***Choisi vendredi 19 mars 2021- Librairie Caractères [Issy-Les-M. ]
Un petit bijou… dans une collection que j'affectionne particulièrement , chez Gallimard, « L'Arbalète », pour l'esthétique élégante de ses couvertures et des textes toujours singuliers proposés !....
Une « sacrée » bonne surprise que ce texte incroyable. Un immense coup de coeur inattendu !!! Si on m'avait dit qu'à partir d'une simple « machine à coudre » on m'en dirait tant de notre société et de la vie des travailleurs au XIXe… A travers le « véritable inventeur » de la « machine à coudre »…. Barthélemy Thimonnier, une réflexion, des informations sur les bienfaits et les nombreux méfaits de la société industrielle….sur la condition terrible des ouvriers qui « crèvent de faim » , malgré des journées harassantes de travail. «
Les Misérables » de
Victor Hugo…sont là, présents, à chaque page de Yamina Behnahmed Daho,parlant de la loi du plus fort, c'est-à-dire du plus riche …de l'exploitation des travailleurs, des ouvriers, des petits artisans…la non-reconnaissance du travail manuel, et du travail,
tout court !!!
« Quand les visiteurs découvrent ces symboles qui rendent hommage à Thimonnier, ils ne savent pas que c'est hors du récit institutionnel que s'écrit la version la plus fidèle à la vie de Barthélemy. En face du musée, en contrebas de la rue qui porte son nom, sa maison sommairement meublée accueille aujourd'hui, occasionnellement, discrètement, des personnes sans ressources, sans toit, sans soutien, sans travail ou sans un emploi suffisamment rémunéré, parfois sauvagement privées de tout cela en même temps. On l'appelle « la maison des gens de passage ». Un refuge unique, où l'on peut secrètement espérer, comme Barthélemy en son temps, que demain, malgré tout, la vie sera meilleure. Que la maison d'un artisan-inventeur errant, malchanceux et misérable soit devenue un abri temporaire qui protège d'une société du travail impitoyable, c'est une histoire qu'aucune fable ne peut dépasser”(p. 150)
Récit qui croise un second récit- hommage à la mère de l'auteure, ayant acheté une machine à coudre , dans les années 60, en Algérie…. Objet des plus sacrés qui accompagnera la « maman » dans son exil en France….
Un texte que je trouve d'une actualité incroyable : les écarts, les injustices faites aux classes modestes qui sont toujours les premiers touchés par le Capitalisme, par la Loi du profit qui profite à tous sauf à ceux qui ont « produit « de leurs mains et de leur sueur…
L'auteure nous rappelle quelques élémentaires vérités économiques et sociales…
« Les ouvriers sont ailleurs. Entre le taudis et l'usine (...) C'est un kiosque en bord de Seine, c'est une échoppe à Saint-Etienne, c'est un jardin à Limoges, c'est un parc à Roubaix, c'est une rue à Villeurbanne...C'est la nuit, le plus souvent. (...)
Ils envisagent un machinisme qui bénéficieraient à tous (...) ils se réapproprient leur corps servile, se découvrent d'autres forces que celle du travail régi par des règles déloyales et abusives. Il leur devient possible
de définir leur identité ouvrière,
de nommer le monde,
de penser construire chanter une autre société.
Dans ces marges blanches, ils proposent des ateliers de production autogérés, des élections ouvrières au sein des usines, où la machine est conçue comme un outil d'émancipation et non d'exploitation. » (p. 146)
Un immense MERCI à l'auteure pour ce beau texte, qui a un autre grand mérite , celui d'avoir mis à l'honneur un homme brillant, animé de grands projets faisant espérer une vie meilleure pour les « travailleurs », qui fut malheureusement, poursuivi par la « guigne » , la « malchance » et la cupidité de ses « associés »…
Yamina Benahmed Daho a comblé mon ignorance, ignorance telle, que les machines à coudre « Singer » ont bercé ma jeunesse, même dans des lieux très modestes…A tel point que j'ignorais même que Singer était « américain », je me l'étais intégré comme appartenant à l'hexagone. Alors il est merveilleux que ce récit fasse connaître ce sympathique et ingénieux Barthélemy Thimonnier…
Une lecture passionnante , des plus instructives…nous interpellant sur le système capitaliste et cette fameuse valeur « Travail » , toujours bien malmenée, hier comme aujourd'hui , à des niveaux différents mais malheureusement « perdurant ». Un style plaisant, fluide… un vocabulaire riche et coloré lié à ces artisans de la Couture, des tailleurs et des tissus, sans oublier le monde des Canuts, etc.
Un livre à ne pas manquer…qui fait, si besoin était ( !?) réfléchir à nos systèmes économiques qui laissent trop souvent, pour ne pas dire « toujours » « les forces vives » sur le bord de la route !!....
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****Voir lien
https://www.arts-et-metiers.net/musee/modele-premiere-machine-coudre-de-thimonnier