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EAN : 9782010094965
Hachette (20/01/1998)
3.75/5   964 notes
Résumé :
" Le Petit Chaperon rouge a été mon premier amour. Je sens que si j'avais pu l'épouser, j'aurais connu le parfait bonheur. " Charles Dickens.
En reprenant cette citation, Bruno Bettelheim souligne à quel point le grand romancier avait compris l'importance capitale du conte de fées et le charme qu'il exerce sur nos premières années. Cette imagerie, mieux que tout le monde, " aide l'enfant à parvenir à une conscience plus mûre, afin de mettre de l'ordre dans le... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (68) Voir plus Ajouter une critique
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sur 964 notes
Les contes, récits censés instruire les enfants dans leur vie diurne et les préparer le soir à la vie nocturne, ne sont pas aussi innocents qu'il y paraît, et renseignent les enfants, mieux que d'autres textes, et mieux que certaines recommandations parentales, sur tout ce que la vie comporte de tabous, d'interdits et de limites à leurs appétits de vivre et à leurs rêves apparemment sans bornes.
On y apprendrait ainsi le licite et ce qui n'est pas permis, on y trouverait un éventail des désirs humains destinés à ne pas être entièrement satisfaits et les contes auraient aussi la vertu de nous habituer à la frustration et de nous faire écrire une table de commandements et de devoirs personnelle qui ne serait rien d'autre qu'un renvoi et un raccordement à la loi et à l'ordre : un apprentissage en somme, sous les apparences de l'amusement, du sentiment et des aspirations au bonheur, à l'entente universelle et à la félicité.
Mais il y aussi, avec les contes, plongée dans les profondeurs insondables de l'étrange, du fantastique et du monstrueux.
Nous avons tous en nous la double aspiration au bien et au mal, et nous croyons cependant ne vivre toujours que dans l'éclat de la lumière, alors qu'il nous arrive aussi d'être immergés dans les ténèbres du doute, de la peur ou des passions, colère et instinct de vengeance compris.
Nos parents sont pendant longtemps ceux à qui nous remettons nos personnes et notre vie, et c'est de leur bouche que nous faisons par la lecture la découverte de ces contes.
Rien de mieux pour nous bercer à l'heure où le sommeil vient ou pour nous étonner et/ou nous ravir en plein jour, par identification avec les héros et héroïnes mis en mouvement dans ces récits.
Bruno Bettelheim est l'un des premiers à nous avoir révélé les sens et contenus cachés de ces histoires, lisibles à plusieurs degrés. Il a livré pour chaque histoire une grille de lecture qui nous permet de les regarder toutes sous un autre angle. D'autres ont continué après lui dans ce sens.

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j'ai lu ce petit bijou (grand par la taille!!!!) il y a longtemps durant mes études, et il m'a beaucoup marqué car Bettelheim nous explique le rôle fondamental des contes de fées dans l'univers de l'enfant en nous expliquant qu'ils sont une étape important dans le rituel de passage vers l'adolescence puis l'état d'adulte. chaque enfant ressent à sa façon les ogres, les monstres les bons les méchants. Il projette sur eux ses propres peurs, et ses confrontations avec ses parents. l'enfant a besoin de cultiver son imaginaire de mettre des mots sur ses angoisses, de transférer ses propres conflits sur les héros de compte. le conte reste tout à fait d'actualité dans le monde moderne envahi par les jeux vidéo ou la télévision....
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J'ai bien retenu la leçon :

1- Il faut gaver nos chérubins de contes
2- Il faut privilégier l'oralité afin qu'ils développent eux-même leur imagination
3- Il faut de préférence utiliser les version antérieures des contes
4- Il ne faut surtout rien expliquer aux enfants

La lecture de cet ouvrage mythique fut longue et fastidieuse, comme je l'imaginais mais je me suis délectée.

Bettelheim fait peser un poids bien lourd sur les parents, et notamment sur les mères ; on connaît son regard sévère sur la maternité, il pèse désormais avec plus de poids lorsqu'on a lu son titre-phare.

L'ouvrage est divisé en deux parties : l'une plutôt théorique analyse les principes de base des contes ; l'autre plus "pratique", s'attache à expliquer méthodiquement les contes les plus répandus en occident.

L'analyse est pointilleuse, profonde, convaincante et a le mérite de renvoyer l'adulte à ses propres modes de construction, démarche salutaire qui a, au moins, le mérite de nous forcer à une petite introspection bien sympathique. On comprend désormais mieux notre attirance (honteuse) pour ces histoires de gamins !

Après cette lecture, le lecteur sera un as du complexe d'Oedipe et sera au clair avec les tendances du ça, du moi et du surmoi, appréhendant mieux, au passage, la signification profonde de ses rêves et de ses fantasmes... bref, une revisite du Tout-Freud en douceur mais avec précision.

Quelques notions de littérature nous rappelleront que cette dernière prend ses racines dans l'oralité, que l'écrivain du XVIIème n'inventait pas grand chose et qu'en France il se complaisait à arranger sa plume pour le plus grand bonheur du Monarque...

Enfin, avec un peu de clairvoyance, on décèlera peut-être que l'auteur a une sacrée dent contre Perrault et contre Andersen (dont les écrits restent, à mon sens bien honorables) et une franche aversion pour Disney (là, pas d'accord, on touche pas à l'oncle Walt !). Peut-être qu'en analysant son ça et son surmoi, on trouvera chez Bettelheim une vieille frustration oedipienne contre ces génies de l'enfance, ou même une jalousie quasi-fraternelle envers ceux qui ont réussi là où il a échoué...
****************
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Toute gamine, je raffolais de la lecture à voix haute (il faut d'ailleurs bien avouer que ce petit faible m'est restée, bien que mes goûts littéraires aient largement évolué depuis) et, comme la plupart des enfants, particulièrement de celle des contes de fée et des mythes. Si j'ai abandonné plus tard les châteaux enchantés, les maisons en pain d'épice et les vertes vallées des contes des frères Grimm et d'Anderson, j'en garde tout de même une certaine nostalgie et c'est cette nostalgie qui m'a poussée en partie à m'attaquer à « La psychanalyse des contes de fées » de Bruno Bettelheim. Après quelques jours de lecture attentive, je ressors de cette petite immersion dans le monde fantasmagorique de l'enfance avec une impression mitigée, non pas tant sur les thèses défendues par l'auteur que j'ai trouvé convaincantes pour la plupart et ouvrant des pistes de réflexion tout à fait intéressantes, que sur la qualité de l'ouvrage lui-même. Avant de jouer ma tatillonne, je voudrais déjà souligner un point positif indéniable, à savoir la fluidité de l'écriture de Bettelheim et surtout la clarté de ses analyses : on peut approuver ou désapprouver ses hypothèses, mais elles ont au moins le mérite d'être très aisément compréhensibles, ce qui est loin d'être toujours le cas dans les quelques ouvrages de psychanalyse que j'ai eu l'occasion de lire jusqu'à aujourd'hui.

Je me suis donc plongée dans « La psychanalyse des contes de fées » avec beaucoup de facilité et un certain plaisir – plaisir qui fut, hélas, un peu gâché par d'autres particularités plus irritantes. Premier sujet d'agacement : la façon cavalière dont l'auteur présente chacune de ses hypothèses comme des vérités absolues, une démarche aventureuse quand on sait à quelle point la psychanalyse peut être une science nébuleuse. Par exemple, je suis prête à admettre que la pantoufle de verre de Cendrillon soit symboliquement un vagin (même si les images mentales provoquées par cette idée sont tout de même un peu dérangeantes) mais quand Bettelheim nous assène dans la foulée qu'en coupant leurs orteils pour entrer leur pied dans la pantoufle, les méchantes belles-soeurs castrent en réalité leur pénis fantasmé, ben, euh, comment dire… Je déplore également dans l'ouvrage de Bettelheim une certaine tendance au rabâchage, l'auteur ayant la fâcheuse manie de donner dix exemples pour étayer un point de son argumentation, alors qu'un seul suffirait à le clarifier. Inutilement longuet, « La psychanalyse des contes de fées » aurait probablement gagné à être synthétisé en deux cents ou trois cents pages seulement.

Troisième et principal point négatif de cet ouvrage à mes yeux, et celui-là est le plus subjectif de tous, je l'admets volontiers : contrairement à la critique de Denise Dubois-Jallais figurant sur la quatrième de couverture de mon exemplaire, je ne trouve absolument pas que « ce livre nous émerveille », bien au contraire ! À force d'analyser et du sur-analyser chaque détail des contes de notre enfance, séparant soigneusement les « bons contes » des « mauvais contes », Bettelheim finirait presque par faire passer la lecture à voix haute à un enfant pour une ennuyante corvée, nécessaire au bon développement de votre marmot sous peine d'en faire un petit sociopathe, mais aussi excitante et amusante qu'un rendez-vous chez un expert-comptable. Quid du plaisir et des rires partagés ? de la fantaisie ? de la légèreté ? de toute évidence, tout cela reste bien secondaire dans l'analyse de M. Bettelheim.

Pas un ouvrage inintéressant donc, ni dénué de pertinence, mais en matière d'enchantement, de poésie ou d'ouverture des enfants aux merveilles de la littérature, on repassera…
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Il existe bien des façons de raconter des histoires...

L'une d'elle pourrait commencer au milieu d'un vaste champ de bataille.
Sur cette terre à la topographie incertaine, s'engagent de formidables régiments à la vindicte parfois terrible. Radicaux sont leurs oriflammes : Ils sont Amour et Haine, Honte et Envie, Joie et Angoisse. Fluctuante est leur allégeance, tout aussi prompt à embrasser la cause de leur Général qu'à y être le pire opposant.Un général qui a toujours la nécessité de disposer des meilleurs outils pour analyser son champ de guerre. Mais bien souvent, les plans de bataille les plus rationnels ne résistent pas aux premiers instants de l'affrontement. C'est dans ces moments que le général doit obtenir des membres de sa " Maison "... que nous qualifierons ici de militaire, les outils pour transpercer le brouillard de guerre.
Mais quand ce général est un tout jeune enfant, son état-major est composé de ses parents. Et les stratégies dont ils disposent pour éclairer le maelström des pensées extrêmes et contradictoires de son esprit sont à trouver dans les contes de fées. En peuplant l'imagination d'un enfant de princes charmants, de belles endormies,e haricots magiques et d'animaux parlants, de maisons en sucrerie et de pièces fermées à double-tour, les conteurs allument un fanal à même d'aider à organiser les chaos du champ de bataille.
Une histoire basée sur l'intuition infantile pour qui les contes de fées sont nécessairement vrais.

Malheureusement, c'est une toute autre histoire qui nous est contée ici...
Car bien sûr tout ceci n'est que fantasme. Tout ceci est bien moins poétique dés lors qu'intervient l'analyse psychanalytique. Analyse qui n'évoque pas champ de bataille, mais psyché infantile. Qui n'évoque pas grand équipage de sentiments, mais pensées refoulées et désirs oedipiens et pré-oedipiens. Ici, les règles de l'engagement sont aux mains de l'état-major parental. A lui de saisir avec circonspection les enjeux sous-jacents à l'emploi à bon escient des contes de fées. En n'étant pas dupe des traductions psychanalytiques de chaque péripéties des récits.
Car s'ils n'en sont pas moins nécessaires, chacun se doit d'admettre l'aspect totalement fictif des contes de fées.

Amis qui conservez un souvenir ému des efforts de vos parents pour vous entrainer dans les contrées d' " Il était une fois ", fuyez ce livre...
Parents consciencieux qui pensez trouver ici les outils pour guider vos enfants de la meilleure des manières dans les contrées d' " Il était une fois ", fuyez ce livre...
La longue démonstration présentée ici est bien plus dangereuse que le " je ne crois pas aux fées " de John Matthew Barry.

Pour moi, il n'y a rien de tel dans les contes de fées que le regard attentif d'un enfant qui répond à une voix aimante parentale...
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critiques presse (1)
OuestFrance
20 février 2024

Lire la critique sur le site : OuestFrance
Citations et extraits (48) Voir plus Ajouter une citation
Pourquoi tant de parents intelligents, bien intentionnés, modernes et appartenant aux classes aisées, soucieux du bon développement de leurs enfants, dévaluent-ils les contes de fées et privent-ils leurs enfants de ce que ces histoires pourraient leur apporter ? Nos aïeux de l’époque victorienne eux-mêmes, malgré l’importance qu’ils accordaient à la discipline morale, malgré leur pesant mode de vie, non seulement autorisaient, mais encourageaient leurs enfants à faire travailler leur imagination sur les contes de fées et à en tirer du plaisir. Le plus simple serait de mettre cet interdit sur le compte de l’étroitesse d’esprit, mais ce n’est pas le cas.
Certains disent que les contes de fées sont malsains parce qu’ils ne présentent pas le tableau « vrai » de la vie réelle. Il ne vient pas à l’esprit de ces personnes que le « vrai », dans la vie d’un enfant, peut-être tout différent de ce qu’il est pour l’adulte. Ils ne comprennent pas que les contes de fées n’essaient pas de décrire le monde extérieur et la « réalité ». Ils ne se rendent pas compte que l’enfant sain d’esprit ne croit jamais que ces histoires décrivent le monde d’une façon réaliste.
Certains parents ont peur de « mentir » à leurs enfants en leur racontant les évènements fantastiques contenus dans les contes de fées. Ils sont renforcés dans cette idée par cette question que leur pose l’enfant : « Est-ce que c’est vrai ? » De nombreux contes de fées, dès leurs premiers mots, répondent à cette question avant même qu’elle puisse être formulée. Par exemple, « Ali Baba et les Quarante Voleurs » commence ainsi : « À une époque qui remonte très très loin dans la nuit des temps… » L’histoire des frères Grimm, « Le Roi Grenouille ou Henri le Ferré » s’ouvre par ces mots : « Dans l’ancien temps, quand les désirs s’exauçaient encore… » Des débuts de ce genre marquent clairement que l’histoire se situe à un niveau très différent de la « réalité » d’aujourd’hui. Certains contes de fées commencent d’une façon très réaliste : « Il était une fois un homme et une femme qui désiraient en vain, depuis très longtemps, avoir un enfant. » Mais pour l’enfant qui est familiarisé avec les contes de fées, « il était une fois » a le même sens que « dans la nuit des temps ». Cela montre qu’en racontant toujours la même histoire au détriment des autres, on affaiblit la valeur que les contes de fées ont pour l’enfant tout en soulevant des problèmes qui sont tout naturellement résolus si l’enfant en connaît un grand nombre.
La « vérité » des contes de fées est celle de notre imagination et non pas d’une causalité normale. Tolkien, à propos de la question « Est-ce que c’est vrai ? », remarque : « Il ne faut pas répondre à la légère de façon inconsidérée. » Il ajoute que la question suivante a beaucoup plus d’importance pour l’enfant : « Est-ce qu’il est gentil ? Est-ce qu’il est méchant ? » C'est-à-dire que l’enfant veut avant tout distinguer ce qui est mal de ce qui est bien.
Avant d’être à même d’appréhender la réalité, l’enfant, pour l’apprécier, doit disposer d’un cadre de référence. En demandant si telle ou telle histoire est vraie, il veut savoir si cette histoire fournit quelque chose d’important à son entendement, et si elle a quelque chose de significatif à lui dire en ce qui concerne SES préoccupations les plus importantes.
Citons Tolkien une fois de plus : « Le plus souvent, ce que veut dire l’enfant quand il demande « Est-ce que c’est vrai ? » c’est « J’aime bien cette histoire, mais est-ce qu’elle se passe aujourd’hui ? Est-ce que je suis en sécurité dans mon lit ? » La seule réponse qu’il souhaite entendre est la suivante : « Il n’y a certainement plus de dragons en Angleterre aujourd’hui ! » Et Tolkien continue : « Les contes de fées se rapportent essentiellement non pas à une « possibilité », mais à la « désirabilité. » Voilà quelque chose que l’enfant comprend très bien : pour lui rien n’est plus vrai que ce qu’il désire.
Parlant de son enfance, Tolkien raconte : « Je ne désirais pas du tout avoir les mêmes rêves et les mêmes aventures qu’Alice, et quand on me les racontait, j’étais amusé, c’est tout. Je n’avais guère envie de chercher des trésors enfouis et de me battre avec des pirates, et l’Île au trésor me laissait froid. Mais le pays de Merlin et du roi Arthur valait beaucoup mieux que cela, et, par-dessus tout, le Nord indéterminé de Sigurd et du prince de tous les dragons. Ces contrées étaient éminemment désirables. Je n’ai jamais imaginé que le dragon pût appartenir à la même espèce que le cheval. Le dragon portait visiblement le label « Contes de fées ». Le pays où il vivait appartenait à « l’autre monde »… J’avais un désir très profond de dragons. Evidemment, dans ma peau d’enfant timide, je n’avais pas la moindre envie d’en avoir dans le voisinage, ni de les voir envahir mon petit monde où je me sentais plus ou moins en sécurité. »
Lorsque l’enfant demande si le conte dit la vérité, la réponse devrait tenir compte non pas des faits réels, pris à la lettre, mais du souci momentané de l’enfant, que ce soit sa peur d’être ensorcelé ou ses sentiments de jalousie œdipienne. Pour le reste, il suffit en général de lui expliquer que ces histoires ne se passent pas de nos jours, dans le monde où nous vivons, mais dans un pays inaccessible. Les parents qui, d’après les expériences de leur propre enfance, sont convaincus de l’importance des contes de fées, n’auront aucune peine à répondre aux questions de leurs enfants. Mais l’adulte qui pense que ces histoires ne sont que des tissus de mensonges ferait mieux de s’abstenir de les raconter. Ils seraient incapables de les dire d’une façon qui pourrait enrichir la vie de leurs enfants.
Certains parents redoutent que leurs enfants se laissent emporter par leur fantasmes ; que mis en contact avec les contes de fées, ils puissent croire au magique. Mais tous les enfants croient au magique, et ils ne cessent de le faire qu’en grandissant (à l’exception de ceux qui ont été trop déçus par la réalité pour en attendre des récompenses). J’ai connu des enfants perturbés qui n’avaient jamais entendu de contes de fées mais qui investissaient un moteur électrique ou un moteur quelconque d’un pouvoir magique ou destructeur qu’aucun conte de fées n’a jamais prêté au plus puissant et au plus néfaste des personnages.
D’autres parents craignent que l’esprit de l’enfant puisse être saturé de fantasmes féeriques au point de ne plus pouvoir apprendre à faire face à la réalité. C’est le contraire qui est vrai. Si complexe qu’elle soit (bourrée de conflits, ambivalente, pleine de contradictions), la personnalité humaine est indivisible. Toute expérience, quelle qu’elle soit, affecte toujours les divers aspects de la personnalité d’une façon globale. Et l’ensemble de la personnalité, pour pouvoir affronter les tâches de la vie, a besoin d’être soutenue par une riche imagination mêlée à un conscient solide et à une compréhension claire de la réalité.
La personnalité commence à se développer de façon défectueuse dès que l’un de ses composants (le ça, le moi ou le surmoi, le conscient ou l’inconscient) domine l’un des autres et prive l’ensemble de la personnalité de ses ressources particulières. Parce que certains individus se retirent du monde et passent la plus grande partie de leur temps dans le royaume imaginaire, on a supposé à tort qu’une vie trop riche en imagination nous empêche de venir à bout de la réalité. Mais c’est le contraire qui est vrai : ceux qui vivent totalement dans leurs fantasmes sont en proie aux ruminations compulsives qui tournent éternellement autour de quelques thèmes étroits et stéréotypés. Loin d’avoir une vie imaginative riche, ces personnes sont emprisonnées et sont incapable de s’échapper de leurs rêves éveillés qui sont lourds d’angoisses et de désirs inassouvis. Mais le fantasme qui flotte librement, qui contient sous une forme imaginaire une large variété d’éléments qui existent dans la réalité, fournit au moi un abondant matériel sur lequel il peut travailler. Cette vie imaginative, riche et variée, est fournie à l’enfant par les contes de fées qui peuvent éviter à son imagination de se laisser emprisonner dans les limites étroites de quelques rêves éveillés axés sur des préoccupations sans envergure.
Freud disait que la pensée est une exploration des possibilités qui nous évite les dangers attachés à une véritable expérimentation. La pensée ne demande qu’une faible dépense d’énergie, si bien qu’il nous en reste pour agir dès que nos décisions sont prises, lorsque nous avons soupesé nos chances de succès et la meilleure façon de l’atteindre. Cela est vrai pour les adultes : le savant, par exemple, « joue avec les idées » avant de commencer à les explorer plus systématiquement. Mais les pensées du jeune enfant ne procède pas de façon ordonnée, comme le font celle de l’adulte : les fantasmes de l’enfant sont ses pensées. Quand il essaie de comprendre les autres et lui-même ou de se faire une idée des conséquences particulières d’une action, l’enfant brode des fantasmes autour de ces notions. C’est sa façon de « jouer avec les idées ». Si on offre à l’enfant la pensée rationnelle comme moyen principale de mettre de l’ordre dans ses sentiments, et de comprendre le monde, on ne peut que le dérouter et le limiter.
Cela reste vrai même quand l’enfant semble demander des informations factuelles. Piaget raconte qu’un jour une petite fille qui n’avait pas encore quatre ans lui posa des questions sur les ailes des éléphants. Il lui répondit que les éléphants ne volaient pas. Sur quoi, la petite fille insista : « Mais si ! Ils volent. Je les ai vus ! » Il se contenta de répondre qu’elle disait ça pour rire. Cet exemple montre les limites du fantasme enfantin. Il est évident que cette petite fille se débattait avec un problème quelconque et on ne l’aidait certainement pas en lui fournissant des explications factuelles qui n’avaient rien à voir avec ce problème.
Si Piaget avait poursuivi la
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Il semble que pour l'enfant l'existence soit une série de périodes sereines, brusquement interrompues, et d'une façon incompréhensible, quand il se trouve projeté dans une situation très dangereuse. Il s'est senti en sécurité, sans l'ombre d'une inquiétude, et, en un instant, tout est changé, et le monde, si amical, devient un cauchemar hérissé de périls. C'est ce qui se produit quand l'un des parents, jusque là tout amour, émet des exigences qui paraissent déraisonnables et des menaces terrifiantes. L'enfant est convaincu qu'il n'y a rien de raisonnable à l'origine de ces choses.Il constate simplement qu'elles existent. C'est la conséquence d'un destin inexorable. L'enfant n'a alors que deux solutions : ou bien il s'abandonne au désespoir ( et c'est exactement ce que font certains héros de conte de fées, ils pleurent jusqu'au moment où un ami magique survient pour leur dire ce qu'ils doivent faire pour lutter contre la menace); ou bien comme Blanche-Neige, il essaie d'échapper à son horrible destin par la fuite, "la malheureuse fillette était désespérément seule dans la vaste forêt et tellement apeurée... qu'elle ne savait que faire et que devenir. Elle commença à courir, s'écorchant aux épines et sur les pierres pointues".

Première Partie - De l'utilité de l'imagination-
Chap Imagination, guérison, délivrance et réconfort
P 251
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L’enfant pré pubertaire ou adolescent peut se dire : « Je n’entre pas en rivalité avec mes parents, je suis déjà bien meilleur qu’eux ; ce sont eux qui entrent en rivalité avec moi. » Malheureusement, il existe aussi des parents qui veulent convaincre leurs enfants adolescents qu’ils leur sont supérieurs ; il y a beaucoup de chances pour qu’ils le soient à certains égards, mais, pour la sécurité de leurs enfants, ; ils feraient mieux de garder pour eux cette réalité. Le pire est qu’il existe des parents qui veulent valoir mieux, sur tous les plans, que leurs enfants adolescents ; c’est par exemple, le père qui tente de se maintenir à la hauteur de la force juvénile et des prouesses sexuelles de ses fils ; ou la mère qui veut par son allure, sa façon de s’habiller et son comportement, paraitre aussi jeune que sa fille. L’ancienneté du thème de « Blanche-neige » prouve qu’il s’agit d’un phénomène vieux comme le monde. Mais la rivalité parents-enfants rend la vie insupportable aux uns comme aux autres. Placé dans de telles conditions, l’enfant veut se libérer et se débarrasser de celui de ses parents qui veut l’obliger à rivaliser ou à se soumettre. Ce désir de se débarrasser du père ou de la mère éveille un fort sentiment de culpabilité bien que ce désir soit justifié si on observe objectivement la position de l’enfant. Ainsi, par un renversement qui élimine le sentiment de culpabilité, ce désir, lui aussi, est transféré sur les parents. C’est pourquoi nous trouvons dans les contes de fées des parents qui essaient de se débarrasser de leur enfant, comme la reine de « Blanche-Neige ».
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Les contes de fées ont pour caractéristique de poser des problèmes existentiels en termes brefs et précis. L’enfant peut ainsi affronter ces problèmes dans leur forme essentielle, alors qu’une intrigue plus élaborée lui compliquerait les choses. Le conte de fées simplifie toutes les situations. Ses personnages sont nettement dessinés ; et les détails, à moins qu’ils ne soient très importants sont laissés de côté. Tous les personnages correspondent à un type ; ils n’ont rien d’unique.

Contrairement à ce qui se passe dans la plupart des histoires modernes pour enfants, le mal, dans les contes de fées, est aussi répandu que la vertu. Dans pratiquement tous les contes de fées, le bien et le mal sont matérialisés par des personnages et par leurs actions, de même que le bien et le mal sont omniprésents dans la vie et que chaque homme a des penchants pour les deux. C’est ce dualisme qui pose le problème moral ; l’homme doit lutter pour le résoudre.
Le mal est présenté avec tous ses attraits – symbolisés dans les contes par le géant tout-puissant ou par le dragon, par les pouvoirs de la sorcière, la reine rusée de Blanche-Neige – et, souvent, il triomphe momentanément. De nombreux contes nous disent que l’usurpateur réussit pendant quelque temps à se tenir à la place qui appartient de droit au héros ( comme les méchantes sœurs de Cendrillon ). Ce n’est pas seulement parce que le méchant est puni à la fin de l’histoire que les contes ont une portée morale ; dans les contes de fées, comme dans la vie, le châtiment, ou la peur qu’il inspire, n’a qu’un faible effet préventif contre le crime ; la conviction que le crime ne paie pas est beaucoup plus efficace, et c’est pourquoi les méchants des contes finissent toujours par perdre. Ce n’est pas le triomphe final de la vertu qui assure la moralité du conte mais le fait que l’enfant, séduit par le héros s’identifie avec lui à travers toutes ses épreuves. A cause de cette identification, l’enfant imagine qu’il partage toutes les souffrances du héros au cours de ses tribulations et qu’il triomphe avec lui au moment où la vertu l’emporte sur le mal. L’enfant accomplit tout seul cette identification, et les luttes intérieures et extérieures du héros impriment en lui le sens moral.
Les personnages des contes de fées ne sont pas ambivalents ; ils ne sont pas à la fois bons et méchants, comme nous le sommes tous dans la réalité. De même qu’une polarisation domine l’esprit de l’enfant, elle domine le conte de fées. Chaque personnage est tout bon ou tout méchant. Un frère est idiot, l’autre intelligent. Une sœur est vertueuse et active, les autres infâmes et indolentes. L’une est belle, les autres sont laides. L’un des parents est tout bon, l’autre tout méchant. La juxtaposition de ces personnages opposés n’a pas pour but de souligner le comportement le plus louable, comme ce serait vrai pour les contes de mise en garde […]. Ce contraste des personnages permet à l’enfant de comprendre facilement leurs différences, ce qu’il serait incapable de faire aussi facilement si les protagonistes, comme dans la vie réelle, se présentaient avec toute leur complexité. Pour comprendre les ambiguïtés, l’enfant doit attendre d’avoir solidement établi sa propre personnalité sur la base d’identifications positives.
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Pour pouvoir régler les problèmes psychologiques de la croissance (c’est à dire surmonter les déceptions narcissiques, les dilemmes eodipiens, les rivalités fraternelles ; être capable de renoncer aux dépendances de l’enfance ; affirmer sa personnalité, prendre conscience de sa propre valeur et de ses obligations morales), l’enfant a besoin de comprendre ce qui se passe dans son être conscient et, grâce à cela , de faire face également à ce qui se passe dans son inconscient . Il peut acquérir cette compréhension non pas en apprenant rationnellement la nature et le contenu de l’inconscient , mais en se familiarisant avec lui, en brodant des rêves éveillés, en élaborant et en ruminant des fantasmes issus de certains éléments du conte qui correspondent aux pressions de son inconscient .........
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