Samuel Beckett, un inconnu, un mystère, une énigme. Tellement encensé par certains, tellement honni par d'autres (beaucoup moins nombreux peut-être.) Je ne pouvais rester plus longtemps dans l'ignorance et avant de connaître l'homme, j'ai découvert l'une de ses nombreuses pièces, «
Fin de partie ». Ce choix s'est fait logiquement, parce que j'avais pu voir une mise en scène de cette oeuvre (par Jean-Claude Fall au CDN Languedoc-Roussillon, à l'automne 2006). Si je n'ai
pas gardé un très grand souvenir de la pièce jouée, j'ai tout de même senti le besoin de lire le texte, et ce fut un vrai bonheur. Si
Samuel Beckett a marqué son époque, c'est sûrement parce qu'il a renouvelé le théâtre. Tout d'abord, on est saisi par la surabondance et le pointillisme des didascalies. Elles sont, en effet, omniprésentes, précisant le moindre geste, la moindre attitude ou pause de chaque personnage. Je ne saurais expliquer les raisons de cette méticulosité formelle, mais elle réduit considérablement la liberté du metteur en scène et des acteurs. Mais ce dirigisme apparent s'accompagne d'une grande liberté d'interprétation du sens de la pièce.
Elle montre le temps qui
passe inexorablement, pour Hamm, son serviteur Clov ainsi qu'un duo probable de vieux parents, Nagg et Nell. La parcimonie des informations sur les raisons de la présence de tous ces personnages, ainsi que sur leurs liens réciproques aide à mettre au premier plan de la pièce l'absurdité de leurs faits et gestes.
Samuel Beckett expose des êtres vivant dans leur routine et leur morne quotidien, attendant
passivement la fin prochaine de leur petit manège. Cette impuissance de l'Homme face à l'existence est symbolisée par la paralysie des personnages. Hamm ne peut quitter son fauteuil roulant, Nagg et Nell vivent cloîtrés dans leurs poubelles, et Clov, le seul être pourtant mobile, reste soumis aux ordres et volontés de Hamm.
Les personnages de cette pièce sont donc des êtres insignifiants, englués dans leurs petits
passe-temps quotidiens, spectateurs du vide existentiel à
l'image de Clov qui répète inlassablement : « quelque chose suit son cours ».
Samuel Beckett ne nous raconte
pas une histoire pour occuper un peu de notre temps, mais il ouvre grand nos yeux sur ce temps qui
passe.