent mutuellement.

Je me suis parfois senti happé, interpelé. Voyeur. Mais je me suis aussi senti interrogé ou ramené à moi-même, à mon image, à ma relation avec mes parents, ma/leur sexualité... Car Alison Bechdel, à partir de sa propre expérience, fait oeuvre d'universalité. Elle raconte une histoire vieille comme le monde, mais elle le fait avec un voyeurisme pudique... si on me passe cet oxymore (je crois...).

Il est également beaucoup question de littérature, et fatalement de littérature gay... donc de Proust. Mais pas uniquement. Si on compilait l'ensemble des ouvrages vus et discutés dans la BD, on aurait certainement une sacrée PAL sur la question. Ce n'est pas négligeable non plus.
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Fun Home est un beau roman graphique où l'auteure entend ici rendre un hommage à son père, et parler de leur homosexualité à tous deux. Il nous montre les relations entre un père et une fille, qui se ressemblaient. de nombreuses références littéraires sont reprises en fil rouge de cet album. Celles-ci sont soigneusement choisies, suite à la façon dont le père est décédé, c'est-à-dire, en se donnant la mort. Un acte qui reste difficile à expliquer. Cet homme aux tourments cachés qui adorait la décoration, et travaillait dans la maison funéraire familiale, est mort au cours d'un accident de la route. Sa fille Alison qui trouve sa mort ridicule ne peut se résoudre à pleurer sa mort. Elle nous fait un portrait troublant de ce père aux multiples visages et par la même occasion, elle se met elle aussi à nu comme homosexuelle. C'est touchant, sensible, et ce portrait commun nous montre le regret de ce père disparu et la complicité entre le père et la fille qui se ressemblaient, par leur orientation sexuelle. Il n'y a pas beaucoup d'effusion sentimentale, cela reste pudique et touchant. On y voit aussi l'action éducative. Sur le scénario, j'ai aimé la construction, très agréable et les flash-backs bien réalisés. Un récit engagé, littéraire, féministe. A lire.
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Sous un titre qui exclut une traduction littérale, Fun Home décrit une famille dysfonctionnelle et pourtant stable jusqu'à la demande de divorce par la mère, suivie de la mort ou du suicide du père. C'est une autobiographie où Alison se construit face à un père secret, esthète, colérique, bisexuel. Père et fille se devinent et s'affrontent en silence : dans le miroir de la couverture du livre, c'est l'image du père qu'examine Alison enfant. Les thèmes sont multiples : le passé et la littérature du début du XXe siècle, l'actualité en fond d'image, la famille et l'homosexualité, le suicide et le corps mort (le père est à la fois thanatopracteur et professeur de lettres), la faillite de la communication, la dissimulation, le trouble obsessionnel compulsif. Tout cela illustré d'un dessin au trait sobre et précis, d'une qualité aussi sèche qu'impeccable. Ce grand livre ne se résume pas, il faut le lire en texte et en image.
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Fun Home, une drôle de maison, une drôle de famille. Mais drôle dans le sens bizarre, pas conventionnel, décalé, queer. Habile jeu de mot pour ce titre. D'une part parce que Fun, ça vient de Funeral. La Funeral Home est l'entreprise familiale de pompes funèbres depuis des générations, gérée par le père de famille en plus de son métier d'enseignant en littérature. Et d'autre part parce que le rire, dans cette famille, c'est pas trop ça. Ni les démonstrations d'amour. le père est un restaurateur passionné et intransigeant de leur grande maison néogothique, amateur de fleurs, de velours, de dorures. C'est évidemment un littéraire. C'est aussi un homme introverti qui cache un secret. La mère, également enseignante de littérature, assure la logistique de la vie familiale tout en tentant de rédiger une thèse et de jouer dans quelques pièces de théâtre. Une ambiance globalement froide, sévère, avec très peu de manifestations de tendresse de façon générale.
En convoquant des souvenirs de ses 20 premières années, jusqu'à la mort de son père, Alison Bechdel part « A la recherche du père perdu », et mal connu. C'est un livre-hommage au père disparu et à leurs points communs, un livre-questions sur l'identité réelle de ce père, sur la teneur de leurs liens, un livre-thérapie sur l'identité féminine et masculine, sur le refoulement, sur la culpabilité, sur la sexualité, sur un secret de famille. Une tentative de donner du sens aux événements passés, et de restaurer un lien ténu, grâce notamment à la littérature, avec beaucoup d'objectivité, de sincérité et d'amour.
L'auteure dédie ce livre à sa mère et à ses deux frères en leur disant « on s'est bien amusés malgré tout ». C'est terriblement touchant.
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Oeuvre autobiographique d'une intelligence colossale, "Fun home" aborde les nuances de l'être avec une honnêteté désarmante. Homosexualité(s), narcissisme, littérature, ambitions, troubles psychiatriques sont tout autant de thèmes centraux et passionnants dans cette bande-dessinée qui dépasse sans complexes les limites d'une pensée étroite et muselée. Autrice de grand talent, Alison Bechdel parvient à émouvoir sans pathos, à convaincre sans crier, à toucher sans heurter. Un classique moderne.
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Fun Home : Une tragicomédie familiale. Tragique oui. Comique ? S'il y a de l'humour dans cette histoire, alors il est vraiment très sombre. Jusque dans le choix de ce titre, "Fun Home", qui n'est que le diminutif de "Funeral Home", désignant le salon familial qui servait de chambre funéraire pour les embaumements des corps. Car le père, Bruce, travaillait pour les pompes funèbres...

Les dessins en noir & blanc & gris bleuté sont remarquables et souvent, les regards et les visages peuvent rappeler ceux de Marjane Satrapi dans Persepolis, une autobiographie là encore.
Alison Bechdel ne se contente pas de raconter ses souvenirs. Dans un récit construit de façon complexe, elle analyse inlassablement ce dont elle se rappelle, pour plonger dans les non-dits du passé, dompter les douleurs étouffées. de son père elle garde l'amour pour la littérature et fait souvent des parallèles avec des oeuvres de James Joyce, Camus, Colette...
Fun Home, c'est du lourd. Mêlant complexe d'Oedipe inversé, complicité inédite avec un père aussi proche que distant, Alison Bechdel parvient avec une immense lucidité à sonder son passé en faisant remonter à la surface deux secrets croisés entre un père et sa fille aux identités sexuelles difficilement vécues. Brillant.
Lien : http://chezlorraine.blogspot..
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Alison Bechdel se montre toujours aussi brillante lorsqu'il s'agit de se livrer.
J'adore suivre son introspection et ses reflexions.
Elle parvient à instaurer une intimité avec son lectorat. J'ai vraiment la sensation qu'elle ouvre les portes de son âme et qu'elle nous fait une visite guidée de la relation complexe qu'elle a entretenue avec son père.
Ayant lu toutes les oeuvres de Bechdel ( unqiement celles traduites en français), je trouve Alison attachante et touchante.
Une très belle oeuvre.
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Fun home est l'abréviation donnée par la famille Bechdel au funeral home (funerarium), l'entreprise de pompes funèbres familiale gérée par Bruce, le père d'Alison Bechdel. Bruce est aussi professeur de littérature au lycée de leur petite ville de Pennsylvanie et passionné par la décoration et la restauration de vieux objets. Il occupe tout son temps libre à faire une oeuvre d'art de la maison ancienne habitée par la famille. Dans cette bande dessinée autobiographique, Alison Bechdel raconte sa relation à ce père tyrannique et colérique et la vie de la famille dans les années 1960 (1960 : naissance d'Alison) et 1970 (1980 : mort de Bruce). La mère, également professeure au lycée, prépare une thèse et fait du théâtre en amatrice. Il y a aussi deux frères cadets. le cadre familial est celui d'une famille d'intellectuels.

Alison Bechdel qui a toujours refusé de s'habiller "en fille" découvre son homosexualité à l'adolescence. C'est à l'occasion de son coming out qu'elle apprend celle de son père. Il meurt peu après. Dans cet ouvrage elle analyse ses souvenirs d'enfance pour essayer de comprendre qui il était. La réflexion est approfondie dans laquelle l'autrice se met à nu et le résultat est un hommage émouvant à ce père imparfait. C'est un livre intelligent avec de nombreuses références littéraires et, en arrière fond, un tableau de la libération des moeurs aux Etats-Unis dans les années 1970. J'ai beaucoup aimé cette lecture ainsi que le dessin en noir et blanc. Les traits sont fins et précis avec de nombreux détails. La lecture de sa fiche Wikipédia m'apprend que c'est Alison Bechdel la créatrice du test de Bechdel (je le connaissais mais pas son nom) qui permet d'évaluer la présence féminine dans un film grâce à trois questions :
Y a-t-il au moins deux personnages féminins identifiés par leur nom ?
Ces femmes parlent-elles ensemble ?
Leur conversation porte-t-elle sur un sujet autre qu'un personnage masculin ?

Depuis que je l'ai découvert il y a quelques années je l'utilise régulièrement avec profit. le résultat est édifiant.
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
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