J'ai lu quelques critiques très intellectualisantes concernant "Godot".
J'avoue que je m'y retrouve en partie, mais en partie seulement.
Car si certains des messages, des signaux émis par le "cerveau
Nobel" parviennent à être captés par mes rarissimes neurones récepteurs, je ressors de la lecture de cette célébrissime pièce, dans l'état où son auteur, acteur influent du théâtre de l'absurde, a souhaité me plonger : un bain de non-sens mâtiné d'ennui.
Oui, j'affirme, mais on peut m'opposer à raison le contraire, que l'intention de
Beckett était de nous prouver que le pourrissement de l'attente conduit inexorablement à l'ennui... et le pari est réussi, la démonstration par l'absurde, irréfutable.
Deux actes (rien que des actes, pas de scènes), un plateau vide, avec pour seul décor un arbre. Pas de cadre spatio-temporel précis... sinon la succession jour-nuit.
Deux vagabonds, Estragon ( celui qui se fait tabasser toutes les nuits par des "inconnus" ) et
Vladimir, se retrouvent comme chaque matin, et comme chaque matin, sacrifient aux mêmes rituels, entament un dialogue... fait de deux monologues qui soulignent "l'isolement" de chacun. S'ensuit une litanie de clichés, lesquels marquent le vide et l'impuissance du langage.
L'essentiel pour eux est de tromper l'attente, le vide et l'ennui...
en attendant Godot, personnage mystérieux, antidote à l'absurde et à la désespérance. Mais Madeleine...non, Godot n'arrive pas...
À sa place, un duo maitre-chien ou maitre-esclave : Pozzo " propriétaire terrien" et Lucky ( le chanceux... on le serait à moins !) la bête de somme, le portefaix du propriétaire.
Pozzo se raconte, tirade, explique, jargonne.
Lucky mord Estragon, danse et pense tout haut dans une logorrhée que les autres doivent interrompre de force.
Après ces échanges absurdes, ridicules, exhibitionnistes, gênants, le duo se retire et laisse les vagabonds qu'un messager vient informer que Godot s'excuse : il ne viendra que demain.
Le lendemain, au second acte donc, on retrouve le même décor, avec l'arbre... dont les feuilles ont poussé... Comme le temps passe !
Estragon et
Vladimir ont presque oublié les "évènements" de la veille.
Rituels ( la carotte a laissé la place au radis noir...), mêmes échanges faits de beaucoup de lieux communs ( thème du suicide omniprésent... Sisyphe ? ).
Retour de Pozzo, devenu inexplicablement aveugle et de Lucky, que cette fois, Estragon va rosser à l'occasion de sa chute entraînée par celle de Pozzo. Si Pozzo est aveugle, Lucky, lui, est muet.
Échanges entre Estragon,
Vladimir et Pozzo sur les bonnes ou mauvaises raisons d'aider celui-ci à se relever. Puis une fois sur pied, le maître et l'esclave, comme la veille, disparaissent.
Comme la veille, un messager ( le même ? ) vient les informer que Godot s'excuse, il n'a pas pu venir mais sera là demain.
Estragon, las, veut se pendre avec sa ceinture mais échoue.
Les deux compères se promettent de revenir le lendemain avec une corde qui fera leur affaire, et si Godot se dérobe une fois encore... la corde sera un sûr dictame pour les maux de leurs corps et de leurs âmes.
La pièce s'achève sur une fin ouverte.
Qui est Godot ? Nul ne le sait.
Que deviendront les personnages... penser à demander à
Pirandello ( mauvaise blague...)
Si l'on cherche quelque réconfort une fois sa lecture achevée... parce que persistent de très grandes zones d'ombre, il n'est que de se dire que de brillants intellectuels aujourd'hui cherchent encore à comprendre ce qu'a voulu dire
Beckett...
Extrait d'une tentative d'analyse :
"
En attendant Godot : interprétations possibles.
On a souvent vu dans
En attendant Godot une pièce métaphysique, sur le non-sens de l'existence et l'inclination des hommes, pour combler ce vide, à se tourner vers un Dieu, vers une espérance ( "Godot" fait songer à "God", Dieu en anglais). Pourtant une nouvelle interprétation se développe depuis quelques années : la pièce pourrait représenter deux juifs persécutés en 1943 dans le Roussillon (qui est en zone libre, les deux personnages auraient pu s'y réfugier). Cela expliquerait leur pauvreté, ils sont clandestins mais aussi qu'Estragon se fait battre sans cesse : il ne peut pas se défendre en portant plainte sans se faire arrêter et déporter. Cette nouvelle interprétation a notamment été médiatisée par Valentin Temkine spécialiste de
Beckett."
Je laisse
Maurice Blanchot conclure.
" L'attente commence quand il n'y a plus rien à attendre, ni même la fin de l'attente. L'attente ignore et détruit ce qu'elle attend. L'attente n'attend rien."
À lire... oui mais... !