Les faussaires ont toujours été une source de fascination. Il y a ceux qui espèrent les démasquer ; ceux qui sont résolus (en secret) à profiter de leur génie ; et ceux enfin qui, à travers leurs agissements, ont l'ambition de comprendre les structures du marché de l'art, l'organisation des institutions patrimoniales et surtout les ressorts profonds du désir de possession de l'oeuvre.
Harry Bellet fait sans conteste partie du dernier groupe : son ouvrage se présente à la fois comme une histoire des faux en Europe, mais aussi comme une analyse des étapes de leur création dans des contextes et des pays différents. Les deux premiers chapitres récapitulent l'évolution de la notion d'authenticité au cours du temps ; ils montrent bien qu'à la Renaissance, la réplique ou l'invention parfaite d'un faux « moderne » était le gage de la dextérité et de la perfection.
Michel-Ange lui-même imagina des Antiques qui trompèrent les collectionneurs les plus aguerris : il en retira gloire et admiration de tous, notamment de son biographe Vasari. Ses imitations étaient du reste si parfaites qu'aujourd'hui plusieurs historiens de l'art s'interrogent sur la paternité du célèbre Laocoon, suspect d'être un bricolage du XVIe siècle dû au sculpteur de la Piéta de Saint-Pierre-de-Rome... Les chapitres suivants sont des études de cas, écrites avec beaucoup de verve et d'humour. On y retrouve la fausse tiare de Saïtapharnès, qui gît encore dans les réserves du Louvre, les Vermeer d'Han van Meegeren, qui trompèrent Göring et qui font un peu rire aujourd'hui, le faune si « original » de Gauguin, dont la bizarrerie s'explique parfaitement, puisqu'il fut inventé de toutes pièces un siècle après la mort de l'artiste... Il est dommage qu'aucune illustration ne vienne étayer le texte ; mais ce dernier se suffit néanmoins parfaitement à lui-même grâce aux habiles descriptions de l'auteur.
Par
Christine Gouzi, critique parue dans L'Objet d'Art 552, janvier 2019