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sur 3539 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
En attendant Godot moi aussi depuis que je suis née, j'ai eu le temps de relire une demie douzaine de fois cette pièce de théâtre parmi les plus connues de Samuel Beckett. Godot ne vient jamais, ou peut-être vient-il sans qu'on ne le reconnaisse, et le miracle du temps aidant, chaque fois m'a donné l'impression de lire une pièce différente.


Lors de la première lecture, En attendant Godot stupéfie en même temps qu'il réconforte et procure le même effet que lorsque l'on rencontre une nouvelle personne avec qui des affinités immédiates se créent. Samuel Beckett est surtout connu pour avoir contribué au théâtre de l'absurde, mais il est trop peu reconnu pour ses qualités d'observateur psychologique. La scène vide sur laquelle ses personnages aux noms fantasques brassent de l'air –vide si l'on excepte un saule pleureur- peut tout aussi bien représenter le monde désenchanté qu'une scène expérimentale sur laquelle des êtres humains auraient été placés, sous l'oeil démiurge d'un Godot qui souhaiterait observer l'évolution des interactions entre les deux membres du couple Vladimir-Estragon. Couple asexuel quoique voué à l'amour et au désir par ennui, perturbé par l'intrusion d'éléments extérieurs qui semblent n'avoir d'autre but que de renouveler la nature d'interactions qui, sans cela, auraient rapidement trouvé leurs limites. Épisodiquement se présentent donc Pozzo et son « chien » Lucky, ainsi que le petit garçon, messager d'un Godot qui se fait désirer…


Alors certes, Samuel Beckett nous donne à voir des personnages qui tournent en rond sur une scène constituée de très peu d'éléments avec lesquels interagir, et on pense que cela risque d'être inintéressant… mais ce serait faire preuve de bien peu de recul porté sur soi-même que d'imaginer cela. Car qui sont Vladimir et Estragon, sinon le reflet de notre ennui pris au piège d'un autre ? Si cette pièce de théâtre nous donne l'impression d'avoir trouvé en Samuel Beckett un décrypteur fidèle de nos âmes, voire un sage à qui l'on aimerait confier les misères de notre condition, c'est parce que le comportement de Vladimir et d'Estragon cesse d'être celui de simples personnages de théâtre ; ils sont à notre image –à moins que nous ne soyons à la leur-, ce qui implique que Samuel Beckett est également à notre image –à moins que nous ne soyons à la sienne. Vladimir et Estragon représentent l'ennui qui cherche à se dissiper en recourant à l'autre ; la méchanceté gratuite lorsque même le recours à l'autre ne suffit plus ; la vanité lorsque tous les recours ont été utilisés ; l'absurdité lorsque ces étapes ont été franchies dans la plus parfaite inconscience.


En attendant Godot est une pièce délicieuse à voir mais plus encore à lire. Les subtilités de la description psychologique de ces personnages qui s'ennuient se découvrent dans les didascalies, dans les silences, dans le recours cyclique aux mêmes thèmes. La lecture permet à chacun d'adapter les propos à son propre rythme de l'absurde –lenteur à l'image d'un temps si long qu'on n'arrive plus à combler ; rythme indifférent du personnage résigné à la monotonie ; rapidité fébrile qui cherche à masquer l'absurdité.


Samuel Beckett livre une vision pessimiste de l'humanité. Il ne donne aucun espoir, mais peut-on le lui reprocher ? Personne ne peut lui imposer d'être un recours galvanisant de nos âmes. Peut-être existe-t-il un au-delà d'Estragon et de Vladimir mais parce que Samuel Beckett n'en parle pas, nous devrions réduire sa pièce à une vision désenchantée du monde ? A condition de s'admettre soi-même voué à l'ennui et à l'absurdité, il sera impossible de ne pas se reconnaître dans les personnages de Vladimir et d'Estragon. Qui n'aura jamais été, semblables à eux, dans la condition de recourir au bavardage insignifiant avec un autre inintéressant pour se passer le temps ? qui n'aura jamais eu l'impression de se renier soi-même en commettant des actes contraires à ses valeurs ou à ses intérêts pour meubler le vide ? qui n'aura jamais été surpris par soi-même, se découvrant des réactions et des propos qui n'auront été, en fait, provoquées par rien d'autre que l'attente d'un évènement significatif qui ne vient pas ? qui n'aura jamais déversé son fiel sur l'autre fidèle par simple désamour de soi ? D'un coup, Samuel Beckett réduit l'amitié, l'amour et même la haine à néant, comme simples manifestations d'un ennui prenant des formes différentes en fonction de ses degrés d'évolution.


Pour finir, Samuel Beckett nous place dans la même situation que ses personnages, incapables de s'exprimer exactement :


« VLADIMIR. – Je ne comprends pas.
ESTRAGON. – Mais réfléchis un peu, voyons.
Vladimir réfléchit.
VLADIMIR (finalement). – Je ne comprends pas.
ESTRAGON. – Je vais t'expliquer. (Il réfléchit.) La branche… la branche… (Avec colère.) Mais essaie donc de comprendre !
VLADIMIR. – Je ne compte plus que sur toi.
ESTRAGON (avec effort). – Gogo léger –branche pas casser –Gogo mort. Didi lourd –branche casser – Didi seul. (Un temps.) Tandis que… (Il cherche l'expression juste.) »


Voilà pourquoi En attendant Godot subjugue autant : toute la condition humaine est représentée dans cette scène et culmine dans le personnage d'Estragon. On peut s'arrêter là, se décourager, et accepter un silence et un ennui qui ne cherchent plus à se déguiser. On peut également chercher à dépasser cette condition au prix d'une forte abnégation et d'une volonté tenace car, après avoir été frappé par la pertinence de cette pièce, il sera difficile de ne plus voir l'ennui et l'absurdité qui attendent, larvés sous nos actes fébriles. On peut également passer de l'un à l'autre de ses comportements : ainsi moi-même qui, concédant à Samuel Beckett la lucidité de sa vision, m'efforce toutefois de lui faire du tort en chassant l'ennui et en croyant produire un effort significatif par l'écriture de ce commentaire.

Lien : http://colimasson.over-blog...
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Cette pièce en deux actes est la première que j'ai pu lire de cet auteur. le décor est épuré, minimaliste : une route de campagne, des champs et... un arbre ! Et c'est justement sous cet arbre que tout va se jouer (si vous me pardonnez ce jeu de mots). Vladimir et son frère, Estragon, attendent un personnage qui leur a fait la promesse de venir : Godot. Les dialogues sont totalement absurdes, vains. Entrent ensuite deux autres larrons, Pozzo, tenant en laisse Lucky et le traitant comme son esclave. Un petit moment se passe et les deux hommes partent, non sans bruit. Un enfant vient dire à Vladimir et à Estragon que Godot ne viendra pas. On apprend qu'il en est ainsi tous les soirs. le lendemain, même chose, ainsi que les jours suivants... Les personnages ont un peu vieillis. Godot n'apparaît toujours pas. Arrivera-t-il un jour ? Qui est Godot ? Telles sont les questions que vous vous poserez en lisant cette pièce.

Beckett s'inscrit dans la mouvance de l'absurde. On pourra voir, à travers ses personnages, une critique de la quête, du conditionnement, de l'humanité dans son ensemble. le style peut dérouter mais il donne à réfléchir.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Poser deux hommes sur scène, les faire se parler pendant deux heures pour attendre quelqu'un qui ne vient pas (et qui ne viendra jamais), il fallait oser.
Quand on sait que ces hommes sont des vagabonds, qu'ils n'ont rien d'important à se dire, à part parler et attendre, que Godot qu'on attend n'a aucun intérêt, on peut se demander si Beckett ne nous prend pas pour des pigeons.
Mais il y a aussi les symboles, Godot, petit dieu invisible, l'arbre qui occupe la scène, les chapeaux melons de ces laissés pour compte de la société...
La pièce est magistrale, on peut la représenter de toutes les manières, comique, tragique, dramatique, on peut y voir aussi le vingtième siècle représenté dans son essence.
C'est la pièce la plus célèbre de Beckett, celle qui l'a fait connaître et un classique du théâtre de l'absurde. du grand art, dans les mots comme dans l'art dramatique.
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Ciel!
Que de longs posts, pour conter sa lecture de En attendant Godot.
C'est la première oeuvre de Samuel Beckett que je lis, et j'ai (attendu? mis? cheminé? hésité?...) longtemps avant de trouver très récemment le mince recueil des (non?) aventures d' Estragon et Vladimir au bord d'une route.
Pourquoi ais-je aimé, complètement et inconditionnellement, cette pièce en deux actes? Je ne saurais l'expliquer vraiment. Peut-être par cette vacuité d'une attente meublée par de l'extrême provisoire, du passager, du dérisoire... qui doivent s'effacer à l'arrivée de certain Godot. L'idée de cette salle d'attente en plein air et de ces deux occupants de l'éphémère qui dure? Ou alors, ces questions nombreuses qui me chatouillent une fois le livre refermé?
Mais voilà que dure et s'étire ma jactance. Comme si l'angoisse de n'avoir rien à dire me rejoignait.
Galope mon imagination, à trouver une suite aux aventures d' Estragon et Vladimir.
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Résumé d'un élève à un autre élève: "C'est l'histoire de deux mecs, y z' en attendent un troisième, y vient pas, ça dure deux plombes, y s'passe rien, y s'font chier, et nous avec!"

Anna Karina dans Pierrot le Fou: "J'sais pas quoi faire! Qu'est-ce que je peux faire?j'sais pas quoi faire! Qu'est-ce que je peux faire?j'sais pas quoi faire! Qu'est-ce que je peux faire?"etc..

Repris en leit-motiv par François Morel dans son dernier spectacle, La fin du monde est pour dimanche...

Tous beckettiens en diable. Voyez plutôt:

Didi à Gogo: Qu'est-ce qu'on fait maintenant?
Gogo à Didi: On attend Godot!
Didi à Gogo: C'est vrai!

On aura compris: En attendant Godot est l'histoire d'une attente (sans blague?)

Et que faire en attente à moins que l'on ne songe, dirions-nous pour parodier La Fontaine...

Eh bien , TOUT , justement , TOUT pour ne PAS songer!

Causer, parler pour ne rien dire ou si peu, jouer à se quereller, à se réconcilier, regarder d'autres rares égarés se donner en spectacle, constater que rien ne passe et que tout se détériore néanmoins, évoquer le passé pour Didi, (mémoire du couple), et pour Gogo, (poète du couple), psalmodier sur les feuilles d'un arbre (-est-ce bien celui-là, où il nous a dit d'attendre?)...

"J'ai vu Pascal joué par les Fratellini, "confiera Anouilh ,en sortant d'une des premières représentations de la pièce.

Car ces deux clochards terrestres assignent au langage la fonction suprême de divertir, d'éviter de penser ( - D'où viennent ces cadavres?
- Nous avons dû penser un peu... ).

La pensée, le rêve, le sommeil, c'est de l'angoisse existentielle à l'état pur.

A Lucky, son esclave, Pozzo, commande "-Pense, porc! " et sous les yeux horrifiés de Didi et Gogo, le malheureux Lucky se lance dans une gigantesque phrase-labyrinthe sans queue ni tête, ni syntaxe- discours nauséeux que tous interrompent en le battant comme plâtre...

A la fin de la deuxième journée, le dénommé Godot, décidément pas homme de parole, se décommande une fois de plus - mais est-il un homme ce vieillard à barbe blanche invisible ...ou un God/ God not/ Godot? on se le demande... un peu facilement.

L'attente semble donc devoir durer au-delà de la représentation, temps littéral d'un espace théâtral nommément désigné : -Nous sommes servis sur un plateau..dit Didi à Gogo ,( à moins que ce ne soit l'inverse). Et plus loin: -Donne-moi la réplique de temps en temps! Life 's a stage!

Alors, Didi et Gogo, personnages de théâtre dénonçant la convention même de leur existence fictive ? Etres humains presque en rupture de ban avec la société mais encore rattachés à elle par quelques rites et paroles, qu'ils sollicitent désespérément en attendant la fin, -la mort? le silence? Dieu? -, qui les délivrerait de l'interminable souffrance d'exister? A chacun sa réponse, ses réponses car la pièce est polysémique...

Lire ou voir En attendant Godot reste un plaisir: on rit beaucoup -même si les rires se crispent un peu et se raréfient dans la deuxième journée- comme on rit au cirque, en regardant les clowns, le coeur pincé d'une sourde angoisse.

On rit et on pense. Exactement comme Didi et Gogo: on rit pour ne pas penser mais on pense quand même...

Sacré Beckett: il savait y faire avec la mise en abyme...
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Cette pièce n a pas pris une ride, alors que moi, si.
Lorsque je l ai lu la première fois, ils attendaient déjà Godot..Estragon et Vladimir parlaient pour ne rien dire, essayant de combler la vacuité de leur existence, décidés à partir mais sans bouger de là.

peut-être avais je besoin de relire Beckett, là, a ce moment, revenir à la racine, prendre assez de recul pour voir le monde sous un autre angle, sans doute plus ironique, Beckett ne manque pas d humour, et finalement plus léger.

on s agite, on gesticule, on a besoin de se sentir vivant,
on se bat on tue on aime on déteste on croit ou pas.
chacun selon ses penchants.

c est la grande roue de la vie, avec son commencement et sa fin prévue.
c est la farandole des arlequins et des colombines, le grand bal masqué, rythmé par la Grande Horloge.

Beckett absurde? assurément ! pour mieux montrer nos absurdités, celle de l existence en particulier, rien de mieux que la dérision et l absurde. du sucre pour mieux faire passer l acidité du sujet.

Beckett déprimant ? si le sujet de la pièce pose question, les scènes sont risibles, le texte est ciselé, précis et aussi agaçant qu amusant.

bon, je souffle un peu avant d ouvrir Cioran.

là dessus, je vous laisse.... j'attends quelqu un.
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Théâtre de l'absurde, anti-théâtre tel qu'on a qualifié le genre, dans la disparition de toute action, En attendant Godot surprend, dans son apparente légèreté, par sa modernité et sa grande profondeur. Écrite en 1948 et publiée en 1952, elle peut s'entendre autant comme une allégorie de la condition humaine – l'absurdité de la vie, l'angoisse du néant et de la mort -, que comme une représentation des horreurs de la guerre qui vient de se terminer, l'homme face à un monde détruit, en perte de sens, en perte de repères, ayant perdu foi en un Dieu qui l'a abandonné. Beckett, dans sa « Lettre à Michel Polac », reproduite en quart de couverture, dit : « Je ne sais pas qui est Godot. Je ne sais même pas, surtout pas, s'il existe. Et je ne sais pas s'ils y croient ou non, les deux qui l'attendent. » Dans le deuxième acte, il y a des références à la Shoah, les mots charnier, cendres, apparaissant, et Vladimir qui dit ceci : « Est-ce que j'ai dormi, pendant que les autres souffraient ? » (p. 118). Ils attendent un sauveur, Estragon et Vladimir, mais c'est un tyran qui apparaît, en la personne de Pozzo, amenant avec lui les thèmes de la servitude et de l'angoisse, peut-être, face à la liberté. Alors que faire, en attendant Godot ? Peut-être lire ? Et aller à la découverte de l'oeuvre de Samuel Beckett.
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Pièce fascinante sous des dehors de banalité extrême qui recèle toutes les interrogations métaphysiques de l'homme pour leur apporter cette réponse accablante : rien.

Les personnages des deux clochards, Estragon et Vladimir, m'ont beaucoup touchée.

Il m'a semblé que Beckett avait sauvé la tendresse humaine de l'appel du néant, même si ces deux-là n'ont pas beaucoup d'autre choix que celui de s'accrocher l'un à l'autre pour ne pas sombrer davantage, ou pour oublier par instant qu'ils sont en train de sombrer : combien de mariages ne sont que cela au milieu de la tourmente, avec un petit quelque chose d'autre malgré tout ?
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Cette pièce est le miroir de l'existence humaine tel qu'il est nous est tendu par Beckett. Je suis gêné par la référence constante à l'absurde faite dans les nombreux commentaires car je n'y vois rien d'absurde là-dedans, mais au contraire le tragique mêlé à la comédie et ce sont bien là deux caractéristiques permanentes de nos expériences. le pessimisme de Beckett transpire par tous les pores de la pièce mais il faut pourtant noter que Vladimir et Estragon ne finissent pas par se pendre, même si ce projet macabre est évoqué. Les deux personnages poursuivent leur chemin, sans en comprendre le sens mais en conservant l'espoir qu'il se passera quelque chose le lendemain. Et surtout, ils restent ensemble, même si le projet de se séparer est là aussi évoqué. Ce chemin de vie parcouru ensemble, dans l'amitié et dans une certaine tendresse, est finalement la caractéristique première de leurs vies par ailleurs misérables. Je pense que la présence de l'Autre, somme toute réconfortante, est un message fondamental délivré par Beckett dans cette pièce.
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En attendant Godot, 1948, la 2eme guerre mondiale est terminée depuis 3 ans à peine. Ceux qui ont vécu cela et ayant eu une enfance baignant durant la première, peuvent se demander quel sens a tout cela ?
Céline est une réponse au premier conflit, des hommes dans les tranchés, leur violence, leurs mots et maux. Beckett et son théâtre est une réponse a cette question du sens de tout cela !
Cette pièce me met mal à l'aise, mais elle pose de bonne question. C'est un rire qui en se moque aps, qui n'exclut pas, mais qui interroge et nous rapproche. Un rire qui créer du lien entre nous !
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