Nous croyons fuir ce qui nous contrarie et échappe à notre contrôle. Nous distraire serait donc une manière de fuir notre impuissance. Pascal énonçait déjà cette idée dans ses Pensées en parlant du divertissement, à travers lequel nous fuyons notre misérable condition de mortels. [...]
Heidegger, quant à lui, opère à ce sujet une double rupture. Il affirme, d'une part, que ce que nous fuyons n'est pas l'ennui de soi car, à tout bien considérer, le divertissement est plus ennuyeux encore. D'autre part, ce que nous fuyons n'est pas notre impuissance, mais notre pouvoir véritable.
Hélas, nous concevons d'abord les choses en fonction de leur utilité plutôt que dans leur action de se donner. Nous manquons alors l'expérience originelle de ce qu'est l'Etre en le réduisant à n'être qu'un moyen pour nos propres fins. le catastrophismes de notre époque autour du réchauffement de la planète et du développement durable révèle une détresse de l'homme provoquée par l'oubli de l'Etre. La responsabilité de ce désastre incombe à notre intelligence technicienne.
Penser autrement, penser une autre façon d'habiter la terre devient une urgence. Pour cela, il faut revenir au sens originel de poiésis qui signifie à la fois "production" et "poésie". L'oubli de l'Etre est aussi l'oubli pour nous de notre être. Pour résister à cet oubli, il faut retrouver l'expérience originelle, celle de la gratuité d'un don, de la création que seule la poésie est apte à saisir.
Exister, c'est alors engager notre être. C'est endosser cette responsabilité à l'égard de nous-mêmes.
La détresse de l'homme actuel vient de ce qu'il ne veut pas entendre qu'il n'est pas la mesure de toute chose.